La première question que je me pose en écoutant ce récit es : Comment est-t-il possible que ces deux disciples ne le reconnaissent pas ? Ils parlent de lui… pensent à lui.. les femmes viennent à peine de raconter que des anges leur ont dit qu’il est vivant ! Ils l’ont, là, devant eux, et ils ne le reconnaissent pas. La réponse à cette question reste pour moi ouverte, elle reste un mystère.
Mais il y a une deuxième question à laquelle je m’efforcerai de répondre, ce matin. Pourquoi, en revanche, le reconnaissent-ils quand il accomplit les quatre actions suivantes : Il prit le pain; et après avoir rendu grâces, il le rompit et le leur donna ?
La réponse qui nous viendra sans doute immédiatement à l’esprit est que ce sont les actions que Jésus accomplit lors de la dernière cène, avec ses disciples, justement. Mais Henri Nouwen, théologien néerlandais, dit qu’il y a derrière ces quatre actions, quelque chose de plus profond. Selon lui, ces quatre actions parlent de l’identité de Jésus.
Jésus est pris par Dieu, Jésus est choisi pour accomplir la mission de salut de Dieu, pour raconter au monde son amour. Et après avoir été pris, Jésus est béni.
C’est ce qui nous est expliqué dans le récit du baptême de Jésus durant lequel une voix venant du ciel dit : « Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute mon approbation ». Qu’est-ce qu’une bénédiction si ce n’est une déclaration d’amour ?
Jésus est pris, Jésus est béni. Jésus est brisé. Nous l’avons entendu : Jésus est brisé sur la croix, comme le pain est rompu. Et il est brisé parce que cette croix, cette souffrance, cette cassure, sert à dire que Dieu n’a jamais été aussi proche de nous tous. S’il n’avait pas été brisé, il n’aurait pas pu être donné, donné à nous toutes et tous.
« Il prit le pain, et après avoir rendu grâces, il le rompit et le leur donna. » C’est alors qu’ils l’ont reconnu. C’est seulement alors qu’ils se sont seulement rendu compte que Jésus était vraiment ressuscité, que nul n’aurait pu leur ôter ce don-là. Aucun puissant, personne, jamais plus.
« Il prit le pain, et après avoir rendu grâces, il le rompit et le leur donna. » Nous avons entendu que ces quatre actions nous parlent de l’identité de Jésus. Et si nous réfléchissions à l’idée qu’elles parlent aussi de nous ?
Nous aussi, nous sommes appelés, choisis, pris par Dieu, dans ses mains, de mille et une manières. Nous sommes aussi bénis. Et aujourd’hui, le jour durant lequel nous nous rappelons la résurrection de Jésus, nous célébrons notre bénédiction. Nous célébrons le fait que nous sommes fils et filles aimés et aimées de Dieu. Sans doute sommes-nous invités à nous le rappeler l’un l’autre, parfois avec même un simple « Je t’aime ».
Pris, bénis, brisés. Je sais qu’un prononçant ce mot, chacun et chacune pourra bien préciser un lieu, un moment où il ou elle a été brisé.e. L’un pensera à un deuil, à une relation finie, ou l'autre encore à une histoire de violence, physique ou morale… Mais souvenons-nous que même si nous sommes brisés, nous ne cessons jamais d’être bénis comme Jésus. Brisés, car sinon, nous ne pourrions pas être donnés, donnés à qui est brisé, et à faire comprendre qu’être brisés n’empêche pas d’être aimés, bénis.
Voilà, la résurrection ce matin nous rappelle cela : que ce qui est brisé peut devenir précieux s’il est considéré à la lumière de l’amour.
C’est ce que sont en train de faire les enfants dehors : ils réparent un vase qui semblait désormais perdu, cassé en mille morceaux, mais qui deviendra plus précieux qu’auparavant.