De la tristesse du Vendredi-Saint à la joie de Pâques

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Le jour de Pâques commence dans la tristesse et dans les pleurs. Marie de Magdala est encore toute traumatisée par les événements du Vendredi-Saint. Pourtant de bon matin, elle se rend au jardin de Joseph d'Arimathée. Son désir est d'effectuer la toilette mortuaire de Jésus et lui rendre les derniers honneurs.
Mettons-nous un instant à la place de Marie, et imaginons son désarroi, lorsqu'elle constate que le corps n'est plus dans le tombeau ! Si pour nous chrétiennes et chrétiens d'aujourd'hui, la résurrection est avec la croix l'événement central autour duquel s'articule notre foi; si pour nous le fondement du christianisme repose sur cette évidence confessée dans le Credo : " Christ est mort. Il a été enseveli. Il a forcé le séjour des morts. Le troisième jour; il est ressuscité des morts ". Pour les premiers témoins de la résurrection : Marie de Magdala et les femmes portant des aromates, pour Simon Pierre et Jean, pour les autres disciples en particulier, cette évidence n'était pas aussi claire.
Nous, nous avons les Écritures. Elles nous racontent la suite et la fin heureuse de l'histoire. Nous, nous bénéficions du témoignage bimillénaire de l'Église et nous avons le recul qui nous permet de dire ce matin avec nos frères et sœurs chrétiens du monde entier, " Christ est ressuscité, il est réellement ressuscité. Alléluia ! "
Mais le matin de Pâques, devant le tombeau vide, il ne reste à Marie que la stupeur, la douleur et la colère. C'est pourquoi elle hurle, la rage au ventre, son indignation : " On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a mis. " (Jean 20, 2).

De la tristesse du Vendredi-Saint à la joie du matin de Pâques, il y a un chemin douloureux que Marie, les femmes et les disciples ont dû parcourir dans le silence et l'incognito. Si les Évangiles nous décrivent la descente de la croix et la mise au tombeau au soir du Vendredi-Saint, ils restent silencieux sur la journée du samedi saint. Que s'est-il passé ce jour-là pour Marie de Magdala, pour Marie la mère du Seigneur et pour les disciples ?
Silence des Écritures. Mystère. Pourtant, nous pouvons l'imaginer. Le samedi de la semaine sainte est ce jour terrible des lendemains de drames, ce temps où l'absurdité et l'irréalité de la situation présente vous éclatent à la figure. Ce temps où l'absence de celui qui est parti et le vide laissé vous pèsent de tout leur poids. Le samedi saint est aussi ce temps où à votre douleur s'ajoutent les inévitables " pourquoi " qui restent sans réponse et le silence de Dieu qui, lui aussi, semble vous avoir abandonnés à votre triste sort.
Pour que la joie de Pâques éclate, il y a ce passage obligé du samedi saint. Marie et Ies amis de Jésus ne peuvent pas faire l'économie de cette journée. Ils doivent accepter la réalité de la mort dans toute son horreur. Ils doivent accepter de traverser cette journée du samedi qui la symbolise. Ils ont un chemin de deuil à parcourir avant de découvrir la joie de la résurrection.
Ce samedi-Ià, chacun est confronté à la réalité de la perte. Pour la mère du Seigneur, c'est la perte de son fils dans les conditions horribles que l'on sait. Pour les disciples, c'est la perte de leur Maître, mais il y a, en plus, la fin de leurs illusions et surtout la perte de leur estime personnelle car ils ont trahi le Seigneur. Ils n'ont pas respecté leurs engagements et ils ont fui. Pour Marie de Magdala et les femmes qui sont restées au pied de la croix, il y a le traumatisme laissé par le supplice et l'agonie de Jésus. Et pour tous, il y a le silence de Dieu qui, sabbat oblige, pourrait-on penser, est aux abonnés absents I

De la tristesse du Vendredi-Saint à la joie du matin de Pâques, il y a un chemin douloureux à parcourir. Un chemin qui conduit de la mort à la Vie. Un chemin que Marie et ses compagnes ainsi que les disciples ne peuvent ni contourner, ni éviter s'ils veulent découvrir la joie de la résurrection. Mais c'est aussi un chemin qui ne se parcourt pas en un jour. C'est pourquoi, le matin de Pâques, ce sont des femmes tristes et lasses qui se dirigent vers le jardin de Joseph d'Arimathée. Et nous retrouvons Marie, désorientée, abattue devant la pierre roulée et le tombeau vide.
Ce désarroi de Marie, François Mützenberg, l'a mis en musique sur un texte du poète Pierre Emmanuel, dans une cantate que va nous interpréter maintenant la Chorale du Petit-Saconnex qu'il dirige.

De la tristesse du Vendredi-Saint à la joie du matin de Pâques, il y a un chemin douloureux à parcourir. Mais " Tout sombre chemin a une issue où l'on retrouve les clartés du ciel ", écrivait Lamennais. Pour Marie, la sortie de son chemin de douleur commence au moment où elle se courbe pour regarder une nouvelle fois à l'intérieur du tombeau, A cet instant Marie aperçoit " deux anges en vêtements blancs assis à l'endroit où avait reposé le corps de Jésus… ", nous raconte le texte biblique (Jean 20, 12). " Pourquoi pleures-tu ", lui demandent-ils, Marie leur répète ce qu'elle a déjà dit une première fois à Pierre et Jean " On a enlevé mon Seigneur, je ne sais pas où on l'a mis. " (Jean 20, 13).
Avec cet amer constat de Marie, nous arrivons au tournant entre Vendredi-Saint et Pâques. Marie est entrée dans le processus de reconstruction. Elle arrive à reconnaître la réalité et c'est au moment où elle peut se détourner du tombeau vide qu'elle se retrouve en face du Seigneur ressuscité. " Tout sombre chemin a une issue où l'on retrouve les clartés du ciel. " Quand Marie arrive à lâcher prise, quand elle accepte la réalité de la mort malgré sa cruauté, quand elle décide de lui tourner le dos pour retourner vers la Vie, c'est à ce moment-là qu'elle découvre Jésus-Christ ressuscité.
Bien sûr, dans un premier temps, interloquée devant l'inimaginable, elle confond Jésus avec le jardinier, mais le déclic de la vie se produit à l'instant même où Marie est appelée par son nom. Elle reconnaît la voix de son Seigneur et lui dit ce simple mot, qui dans sa bouche est toute une confession de foi : " Rabbouni ! Maître " (Jean 20, 16).
De la tristesse du Vendredi-Saint à la joie de Pâques, c'est aussi le chemin que nous pouvons parcourir aujourd'hui. Quels que soient les fardeaux que nous portons, quels qu'aient été nos itinéraires personnels le Christ ressuscité nous appelle à la vie. Et si les liens de la mort nous ont enserrés, à l'instant où Il nous appelle par notre nom, Son Esprit de Vie brise ces liens. Nous serons alors libres pour lui dire peut-être comme Marie : " Rabbouni, Maître ".

Frères et sœurs la résurrection, c'est aussi cette transformation de Marie de Magdala. Elle s'en retourne vers les disciples et leur dit : " J'ai vu le Seigneur ! " (Jean 20, 18). Pâques nous rappelle la victoire de Jésus-Christ sur la mort et ses puissances des ténèbres. Si Pâques nous communique cette espérance que nous aussi, par la grâce de Dieu et par la foi en Jésus-Christ, nous ressusciterons pour la vie éternelle, après notre mort terrestre ; Pâques nous apporte, comme pour Marie, la réalité d'une vie nouvelle qui commence aujourd'hui. Une amitié renouvelée avec Seigneur ressuscité. Une amitié qui se concrétise par la confession au Seigneur de nos fautes et nos manquements, par l'acceptation du pardon qu'll nous accorde et par la volonté de le servir à l'avenir de tout notre cœur et de toute notre pensée.
Nous avons un jour pris des engagements de baptême ou confirmé ce que nos parents avaient pris pour nous lors de notre baptême. Nous pouvons en ce matin de Pâques, dans le secret de nos cœurs et tout à l'heure dans une prière silencieuse, reconfirmer ces engagements de baptême. Nous manifestons ainsi notre attachement à Jésus-Christ et notre volonté de revenir à Lui et de Lui rester fidèles, malgré nos faiblesses et les incertitudes de notre avenir.
Pour la foi chrétienne, la tristesse du Vendredi-Saint conduit à la joie de Pâques car Jésus est ressuscité ! Comme l'écrit l'apôtre Paul dans sa première lettre aux Corinthiens, sans la mort expiatoire du Christ le Vendredi-Saint et sans sa résurrection le jour de Pâques, nous aurions cru en vain (1 Cor. 15, 2).
En ce jour de Pâques, souvenons-nous frères et sœurs, que " Tout sombre chemin a une issue où l'on retrouve les clartés du ciel ", grâce à Ia résurrection de notre Seigneur. Parce que nous l'aurons expérimenté, parce que nous aurons passé de la tristesse du Vendredi-Saint à la joie de Pâques, nous pourrons alors nous associer au cri d'espérance de l'Église chrétienne depuis 2000 ans, et dire en communion avec nos frères et sœurs chrétiens du monde entier, " Jésus est ressuscité, Il est vraiment ressuscité ! Gloire à Dieu ! "

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Olga Grigorieva
Musique
"Marie debout près du tombeau", Cantate pour choeur et orgue de François Mützenberg sur un texte de Pierre Emmanuel, Création par le Choeur de la paroisse du Petit-Saconnex