Va travailler aujourd’hui dans ma vigne…

image

Depuis que le chômage frappe ou menace beaucoup de monde, nous avons redécouvert cette vérité que ceux qui ont de la chance ce sont ceux qui ont du travail. Cette vérité était particulièrement évidente à l'époque de Jésus car il n'y avait pas d'assurance chômage et où par conséquent, ceux qui n'avaient pas de travail étaient menacés par la misère. Le travail est une bénédiction et les patrons qui créent des places de travail sont particulièrement appréciés.
En ce sens-là le patron de la parabole est extraordinaire : il embauche tous les chômeurs qu'il rencontre, quelles que soient leurs qualifications ! On a l'impression que sa vigne a besoin d'un nombre d'ouvriers illimité.
Tout est magnifique dans cette histoire jusqu'au moment de la paie. Jusque-là, on peut imaginer que les ouvriers de la 1re heure se sont réjouis de voir leurs camarades chômeurs engagés comme eux dans la vigne. Mais la rogne et la grogne s'installent au moment de la paie parce que les ouvriers de la 1re heure ne supportent pas de ne pas être mieux payés que les ouvriers de la dernière heure. Ils se considèrent victimes d'une injustice et ne peuvent se réjouir de la générosité du maître.

Parmi les différentes interprétations possibles de cette parabole, je choisis celle qui fait de la vigne une parabole de notre monde. Il faut cultiver et travailler la vigne du monde, pour qu'elle porte de bons fruits, c'est-à-dire pour que la vie y soit bonne.
Dans nos régions viticoles, nous savons bien ce que représente le travail de la vigne. Il faut labourer, désherber, tailler, effeuiller, attacher, combattre la maladie et les parasites. Il faut travailler avec persévérance tout au long de l'année pour que la récolte soit belle. Et encore ! Parfois la grêle vient tout saccager et il faut se remettre à l'ouvrage dans l'espoir que l'année prochaine sera meilleure.
Dans la vigne du monde, il faut aussi un travail constant et persévérant pour faire en sorte que la vie devienne bonne pour tous. Nous avons chacun beaucoup à faire pour que dans nos familles, dans notre lieu de travail, dans nos paroisses, dans notre village ou notre quartier les relations humaines soient agréables pour tous. Il en faut de la volonté pour oeuvrer dans le sens du respect d'autrui, de la solidarité, du service bénévole. Et quelle persévérance il faut pour lutter contre l'égoïsme, la tentation de se replier sur soi, la paresse, la peur et la haine de l'étranger.

Ce travail n'est jamais fini : il faut toujours recommencer ! (comme la lutte contre les mauvaises herbes de nos jardins) Il faut que chacun se mette au travail là où il est pour que la vie devienne aussi harmonieuse que possible. Aucun être humain n'est dispensé du devoir de solidarité. Pour cela, Dieu, le maître de la vigne, a besoin d'un nombre illimité d'ouvriers et il ne peut pas supporter que certains restent sans rien faire. «A ceux qui sont encore sur la place du village à 5 heures du soir il dit : pourquoi restez-vous ici tout le jour sans rien faire ? Il est fâché et leur dit : allez vous aussi travailler dans ma vigne !»
Si la vigne de la parabole représente le monde, alors on peut dire que la journée de travail représente la longueur de notre vie. Les ouvriers de la 1re heure sont ceux qui obéissent à la volonté de Dieu dès leur enfance; les ouvriers de la 3e, 6e, 9e et 11e heure sont ceux qui rejoignent le peuple des croyants plus ou moins tardivement dans leur vie.
En ce sens-là, beaucoup d'entre nous sommes des ouvriers de la 1re heure et nous pourrions être tentés d'être mécontents contre Dieu qui va donner la même récompense à ceux qui ont travaillé longtemps ou peu de temps à son service. Il y a quelque chose de révoltant à la pensée que ceux qui ont travaillé toute leur vie pour Dieu ne soient pas mieux traités que ceux qui ont saccagé le monde par leur violence, leur égoïsme, leur malhonnêteté, et qui se convertissent sur le tard.
La déclaration de Jésus : «les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers» est pour le moins surprenante.
Remarquez : si Jésus avait voulu dire que tous les ouvriers de Dieu recevront la même récompense (ce qui est déjà énorme), sa conclusion aurait d'être différente ! Il aurait dû dire «les premiers seront traités comme les derniers et les derniers comme les premiers». Mais il dit «les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers». Il y a un renversement de situations. Il y a ceux qui seront au 1er rang et ceux qui seront au dernier. Il y en a qui seront mieux que d'autres ! Et pourtant ils ont tous le même salaire. Alors que signifie être premier ou dernier ? Il y a là un mystère qu'il vaut la peine de creuser !
Je crois que le problème des 1ers ouvriers est de ne pas comprendre la chance qu'ils ont d'avoir été engagés dès la 1re heure; leur réaction illustre leur état d'esprit: s'ils avaient su d'emblée qu'ils ne seraient pas mieux payés que les derniers, ils auraient probablement moins bien travaillé ou ils ne seraient pas venus se présenter tout de suite ! Leur mauvaise humeur révèle l'abîme qui les sépare du Maître. Ils sont totalement étrangers à son esprit, à la gratuité de son amour. Ils n'ont pas compris qu'il n'y a rien de mieux que de travailler pour Dieu, c'est-à-dire pour le bien de chacun !
Tandis que les derniers, eux, réalisent au moment de la paie la bonté incroyable du Maître. Ils ne pouvaient prétendre qu'à une minuscule part de salaire, mais ils en reçoivent un complet ! Ils ne peuvent que se réjouir de cette grâce. Leur débordement de reconnaissance est au diapason de la bonté débordante du Maître. Ils sont les premiers à s'en réjouir !
Rien n'empêcherait les autres de s'en réjouir aussi. Ils seraient alors tous au 1er rang de ceux qui jubilent devant la bonté illimitée de Dieu. Mais leur mauvaise humeur les rejette au dernier rang, c'est-à-dire en retrait d'une bienheureuse communion avec le Dieu d'amour.

Cette histoire nous pose une question : dans quel état d'esprit obéissons-nous à la volonté de Dieu ? Il y a des jours où on n'a pas envie de faire le bien et de lutter contre le mal. Même dans l'Eglise, il y des jours où nous sommes fatigués de travailler pour Dieu. Pasteurs, nous en avons parfois assez de la paroisse et des paroissiens. Paroissiens, vous en avez parfois assez des pasteurs et des sollicitations de tous genres. Nous maugréons. Le travail dans la vigne du Maître n'est pas toujours une partie de plaisir (d'ailleurs le Maître ne l'a jamais prétendu !). Et pourtant la conscience du privilège d'être au service de ce Maître exigeant mais bon, la conscience qu'il n'y a rien de mieux que de vivre selon la bonté de Dieu, devrait transcender notre fatigue et nous redonner de la joie au travail !
Accomplir notre service en maugréant ne nous prive pas de notre récompense, mais fait de nous les derniers des serviteurs.
En ce jour du 20e anniversaire de notre paroisse, cette parabole des ouvriers dans la vigne nous invite à nous réjouir d'être au service de Dieu et à rejoindre le 1er rang de ceux qui jubilent de travailler pour ce Maître si bon !

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Georges Vuilleumier
Musique
Adrien Poggiali, trompette, Choeur du 20ème anniversaire de la paroisse de Marin +
instrumentistes