Qu'elle est difficile, la vie !

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Qu'elle est difficile, la vie ! Un apprentissage perpétuel. Apprendre à se contenter, de ce que l'on a ? Mais lorsque l'on n'a rien ou peu de choses, lorsque l'on est au chômage ou que l'on a de la peine à nouer les deux bouts, lorsqu'on se trouve dans une situation d'oppression ou d'injustice, c'est loin d'être évident, de se contenter.

La quête même de la vérité n'est pas chose facile. Que d'embûches sur la route des mages venus d'Orient, ces chercheurs de Dieu jusqu'au moment où ils découvrent celui dont ils avaient pressenti l'importance. Même lorsqu'on a découvert cette Vérité, qu'on a découvert qu'elle loge en cet enfant de Bethléem, appelé Christ, qu'on a découvert qu'elle est le Christ, on est loin de comprendre dans sa totalité, sa profondeur, son amplitude. Des questions concernant les mystères de la vie, le pourquoi de telle destinée, de telle situation, subsistent. Pourquoi la souffrance ? Pourquoi atteint-elle souvent si durement ceux qui n'en peuvent rien ? Christ est le Chemin, la Vérité et la Vie. Pourquoi alors tant de religions, de systèmes philosophiques se disputent-ils les consciences ? C'en est déroutant.

Quelle est difficile la vie. Pourtant qu'elle est riche, belle, diverse, passionnante, stimulante, avec ses problèmes à résoudre, ses projets à mettre en oeuvre. Au milieu du tourbillon de l'existence, de ses hauts et de ses bas, de ses espoirs et de ses défaites, l'apôtre Paul nous dit qu'il a appris, en toute circonstance et de toute manière, à être rassasié comme à avoir faim, à vivre dans l'abondance comme dans le besoin. Il a appris. Il a dû apprendre. Il a vu, constaté que les circonstances sont parfois contraires, que des événements imprévus nous tombent dessus, que des situations désagréables, dramatiques, nous enserrent. Il a dû apprendre à se suffire.

Lorsque tout va bien, on déclare un peu rapidement que la vie est trop facile, qu'une petite récession ne ferait pas de mal, certains allant même jusqu'à penser, sans trop ouvertement oser le dire, qu'une petite guerre remettrait bien des choses à leur place. Mais la guerre ne peut-elle vraiment être que petite ?
Lorsque la situation économique, sociale se dégrade, que nos conditions de vie deviennent plus dures, comment réagissons-nous lorsqu'on nous tient ce langage : maintenant, contentez-vous, serrez-vous la ceinture. Car l'on sait bien que la pauvreté, la pénurie en tant que telles n'ont jamais rendu les hommes heureux. La Bible ne l'affirme pas non plus, elle qui veut pour l'humanité la paix, la justice, l'équilibre, l'abondance. Dieu ne veut ni misère, ni solitude, ni mendicité. L'apôtre Paul n'a pas recherché les difficultés, ni désiré vivre des situations douloureuses. Mais quand elles ont été là, il ne les a pas subies, mais assumées, c'est-à-dire qu'il a trouvé une force pour remonter la pente. Il a dû apprendre à faire avec. Je peux tout par Celui qui me fortifie" dira-t-il. Il a dû se découvrir un supplément d'âme, s'organiser pour se renforcer intérieurement. Sinon il ne tenait pas le coup, il devenait le jouet des événements. Et cela Dieu ne le veut pas. Que nous ayons des hauts et des bas, des moments de découragement, quoi de plus normal. Mais nous avons à aprendre à tenir, à résister. Tout un apprentissage. Cela ne vient pas du jour au lendemain. Paul, docteur de la loi considéré, qui s'en allait à Damas muni des pleins pouvoirs pour ramener à l'ordre les récalcitrants, a dû apprendre à être contesté, chahuté, emprisonné, à voir sa vie mise en danger, à subsister au jour le jour et certains jours avec pas assez plutôt que trop. Changement complet. Et nous ? Nous aussi peut-être, du fait des circonstances, avons-nous déjà dû changer notre existence, notre train de vie, réduire nos dépenses, faire avec moins. Peut-être sommes-nous inquiets ? Il n'y a pas que les entreprises, les services de santé à devoir se restructurer. Nous aussi. Dans sa prison, Dietrich Bonhoeffer, ce pasteur allemand arrêté par les nazis, trouvait encore des espaces de liberté pour être lui-même avec Dieu, pour conserver cette dignité que le Créateur a mise au coeur de chaque être humain. Combat pour rester digne, pour ne pas se perdre, même si beaucoup de choses s'effondrent. Combat où notre responsabilité personnelle est engagée, car nous avons à veiller sur nous, non pas par une sorte d'orgueil de race, mais parce que nous sommes de Dieu et que nous avons à Lui rendre gloire. Combat pour que nous puissions accueillir les événements, même difficiles, sans nous effondrer définitivement. Combat pour que nous puissions faire face.

Mais ce combat ne se mène pas seul. Il se mène en communion avec Dieu et avec les autres. Saint-Paul nous dit : "J'ai appris à me contenter" et en même temps il se réjouit parce que les chrétiens de la ville de Philippe en Asie Mineure ont pris leur part de sa détresse. Nous avons à mener une lutte pour être des femmes et des hommes intérieurement forts et en même temps nous avons à lutter pour les autres. Lutter pour apprendre à vivre lorsque les conditions des autres. Voilà la vraie solidarité : agir sur ces deux plans : intérieur à soi-même et extérieur à soi-même.

Il faut prendre son mal en patience, dit-on. D'accord, mais n'en restons pas là. Notre mission, après nous être fortifiés intérieurement, est d'aider les autres à prendre patience, à faire en sorte que leurs maux, leurs difficultés deviennent notre chose, à essayer de rendre leur situation plus confortable. Les Philippiens n'ont pas réussi d'un coup de baguette magique à faire sortir Paul de prison, pas plus que la communauté internationale ne réussira comme par enchantement à rétablir la paix dans les pays déchirés, pas plus que nous n'arriverons à résorber le chômage en un clin d'oeil. Mais nous avons à nous y atteler. Ainsi sera dépassé ce dilemme : faut-il changer les coeurs ou les structures, l'intérieur ou l'extérieur. Mais les deux. La Communauté des diaconesses de Saint-Loup entre cette année dans sa 151ème année d'existence. Quelle a été sa mission, quelle sera sa mission ?
Tout d'abord un style de vie fait de simplicité, de disponibilité, d'édification intérieure. Ensuite fort de cette force aller vers les autres pour prendre part à leur détresse, à leurs problèmes, à leurs soucis, à leurs aspirations, pour les aider à devenir ce qu'ils ont à être, pour changer ce qui doit être changé. Mission des diaconesses, la vôtre aussi là où vous êtes.

En ce début d'année, donnons-nous 2 objectifs. Un apprentissage personnel : Comment aborder les événements - heureux ou malheureux, faciles ou difficiles - de la vie . Comment réagir si je me trouve tout d'un coup privé de certaines facilités, si l'existence se fait plus dure. Comment le supporter, quelle est ma charpente intérieure, ma foi profonde ? Un apprentissage communautaire : comment venir en aide aux autres, non pour dominer mais pour modestement changer ce qui doit l'être. Comment être ce parfum de bonne odeur, agréable à Dieu parce qu'utile à mes frères et à mes soeurs. Edification personnelle, solidarité communautaire.

Amen.