Inventer de nouvelles formes d'espoir avec le souffle de l'Esprit

image

Aujourd'hui, 7e dimanche de Pâques, un dimanche étrange qui se glisse entre l'Ascension et Pentecôte.
Entre l'Ascension et Pentecôte, 10 jours d'inconfort symbolisés par les visages des disciples tournés vers un ciel où il n'y a plus rien à voir. Les disciples n'assisteront pas aux retrouvailles du Père et du Fils. Ils ne verront pas le Fils entrer dans sa gloire, prendre place à la droite du Père et attendre là de venir juger les vivants et les morts. Pour les disciples, il y a un deuil à faire. Il leur fait accepter de ne pouvoir suivre Jésus dans sa gloire et de rester seuls, les pieds sur terre.

Je vous invite à revenir un peu en arrière, à l'évangile de Jean: v. 5. "Je ne vous l'ai pas dit dès le début car j'étais avec vous. Mais maintenant je vais à celui qui m'a envoyé et aucun d'entre vous ne me pose la question : "Où vas-tu ?". v. 6. Mais parce que je vous ai dit cela, la tristesse a rempli votre coeur. v.7. Cependant je vous ai dit la vérité : c'est votre avantage que je m'en aille; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous; si, au contraire je pars, je vous l'enverrai."

C'est le Christ d'avant la Passion qui parle. Un Christ qui prend la peine de prendre congé de ses disciples et les prépare aux événements déroutants qui vont survenir. Il les prépare à accepter la séparation, à accepter de rester seuls alors que lui, Jésus, entre dans sa liberté. La liberté de mouvement du ressuscité qui traverse les murs, que les portes fermées n'arrêtent pas, qui est présent là où on ne l'attend pas. La liberté qui lui permet de monter au ciel. Mais eux doivent accepter de rester les pieds sur terre pour relever les défis humains, affronter le scandale du Fils de Dieu qui meurt en croix. Affronter le scandale de la souffrance et de l'injustice, relever le défi de trouver un sens à ces événements qui n'en ont pas. Il leur faut accepter qu'une fois Jésus parti, Dieu soit absent du monde, qu'il n'y ait plus personne pour guérir les maladies et pour dire à Lazare : "Sors de la tombe !" Le Dieu dont se réclame le Christ-qui-s'en-va veut nous mettre à la tâche : il veut que nous combattions nous-mêmes contre l'injustice, il veut que nous cherchions nous-mêmes un sens aux événements qui nous déroutent. "Il est avantageux pour vous que je m'en aille."
Jésus dit cela alors qu'il sait très bien que ses disciples sont tristes. Mais il veut les mener au bout du deuil. Le bout du deuil c'est quand, après la révolte et la tristesse, on est capable de découvrir le cadeau que nous laisse celui ou celle qui s'en est allé. En s'en allant, Jésus entre dans sa liberté. Et le corollaire de la liberté du Christ, c'est notre propre liberté, notre autonomie.

Peut-être êtes-vous étonné(e)s de m'entendre dire que le cadeau que nous laisse le Christ en s'en allant, c'est notre autonomie, alors que Jésus annonce la venue de l'Esprit ? Peut-il y avoir quelque chose de commun entre le Saint-Esprit, ce Paraclet, cet avocat, ce défenseur et notre autonomie ?

Une tradition juive pose la question : pourquoi donc Dieu s'est-il arrêté de créer au soir du 6e jour ? Et cette tradition répond : pour ne pas écraser les humains de sa toute-puissance, pour leur laisser l'espace et le temps pour créer. Or, le domaine de création des humains, c'est les relations humaines.

L'Esprit, ne serait-ce pas cette force qui nous pousse à reprendre le message de Jésus à notre compte et à l'habiller des couleurs de notre expérience ?
L'Esprit, n'est-ce pas le courage qui m'est donné d'interpréter, de redire l'espoir à ma façon et de le vivre ?
L'Esprit, n'est-ce pas revenir encore et toujours à l'histoire de Jésus, à ses rencontres, à ses actes libérateurs, à l'énigme de sa mort pour y puiser la confiance que rien dans notre vie n'est jamais joué définitivement; que là où tout paraît courbé, il y a encore la possibilité de se remettre debout; que là où tout est bouché, il y a encore une issue possible ?

Mais nous ne sommes pas encore à Pentecôte. Nous sommes entre l'Ascension et Pentecôte, dans cette phase de transition et d'inconfort. On n'est plus dans le passé, un épisode est terminé. On n'est pas encore dans la nouvelle aventure. Ces phases de transition, nous les connaissons dans notre vie : passer d'un poste de travail à un autre, passer de la période de vie active à la retraite ou au chômage, passer de l'état de jeune adulte indépendant à l'état de parent; accepter que les enfants qui ont grandi quittent la maison; et se retrouver seuls, avec du temps devant soi et des disponibilités, mais aussi la sensation du vide... On ne peut pas vivre quelque chose de nouveau si l'on n'a pas fait le deuil de ce qui vient de s'achever. Mais comment faire le deuil si l'on n'a pas d'espoir que la vie nous attend au bout du tunnel pour nous emmener dans son mouvement ?
Entre l'Ascension et Pentecôte, il nous est donné du temps pour rassembler le passé et y puiser l'énergie pour avancer dans l'inconnu. Du temps et une promesse : "Vous recevrez une puissance..." La vie déversée à flots...

Jésus s'en est allé. Il est entré dans sa liberté de ressuscité qui lui permet de se trouver là où on ne l'attendait pas, au creux d'une joie, au détour d'une épreuve, au milieu d'un combat ou d'un projet. Il fait à ses disciples le cadeau de l'autonomie, avec le souffle de l'Esprit. Il fait appel à leur imagination et leurs capacités créatives pour faire germer les graines d'espoir qu'il a semées dans le monde.

Pour illustrer ce cadeau de l'Esprit, je vous ai apporté une image de l'Ascension. Vous, auditeurs vous ne pouvez la voir. Vous vous retrouvez dans la situation des disciples qui tournent leur visage vers le ciel où il n'y a plus rien à voir. Mais je vais vous la raconter. Quand Jésus est parti, on raconte son histoire, et déjà il est présent et sa force de vie est à l'oeuvre.

Cette image est une reproduction agrandie d'un couvercle de reliquaire sculpté dans des défenses ou des os de morses. Au milieu de l'image, une amande, et dans cette amande, Jésus, les bras tendus vers le ciel, le visage levé, les jambes repliées dans un mouvement de danse, bondit vers le ciel où l'attend la main du Père qui dépasse d'un soleil. C'est tout ce que l'on voit de Dieu. Jésus qui danse au moment de l'Ascension : une originalité dans l'histoire de la peinture et de la sculpture chrétiennes. Autour de Jésus, quatre anges qui semblent l'aider dans son Ascension. A côté de ces anges, quatre autres anges qui s'inclinent vers les disciples et leur tendent un rouleau de l'Ecriture. En bas, bien sûr, les disciples, la tête levée. Rien qu'à les regarder, on se sent des crispations dans la nuque. Ils sont douze. Si l'on regarde bien, on s'aperçoit que le deuxième depuis la gauche est une femme. Marie, probablement, elle est comptée parmi les disciples. Autour de cette scène, cinq tableaux retraçant les épisodes de la passion : Jésus en croix, la descente de croix, la déposition au tombeau, le tombeau vide, Jésus sur la montagne bénissant ses disicples.

Ainsi, un artiste du 11e siècle, un croyant, noue la gerbe de l'histoire de Jésus et nous dit comment il en vit. Il nous laisse cette image d'un Christ dansant, bondissant et léger, qui entre dans sa liberté. Un Christ qui se réjouit de laisser à ses disciples le soin d'interpréter l'Ecriture et de faire fructifier les germes de vie qu'il a plantés dans le monde. Un Christ qui nous veut nous aussi libres de créer et d'inventer de nouvelles formes d'espoir avec le souffle de l'Esprit.

Amen.

Prédications de la même personne

Aucun résultat.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique