Écouter le culte :
L’Évangile de Marc est le premier qui a été écrit, environ 30 à 40 ans après la résurrection du Christ. Son récit a un style direct, souvent déroutant, jouant sur les paradoxes et les retournements de situation. Il est tout entier une invitation à se laisser surprendre, à quitter ce que l’on tient pour acquis, et à se tourner vers une autre réalité : celle de Dieu qui nous rejoint.
Au début du premier chapitre, Jean le Baptiste prêche dans le désert, comme le dit la parole, pour annoncer un Seigneur qui vient. Il invite les gens à changer de vie, à se convertir, à oublier leur vie passée. Deuxième moment, Jésus arrive vers Jean-Baptiste pour être baptisé et au moment de son baptême, le Saint-Esprit descend sur lui. Puis, nous dit le texte, Jésus part dans le désert pour être tenté. Nous n’en saurons pas plus. Et là, premier électro-choc : Jean le Baptiste est arrêté, il est mis en prison. C’est comme si le mal avait pris le pas sur ce bien qui commençait tout juste à se faire une petite place. C’est comme un échec programmé.
Jésus entre alors en action, annonçant un retournement de situation : « Le moment décidé par Dieu est arrivé et le Royaume de Dieu est tout près de vous », dit-il. En d’autres termes, le temps du monde est terminé et le temps de Dieu est là. Cette nouvelle est de la dynamite, car elle annonce un changement radical devenu urgent, un ressourcement plus que nécessaire, l’irruption d’un royaume d’amour divin dans notre quotidien.
C’est le début du cheminement pour Jésus, une mise en route pour laquelle il ne peut pas être seul : c’est un chemin qui se fait en commun. Notre Dieu est d’abord et toujours un Dieu de relation. Il ne fait rien sans nous.
Il va alors appeler ses premiers compagnons, ceux qui deviendront ses disciples en recevant son enseignement. La réaction de Simon, André, Jacques et Jean est immédiate : ils abandonnent leur travail (leur gagne-pain et celui de leur famille), ils laissent tout derrière eux et ils suivent Jésus.
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais ça paraît évidemment un peu trop beau pour être vrai. Imaginez un instant la scène : vous êtes au bord du lac, en train de travailler, vaquant à vos occupations ; il y a là vos collègues, votre père (parce que vous travaillez en famille), des personnes que vous connaissez. Et un type que vous n’avez jamais vu débarque là en vous disant : «Je vais faire de vous des pêcheurs d’hommes».
Autant dire que ça ne veut rien dire, surtout quand on est pêcheur de poissons, et vous laissez tout. Pas un mot d’excuse, pas un « je reviens plus tard », et vous partez ! Vraiment ? Je ne sais pas si vous l’auriez fait, mais je sais que je ne serais pas partie. C’est sûr ! Pas comme ça !
Il y a évidemment un message que l’évangéliste Marc veut nous faire passer par sa manière de mettre son récit en scène. Il insiste sur l’urgence de répondre à cet appel divin. C’est une manière de dire que cette Bonne Nouvelle, promise à ces futures disciples, est agissante. Il insiste sur le moment précis, le moment où il faut réagir. On n’a pas le temps de tergiverser, se poser des questions ou réfléchir. Il faut y aller maintenant ! Il s’agit de se lever et de se mettre en route. C’est maintenant le bon moment. La Bonne Nouvelle est si intense, si bouleversante qu’ils n’ont pas résisté.
Les futurs disciples ne savent pas ce qui les attend. D’ailleurs, tout au long du récit de Marc, nous les verrons se poser mille questions, ne pas comprendre ce qui leur arrive et être souvent complètement à côté de la plaque. Ce qu’ils espéraient sans doute, soit la réhabilitation du trône de David par le Messie promis par Dieu, n’a jamais eu lieu. Ils ont été de surprises en surprises, pas toujours agréables d’ailleurs.
Mais quoi qu’il en soit, ce que l’on retient à la fin de l’Évangile, c’est que cette fameuse Bonne Nouvelle a pris le dessus de tout le reste. La manière dont ils ont vécu ce temps particulier avec Jésus et tout ce qu’ils ont compris à travers ses paroles et ses actes, a profondément changé leur vie. Si ce n’était pas le cas, ils n’auraient pas continué de la répandre après que Jésus soit monté rejoindre son Père et nous ne serions pas là.
Je crois sincèrement et profondément que le temps de Dieu est omniprésent. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il est bien plus une manière de vivre l’instant qui permet de faire advenir le Royaume de Dieu aujourd’hui encore, qu’une durée pendant laquelle il aurait été ou serait encore présent (par exemple, pendant le temps du ministère de Jésus ou durant quelques siècles). Un temps en épaisseur bien plus que dans un déroulement chronologique.
Jésus ne dit pas, « le Royaume des cieux viendra plus tard » ou « il est d’un autre ordre, il viendra après la mort », ou encore, « il viendra quand je serai devenu le roi de Jérusalem ». Il dit : « Le Royaume des cieux est là. Il est tout proche ». Ce n’est pas une histoire de temps, il est présent, il est parmi nous. Et nous avons à le faire advenir ou à aller le retrouver.
Ce temps différent, ce temps en épaisseur bien plus que dans un déroulement chronologique est beaucoup plus important dans la manière dont nous le vivions que dans son déroulement, tel que nous l’imaginons. Dit autrement, cet appel lancé aux premiers disciples est celui que Dieu nous lance aujourd’hui encore avec toujours cette même intensité.
Nous sommes toujours appelés à la rencontre avec Dieu, à devenir disciples dans notre quotidien. Mais de même que Simon, André, Jacques et Jean ont eu le choix, c’est à nous de choisir si oui ou non, nous voulons nous lancer dans cette aventure. Nous ne sommes pas les marionnettes d’un Dieu qui s’impose : il est de notre responsabilité de lui dire oui ou non, de choisir le Royaume de Dieu ou le monde des humains. Mais quoi qu’il en soit, nous sommes invités à prendre une décision. Ne pas choisir est toujours une forme de choix.
Quelle que soit notre situation, ici en prison ou l’enfermement se vit au quotidien, ou dehors, peut-être dans d’autres formes d’enfermement comme la maladie, les soucis d’argent ou de relation, le stress, la colère, la peur, ou simplement la poursuite du bonheur, comme une quête sans fin pour plus de richesse, plus d’avoir (une autre manière de s’enfermer dans une dynamique qui nous pousse à toujours attendre autre chose, après, de mieux). Que l’on attende le bonheur ou la liberté, finalement on ne vit pas le moment présent, on vit dans le futur.
Si nous nous laissons interpeler, si nous choisissons de nous lever et de nous mettre en route, nous ne saurons pas où le chemin nous mènera. Probablement pas là où nous l’espérons : il y a peu de chance pour que les portes de cette prison s’ouvrent soudainement dans un grand éclair blanc, ou qu’une pluie de billets de banque tombe du ciel. Il y aura des surprises, des bonnes et des mauvaises. Il y aura des portes qui nous claqueront à la figure, il y aura des deuils à faire, des maladies, des incompréhensions et des difficultés. Il y aura ce qu’on appelle des épreuves, mais qui sont surtout les aléas de la vie. Il y aura des injustices, il y aura du mal et de la violence. Et il y aura même peut-être des miracles si vous avez le cœur assez ouvert pour les voir.
Car le Royaume de Dieu ne dépend pas de notre compréhension humaine : nous entrons dans une autre dimension où ce ne sont plus les circonstances qui sont importantes, mais la manière dont nous investissons l’instant, la qualité de présence que nous avons les uns, les unes, pour les autres : un comportement sans jugement, un accueil inconditionnel de chaque être vivant, un regard qui s’émerveille devant le miracle de la vie, un cœur ouvert à la richesse de nos différences.
Bien plus que d’être en constante réaction face aux événements que l’on subit, il s’agit de les accepter, de les recevoir, et surtout de se laisser porter par ce Royaume, qui nous invite à aller plus profondément dans l’humanité de chacune de nos relations, de chacun de ses événements. C’est à nous d’amener la justice, c’est à nous d’amener la paix, c’est à nous d’être toujours, avec volonté, dans ce Royaume qui nous attend. C’est ce que le Christ nous montre tout au long de l’Évangile.
« Changez votre vie et croyez ! », avons-nous entendu dans le texte de ce matin. Le Christ nous montre le chemin : chacune de ses attitudes, chacune de ses paroles a eu un impact relationnel dans le sens de la paix. C’est notre exemple.
Si nous nous laissons interpeler, si nous acceptons de croire que « ça pourrait être autrement », nous nous lèverons et irons ensemble, à la suite du Christ. Car répondre à l’appel de Dieu, c’est dire « oui » à l’Espérance, envers et contre tout.
Alors oui, il y a urgence ! Évidemment qu’il y a urgence de vivre plus intensément et plus heureux ! C’est le bon moment pour se mettre en route. Le moment précis où le Royaume est là, à notre portée.
Amen.
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Rappel du pardon et confession
Notre Dieu est un Dieu de relation et d’amour.
Avant même d’avoir manqué notre but,
avant même d’échouer dans nos efforts,
avant même d’avoir compris nos erreurs,
le Christ nous a déjà libérés et Dieu nous a déjà pardonnés.
Ainsi en témoigne l’apôtre Paul : « C’est une parole certaine, digne d’être accueillie par tous avec une entière confiance : Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pêcheurs. »
Confortés et réjouis par cette parole, nous nous tournons vers Dieu pour confesser nos errements et demander son aide.
Seigneur, quand tu nous libères de nos fautes et que notre cœur continue à se sentir coupable,
Seigneur, pardonne-nous.
Quand toi-même, tu as choisi de faire grâce, mais que nos regards et notre dédain continuent d’accuser,
Seigneur, pardonne-nous.
Seigneur, quand tu ouvres les portes de nos prisons (réelles ou imaginaires) et que nous essayons encore d’en abattre les murs par nos propres moyens,
Seigneur, pardonne-nous.
Quand enfin tu ouvres les portes de leurs prisons et que nous continuons à nous battre pour les refermer sur eux,
Seigneur, pardonne-nous.
Seigneur, quand tu nous appelles à vivre de ta grâce et que nous ressassons nos fautes effacées,
Seigneur, pardonne-nous.
Quand, enfin rendus libres par ta grâce, nous continuons à enfermer nos prochains dans leur faute,
Seigneur, pardonne-nous.
Nous avons besoin de ton aide pour faire advenir ton Royaume. Amen.
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Intercession
Seigneur, aujourd’hui tu nous appelles à croire que ça pourrait être autrement ;
à quitter le temps du monde qui n’arrête pas de fuir en avant, pour rejoindre le temps de ton Royaume.
Apprends-nous à le faire advenir petit à petit et de plus en plus dans notre quotidien et à en faire vivre nos communautés.
Aide-nous à changer notre regard Seigneur, comme le Christ l’a appris à ses disciples.
Si, au lieu de nous plaindre de la météo, nous apprenions à admirer la beauté d’une goutte de pluie ?
Si, au lieu de juger l’autre avec peur et mépris, nous apprenions à regarder ses qualités et ses richesses ?
Si, au lieu de voir l’impossible, nous faisions déjà ensemble le possible ?
Ça pourrait être autrement, n’est-ce pas ?
Aide-nous à changer notre écoute Seigneur, comme le Christ l’a appris à ses disciples.
Si au lieu de râler sur le bruit de la rue, nous apprenions à écouter les oiseaux chanter ?
Si au lieu de nous focaliser que sur les mauvaises nouvelles, nous décidions de nourrir notre espérance avec ce qui va bien ?
Si au lieu d’entendre «tu n’y arriveras jamais», nous décidions ensemble d’essayer quand même ?
Ça pourrait être autrement, n’est-ce pas ?
Aide-nous à changer nos paroles Seigneur, comme le Christ l’a appris à ses disciples.
Si, au lieu de critiquer l’attitude des autres pour nous rassurer, nous allions à leur rencontre ?
Si, au lieu de compter nos points de divergence pour justifier nos séparations, nous décidions de nous enrichir de nos différences ?
Si, au lieu de crier notre colère, nous nous arrêtions un instant pour écouter et soigner ce qui nous fait mal ?
Ça pourrait être autrement, n’est-ce pas ?
Aide-nous à changer notre cœur, Seigneur, comme le Christ l’a appris à ses disciples.
Si, au lieu de nous figer dans notre peur du changement, nous apprenions à accueillir ce qui vient dans la confiance ?
Si, au lieu pointer du doigt les mots de la prière de l’autre, nous décidions de nous lever pour te louer ensemble ?
Si, au lieu de nous laisser berner par des enjeux de pouvoir et d’argent, nous refusions de jouer le jeu de la violence et décidions de construire ensemble la paix ?
Ça pourrait être autrement, n’est-ce pas ?
Et Seigneur, à l’image des disciples qui ont suivi le Christ, que petit à petit et de plus en plus, nos vies et nos communautés soient régénérées, enthousiasmées et libérées par cette Bonne Nouvelle qui nous rejoint encore et encore.
Et ça sera autrement, pour nous aussi.
Et nous deviendrons ensemble témoins du Royaume à notre tour.
Amen.