Chers amis, frères et soeurs ici à Carouge, ou ailleurs par la Radio, nous sommes associés ce matin à la fête que Dieu nous donne :
Il nous a gardé le bon vin pour maintenant
Il nous a ménagé le meilleur pour maintenant
Un maintenant qui est tous les jours, chaque fois que nous pouvons dire «maintenant». Un maintenant que la fête des Schubertiades nous rappelle ce dimanche à Carouge.
Nous sommes, oui, au cœur de la fête. Et au cœur de la fête, au milieu de la foule et des innombrables concerts, entre l'orchestre de la Suisse romande et le modeste orgue de barbarie, dans ce foisonnement de prestations si diverses, il nous est donné de percevoir une autre musique, une réalité qui parcourt toute la fête et tous ses participants. Cette réalité est celle du Règne de Dieu. Dieu à l'œuvre, dans nos vies et dans la vie du monde qui si souvent ne le sait pas !
Nous n'allons pas faire une opposition, une séparation entre la musique de Dieu et la musique des hommes — entre les harmonies qui ressuscitent la vie et celles qui enchantent les sens. Aux noces de Cana, Jésus était de la fête, avec tous les convives. L'Evangile nous incite ainsi à discerner la partition divine dans le programme des instruments et des voix, parmi les jeux et les rire. Oui, au milieu de la fête, Dieu nous a réservé le meilleur. Car, au milieu de l'humanité; au milieu, c'est-à-dire au cœur de chaque être humain, Dieu a réservé sa place. Pour que, de cet espace intérieur, résonne et monte à notre cœur et à notre intelligence la Parole qui est action, activité de Dieu dans nos vies à tous, et que nous en soyons renouvelés, recréés, réformés à l'image de l'authentique humanité : Jésus-Christ.
A Cana de Galilée, il y avait de la musique et un banquet, à manger et à boire; fête joyeuse autour d'une noce, fête laïque dès que la bénédiction et le rituel nuptial avaient été administrés. Des hommes, des femmes, et des enfants réunis pour une circonstance joyeuse mais habituelle, naturelle.
Aujourd'hui, les occasions où l'on se retrouve en groupes divers, où l'on fait la fête, ne manquent certes pas : même plus modeste qu'une Schubertiade avec ses milliers de participants et d'amateurs.
Osons-nous penser, osons-nous nous rappeler que toutes nos fêtes, toutes nos rencontres, tous nos repas connaissent la visite de Jésus-Christ ? Osons-nous ? Avons-nous le courage ? Car il faut de l'audace pour croire cela !
— Comment ? Dieu viendrait parmi nous sans que nous l'ayons convoqué, invoqué ? Sans que nous ayons demandé la présence du Ciel sur la terre indigne de l'accueillir dans sa banalité ! L'Evangile nous guide. A Cana, Jésus est là, avec sa mère et ses disciples. Il n'est rien dit de plus.
Il y a dans nos milieux d'Eglise bien souvent une prétention et un orgueil parfaitement païens, anti-chrétiens à tenter de confisquer Dieu. Nos célébrations en font l'écho quand nous commençons par une prière d'invocation : demander à Dieu d'être là. Prière, oui, païenne, répétée de manière inconsciente; insulte à l'Evangile que de croire que le Seigneur daigne descendre quand nous avons suffisamment bien imploré sa présence !
L'Esprit de Dieu remplit l'univers, et nous le négligeons ! On me dira : «nous ne sommes pas des anges, il faut des actes liturgiques qui redisent les affirmations de la foi». — Très bien ! J'y consentirai. En ajoutant une question. Deux tourtereaux amoureux : leur amour est-il une simple impulsion de la nature à la rencontre ? — Ou bien : oserons-nous encore reconnaître que tout amour, toute relation d'amitié, tout lieu et toute activité constructive trouvent leur source en Dieu ? Même chez de parfaits indifférents ? Cela, je prends sur moi aujourd'hui de l'affirmer en profession de foi ! Car Jésus-Christ est de la partie. Dès lors, chrétiens, nous nous trouvons face à une responsabilité, vis-à-vis de nous-mêmes, vis-à-vis des autres, vis-à-vis de Dieu.
Cette responsabilité nous concerne dans l'intensité de la fête ou dans la solitaire lassitude; dans la pleine force de la vie ou dans la faiblesse de la maladie ou de l'âge. Responsabilité de prendre un peu de temps pour une ascèse, et dans le silence du cœur et de la raison, quand nous arrivons à imposer silence à toutes les voix qui nous assourdissent du dedans de nous-mêmes. — Oui, dans le silence d'une méditation : éprouver, parce que Lui la révèle, la présence du Christ vivant. Le reconnaître vivant, vibrant, joyeux dans nos joies; vivant, vibrant, solidaire dans nos détresses. Mais toujours fidèle, et source infinie de paix.
Nous verrons alors une note de musique, le reflet d'une couleur, la douceur d'une caresse nous parlerons de la fidélité de Dieu, à sa création. Le chant de la vie ! Pour aujourd'hui, chrétiens de Carouge et d'ailleurs, réjouissons-nous de cette fête de la Schubertiade. Le vin de Cana qui est saveur de la vie ne saurait manquer à Carouge et nulle part. A nous la vocation, la mission de lever le voile, un petit pan du voile qui se nomme : ignorance de Dieu.
Et cela par la transformation qu'opère l'Evangile — à commencer par nous-mêmes. Transformation de l'eau en vin par Jésus à Cana, transformation des mentalités, — ce qui est insipide apparemment devient un délice ! — la où l'on ne saurait voir Dieu, il manifeste sa gloire. La gloire de Dieu, pour aujourd'hui, c'est vous et moi avec tant d'autres témoins qui s'émerveillent des signes de sa présence dans la fête de ce jour.
Amen.
La Gloire de Dieu
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