C’était prévisible : Jésus, considéré par les Romains comme un agitateur public vient d’être arrêté au jardin des Oliviers et conduit devant le préfet Ponce Pilate qui veut l’interroger. L’issue va-t-être fatale pour Jésus qui est condamné à une mort horrible, crucifié entre deux brigands.
De nombreux témoins ont assisté à la scène, dont des femmes qui regardaient de loin.
Au matin de Pâque, Les femmes s’activent ... elles ont acheté des aromates, et elles se lèvent tôt pour se rendre au tombeau afin d’embaumer, c’est à dire préparer le cadavre de Jésus selon les rites funéraires juifs. Mais ici, tous les gestes rituels ne sont pas accomplis et ce pour une raison majeure, à savoir que c’est la veille de la Pâque juive et que la mise au tombeau doit s’effectuer de façon hâtive, avant la nuit.
La démarche de ces femmes semble pourtant bien dérisoire : elles viennent certes accomplir un rite funéraire, mais elles viennent surtout figurer à nos yeux ce qui peut être fait, c’est à dire juste... parfumer un cadavre !
Ces femmes qui arrivent au tombeau de bon matin, au lever du soleil, sont donc dans une perspective de mort alors que c’est un nouveau jour qui commence !
Est-ce par étourderie qu’elles n’ont pas pris la peine de demander à des hommes de les accompagner pour rouler la pierre du tombeau ou comptaient-elles sur la Providence divine... le texte n’en dit rien, mais il insiste cependant sur un point qui va faire basculer ce récit : « elles lèvent les yeux » ce qui signifie de façon symbolique que la dynamique de mort va laisser place à une transcendance, à une dynamique de vie.
Les femmes entrent dans le tombeau pensant y trouver la dépouille de Jésus mais elles tombent nez à nez avec un mystérieux personnage et elles sont saisies d’effroi ! À première vue, ce jeune homme d’une apparence sobre n’a rien d’effrayant mais que vient-il faire ici ? Nous allons vite le savoir car le jeune homme parle, il est d’ailleurs là pour cela, pour délivrer un message : Vous cherchez Jésus de Nazareth, qui a été crucifié ; il est ressuscité, il n’est point ici.
Le texte ne décrit pas la résurrection en elle-même, il parle d’un tombeau vide ; d’ailleurs, il n’y a pas à proprement parler de témoins de la résurrection, mais seulement des témoins du Ressuscité. La résurrection n’est pas décrite, elle est annoncée : « Jésus est ressuscité », plus précisément « Jésus a été ressuscité » nous dit le texte grec. Le verbe est au passé car cela a déjà eu lieu, le verbe est aussi au passif, ce qui signifie que Jésus est ressuscité parce qu’il a été ressuscité par Dieu. En effet, la résurrection est le résultat de l’action d’un autre, de Dieu, du Tout-Autre, et le jeune homme dans le tombeau vide est seulement là pour témoigner de cet évènement, pour dire une parole qui le dépasse. L’élément de merveilleux qu’est la présence de ce messager n’est pas destiné à enjoliver le récit, ni même à fournir une preuve externe de la réalité de l'événement, mais cela signifie, avec beaucoup de sobriété, que Dieu est passé, qu’il a agi, qu’il a introduit dans l’impossible humain son possible. Cela signifie que, désormais, il n’est plus besoin d’aromates car la mort a été vaincue et la pierre a été roulée non pas pour que Jésus sorte du tombeau mais pour que les femmes puissent y entrer et constater qu’il n’y est plus !
Dans la nuit de Pâques, Jésus n’est pas « retourné à la vie », mais il est entré dans la Vie, ou plus exactement, Jésus est lui-même la Vie, et, cette nuit-là, Dieu l’a arraché à une mort qui n’avait aucun droit sur lui.
Cette annonce de résurrection est une merveilleuse nouvelle, pourtant, dès l’instant où les femmes entrent dans le tombeau et voient le jeune homme, elles sont elles-mêmes réduites à l’état de pierre. Elles sont comme sidérées, muettes, paralysées par la peur. Dans ce récit, aussi incroyable que cela puisse paraître, la peur naît non de la présence de la mort ... mais de son absence ! Il y a dans ce tombeau sans cadavre on ne sait quoi de plus redoutable que la mort... serait-ce la vie ?
Mais face à cet effroi, le jeune homme offre aux femmes présentes dans le sépulcre une parole réconfortante, une parole qui résume toute la foi pascale : « N’aie pas peur » ! Cette parole proclame : « N’aie pas peur de la vie et de la mort, n’aie pas peur de Dieu et de ton prochain, n’aie pas peur de toi-même et vis ta vie » ! Mais cette parole de vie et de réconfort du messager divin ne va pas rassurer les femmes, ni même les réjouir d’ailleurs, on dirait qu’elles génèrent à elles-seules leur propre peur, et la peur viscérale de ces femmes entre en résonance avec nos propres peurs... la peur de la vie qui se dérobe si souvent sous nos pieds ; la peur de l’avenir, le nôtre, celui de nos enfants, de nos petits enfants ... la peur de la mort. Dans sa version initiale, l’évangile selon Marc se termine à la fin du texte que nous venons de lire, il s’achève donc de façon assez dramatique sur la peur des femmes ce qui, avouons-le, n’est pas très « vendeur » pour un Évangile censé proclamer une Bonne Nouvelle ! Pour ma part, j’y vois là un formidable message motivant qui nous encourage à assumer notre vie humaine, avec ses fragilités et ses doutes car ces femmes, c’est chacun et chacune d’entre nous, c’est vous et moi, dans notre humilité la plus touchante, pétri de notre humanité et de nos contradictions ... des êtres vivants pleins de bonne volonté mais toujours limités par notre condition d’hommes et de femmes face au mystère divin qui nous dépassera toujours.
Dans notre vie, de façon symbolique, nous pouvons tous un jour ou l’autre nous retrouver face à un « tombeau vide » trop souvent synonyme de désespérance et être tenté d’abandonner, de baisser les bras. Mais je vous invite à présent à changer de perspective afin de considérer ce tombeau vide non plus comme un lieu de désespoir mais comme le lieu de l’attente, du désir, de l’espérance et de la prière, un lieu où nous pouvons recevoir en vérité une parole venue de Dieu à condition de nous rendre disponibles au surgissement de l’inattendu dans notre vie. Ainsi, l’Évangile ne cherche pas à combler mon désir de Dieu, mais à le creuser afin que je sois à même d’accueillir la grâce quand elle se présente. L’annonce de la résurrection du Christ ne signifie pas pour autant que notre monde n’est plus habité par les ténèbres de la mort car toute vie humaine est marquée par le deuil, la souffrance, les épreuves. La résurrection du Christ n’est pas non plus une « assurance vie » qui nous dispenserait d’affronter un quotidien parfois implacable… nous devons assumer tout cela car cela fait partie intégrante de la vie.
Accrochez-vous, redressez-vous et tournez vos yeux vers le Christ mort et ressuscité pour nous, car sa résurrection est aussi la nôtre…pas seulement celle à la fin des temps mais toutes ces petites résurrections du quotidien qui nous redonnent foi en la vie, qui raniment l’étincelle au fond de nos yeux, et nous aident à nous relever nous aussi d’une mort sociale ou affective pour retourner dans le monde des vivants et à vivre en ressuscité dans l’aujourd’hui de notre vie ! La résurrection c’est cette main tendue, c’est ce sourire, cette chaleur humaine, cette parole réconfortante qui me sort de ma torpeur et me donne l’élan de vie nécessaire pour croire que rien n’est jamais perdu, que tout est encore possible !
La résurrection du Christ est un encouragement adressé à chacun et à chacune d’entre nous à déposer tout ce qui nous oppresse et nous paralyse dans la prière pour nous libérer de ce fardeau mortifère et lui opposer la grande annonce qui est au cœur de l’Évangile : Christ est ressuscité pour nous ! Christ est ressuscité pour toi, pour moi ! Ainsi, la parole du messager du fond du tombeau vide s’adresse toujours à nous aujourd’hui et toute recherche existentielle de Jésus et de son enseignement qui ferait l’économie de la foi en la résurrection ne serait que recherche vaine d’un mort, d’une parole mortifère. L’Évangile n’a de vérité et de force que parce qu’il est à la fois une personne et une Parole, une Parole qui doit résonner dans notre vie, une parole vivifiante toujours à écouter, interpréter et prêcher.
Le Christ n’est jamais là où on l’attend, il est impossible de le capturer, de l’enfermer dans un tombeau. Oui Christ est vivant et il nous invite à une rencontre. Il nous l’affirme : « Après mon réveil, je vous précéderai en Galilée ». La Galilée est le pays des apôtres, c’est le pays de leur rencontre avec Jésus, mais la Galilée c’est aussi symboliquement le lieu de ma rencontre avec le Christ ressuscité, le Christ vivant. C’est une rencontre qui me rejoint au cœur de mon histoire, dans l’ici et maintenant de mon existence où je suis appelé à ressusciter, à vivre en être libre et à cheminer dans la paix, l’amour, l’espérance et la confiance du Christ car lui seul connaît la voie.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde déchiré par des conflits de tous ordres ; notre monde souffre, notre monde se meurt… Des guerres fratricides fracturent l’amour et la solidarité entre les peuples, entre les humains, entre des frères et des sœurs qui n’ont d’autres armes que la prière, les larmes et les supplications pour que Dieu leur vienne en aide et stoppe ces massacres sanglants. Que pouvons-nous faire à notre niveau, en tant qu’êtres humains, en tant que croyants ? Que pouvons-nous faire concrètement ce matin ? Prier bien sûr mais à la télévision les images sont plus parlantes que les mots, alors je vous invite à présent à prendre la main de votre voisin ou de votre voisine et à former ensemble une chaîne d’amour et de solidarité fraternelle. Faites-le vous aussi chers téléspectateurs si vous êtes en famille ou avec des amis devant votre écran… ainsi nous pourrons être visiblement reliés par cet amour fraternel et devenir les murs porteurs d’une société plus juste, plus égalitaire.
Prions ensemble pour un meilleur respect de l’environnement et de tous les êtres humains qui peuplent la Création divine. Prions pour que toutes les personnes esseulées, désespérées et courbées sous le poids d’un fardeau trop lourd à porter trouvent le repos et la paix de l’âme… partageons ce fardeau avec elles et, tous ensemble, aidons-les à se relever pour retrouver goût à la vie, car c’est bien cela le message fondamental de la résurrection du Christ, passé du tombeau à la vie…
La foi en la résurrection du Christ ouvre un chemin de vie pour chacun et chacune de nous, alors courage, relevez-vous et choisissez la vie !
Amen.
