Le texte de notre lecture dans l'évangile de Luc nous a parlé d'une situation très particulière entre un père et ses deux fils. Il a bien de l'imagination, Jésus, ce n'est quand même pas courant cette façon de faire. De même pour le dialogue que vous venez de suivre. On n'est pas tous syndics ou pasteurs et même là c'est pas fréquent d'être confronté à de telles situations. Il serait donc facile de penser : cela ne me concerne pas. C'est apparemment plus facile à vivre !
Mais attention quand je suis face à une parabole, il y a le récit premier, mais aussi toute la signification profonde, le vécu, les personnages qui s'imbriquent dans mon quotidien. Si je ne peux pas m'identifier à l'un ou l'autre de ces personnages, me plonger dans l'une ou l'autre de ces situations, je passe assurément à côté de ce que le Christ veut me dire à moi aujourd'hui.
Le fils prodigue : très brièvement, c'est d'abord un homme pour qui tout devrait bien aller. Il va recevoir sa part d'héritage, ça va être la grande vie, enfin vivre comme il en a envie. C'est, je crois, le désir de chaque homme. Mais la vie n'est pas si simple : ce n'est pas toujours comme je veux que les choses arrivent. Il y a mes erreurs aux conséquences souvent douloureuses, parfois même irrécupérables. Mais aussi des événements dont je ne suis pas responsable : maladie, chômage, détresses financières, sociales, spirituelles. Il faudra peut-être fuir devant un conflit pour sauver sa vie : devenir réfugié. Tout abandonner, devenir SDF. Perdre son identité de fils, ses droits, il restera un homme dans la détresse, un homme rejeté ! Par qui ? Et comment ?
Dans la parabole, il y a deux fils. À côté du fils prodigue, il y a l'aîné. Il est très proche de nous. On n'aime pas être le petit dernier, la position de l'aîné, de celui qui domine est préférable. C'est aussi un homme pour qui tout devrait bien aller. Dès le début, il a un avantage comme aîné, il a le droit d'aînesse : il devrait toucher davantage que son frère. Comme il est sérieux lui, il ne va pas partir. Il ne faut pas prendre des risques inutiles. Il obéit à son père, pas avec un grand enthousiasme, relation de soumission, servitude, de commandement. On peut compter sur lui. Ne dit-on pas de nous autres Suisses que nous sommes sérieux et travailleurs. C'est vrai qu'il a aussi de la chance. Il vit en période de paix et il n'est pas question de guerre chez lui. Il y avait souvent des pillards à l'époque, mais tant que ça se passe chez les autres : ce n'est pas trop grave !
Lui il est né avec une cuillère en argent dans la bouche et s'il serre assez les dents elle ne va pas tomber la cuillère, il ne va pas la lâcher ! Surtout pas pour ce frère qui a le culot de revenir après "avoir tout gaspillé" et en plus le père lui fait la fête ! De quel droit ? Il pourrait commencer par être un peu discret. Surtout il devrait même être invisible. C'est vrai après tout, ce n'est pas chez lui ici et nous avons le droit pour nous. Mais est seulement le droit qui régit les rapports humains ?
C'est là qu'intervient le troisième personnage, le père. Dans cette parabole le père est la figure du Père céleste. Aucun des deux fils n'a compris qui était vraiment leur père. Ce père a deux fils, aussi dissemblables que possible, ils représentent les deux extrêmes possibles de toute l'humanité. Ce ne sont vraiment pas des jumeaux. Cette diversité, cette opposition, se retrouve souvent dans la Bible : Caïn-Abel, Ismaël-Isaac, Esaü-Jacob et pour se mettre en situation à l'époque de la parabole : pharisiens-publicains L'unité ne se fera qu'entre fils conscients de l'héritage qu'ils ont reçu et qui sauront accepter la différence de l'autre.
Le père a échoué dans son éducation, son amour n'a pas été compris, c'était peut-être un peu intellectuel et c'est pour cela que dans la parabole il rentre dans un registre très différent, très pratique. Il va nous montrer la dimension de son amour ! L'Amour de Dieu. L'amour se vit dfiabord dans la famille, le couple, les enfants. Il nous montre que nous faisons partie d'une famille formidable où l'on s'aime sans forcément compter. Il sait qu'il ne peut pas contraindre ses fils. Il ne désire pas avoir à son côté des esclaves mais des fils qui l'aiment. On ne peut pas contraindre quelqu'un à aimer, si ce n'est peut-être en l’aimant davantage et c'est sans garantie aucune !
Le Tout puissant est réduit à l'impuissance. Il ne retrouvera sa puissance que si je lui donne le pouvoir en moi, si je le laisse agir, si je me repens comme le fils prodigue. Jusque-là, Il ne peut qu'attendre le retour de son fils et il nous attend depuis toujours. Pas de reproches, pas de questions, il le reçoit, lui donne des vêtements, des souliers, un anneau et puis c'est le repas de joie c'est la fête ! Cela nous change de l'image que nous avons habituellement de Dieu. Il fait la fête ! Mais Il aimerait tant voir aussi revenir son aîné.
Une dernière question : si nous pouvons nous identifier à chacun des deux fils, pouvons-nous dans notre accueil de l'autre, ressembler au Père ?
Amen !
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