Du chaos à l'ordre

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Écouter le culte :

En pleine crise, comment se reconstruire, comment reconstruire une relation avec en partant d’un chaos. Se resolidifier, étape par étape c’est une création avant d’être une réussite. J’aime – oui j’aime – ce texte poétique de la Création du monde avec ses 7 strophes et ses 7 refrains qui finissent dans une apothéose de contemplation et de louange.
Dimanche passé, la pasteure Hélène Kung, sur ces mêmes ondes, dans le cadre du culte commémorant les 50 ans du Centre Social protestant appuyait avec force sur le respect et la justice à avoir face à ceux, je cite : « qui, parce qu’ils sont différents sont considérés comme potentiellement menaçants pour l’ensemble. » Elle terminait sa prédication par cette « règle d’or » du Christ : Traitez les autres comme vous souhaiteriez qu’ils vous traitent.
Il y avait là matière à réflexion sur la justice dont nous faisons preuve face aux personnes fragilisées dans leur vie. C’est aujourd’hui la suite de cette réflexion qui vous est soumise. Non plus sur terme de justice mais celui de justesse. Comment puis-je, fraternellement quitter cette vision d’un monde dans lequel le critère de sélection est la réussite et m’intéresser sur celui qui est en échec ? Moi parfois.
L’échec, cet insupportable élément de nos journées contre lequel nous luttons dans les actes les plus simples. Comme prendre la place de parc pour handicapé, près de l’entrée, devant la grande surface quand je pense que tirer de l’argent au bancomat ne me prendra que deux minutes, m’interdisant même de penser que, pendant ce laps de temps, une personne handicapée aurait eu besoin de la place. Elle n’avait qu’à venir me demander de déplacer ma voiture, diront certains. Facile : elle n’avait qu’à se parquer en double file, sortir son fauteuil roulant, se transférer dessus, chercher qui occupait la place de parc réservée, y retourner sa quête effectuée, se retransférer dans la voiture, ranger son fauteuil et espérer que je ne fasse que deux minutes au distributeur de billets de banques. Avant de recommencer à la case départ pour enfin aller faire ses courses. Restons sérieux !

Restons sérieux ! La création du monde dans le poème de la Genèse nous dit comment Dieu a fait évoluer l’Univers d’un état primitif à une relation réussie. Il a construit sur le chaos et la première chose qu’il fait c’est nous donner le moyen de voir, de nous orienter, en mettant en lumière ce qui va advenir ensuite. Ensuite, en suite en deux mots, Dieu a inventé le temps, posant, les unes après les autres, les fondations d’un demain. Après la lumière du 1er jour, il commet une vaudoiserie : il crée le propre en ordre en séparant les eaux d’en haut de celles d’en bas, mettant à l’abri ce qu’Il allait y implanter en pensant une place pour chaque chose chaque chose à sa place soit un lieu de refuge fertile, la terre, les plantes et les arbres. Trois jours, trois jours pour construire l’avenir. Trois étapes pour quitter l’état de chaos, trois premières marches de l’escalier à gravir.
Mais j’ai encore besoin d’autre chose parce que me savoir hors du chaos pour commencer de vouloir construire, parce qu’avoir compris que Dieu a inventé le temps, parce qu’avoir saisi qu’il me faut une lumière pour me guider, parce qu’être conscient que le ciel ne tombera pas sur ma tête, ne me suffisent encore pas !

Genèse 01, 14-23

Pour être certain que l’homme (cette cerise sur le gâteau de la Création) comprenne l’importance de ce qui précédé Dieu a inventé la photosynthèse, ce poumon de vie qui va donner aux vivants de pouvoir respirer avec des temps de repos bien défini entre lune et soleil. Il fallait que le vivant saisisse l’environnement, du temps de repos, de la régularité de l’ordre des choses, chacun s’appuyant sur chacun.
Harmonie, oui c’est cela. Harmonie : celle d’une symbiose entre les éléments disparates, de ceux qui vivent ici ou là, si différents mais liés les uns aux autres de manière indéfectible et vitale. Qu’il en manque un et c’est le déséquilibre. C’est le cas pour ceux qui surgissent de la nuit, le soir, dans la rue pour venir nous visiter dans notre lieu d’aumônerie.
Il en est de même dans l’histoire humaine, le prix à payer est lourd pour ceux qui se trouvent blessés dans leur santé ou dans leur besoin de relation. Paradoxalement accepter la proximité du chaos permet d’ériger l’existence blessée sur d’autres bases. Comme la personne sous dépendance qui sait bien, qu’après chaque cure de désintoxication, il retrouvera les mêmes dealers dans son lieu de vie habituel. Pour se reconstruire il sait qu’il devra changer d’environnement, se ressemer dans un lieu neuf où il lui sera donné l’air, la lumière et le sentiment réel qu’il fait partie d’un ensemble et non plus d’une exclusion.

Sortir du chaos n’est pas simple pour les personnes en état de faiblesse, outre une lumière pour avancer, un temps pour le faire et un lieu protégé pour y vivre, elles doivent sentir qu’elles font partie du monde et qu’elles y sont aimées sans conditions, car tel est l’amour de Dieu et tel devrait être le nôtre. J’ai déjà débordé sur le sixième jour et le septième jour et j’ai parlé de l’humain fait à l’image de Dieu un peu trop tôt mais c’était pour planter le décor de l’intention de Dieu.
Mais j’ai encore besoin d’autre chose, parce qu’accepter qu’il y a un temps pour l’activité et un pour le repos, parce que voir que tout autour de moi est environnement de vie, parce que comprendre qu’en faire partie est un élément essentiel, parce que savoir que nous sommes tous dépendants de ce qui précède ne me suffisent encore pas !

Genèse 01, 24 – 02, 04

Dans un autre texte de la Genèse, pas beaucoup plus loin que celui-ci, il y a l’histoire d’un homme qui avait tué son frère. « Où est ton frère ?: » lui demande le Créateur. « Suis-je responsable de mon frère ? » lui rétorque l’homme. La question est claire, l’intention du Dieu créateur aussi : une question pour se dire et pour prendre conscience, sans le nier, de ce qui a été pour repartir depuis cet instant-là.
Nous sommes responsables non seulement les uns des autres mais aussi de tout ce qui précède et de l’avenir dont nous sommes les porteurs. Responsables de nos frères c’est être aussi responsables de nos actes, de nos choix et de la société que nous construisons, jour de la Genèse après jour de Genèse, donnant à chacun la possibilité de pouvoir y trouver une place.
Jour de Genèse après jour de Genèse, donnant à chacun la possibilité d’assouvir ces besoins fondamentaux que sont manger, boire, dormir, être aimé, en ayant l’impression d’être respecté et de faire partie d’un ensemble. Même si cela est contraire au fonctionnement moderne. Même si cela remet en cause le fonctionnement, contraire au respect humain, des grandes surfaces ou entreprises qui engagent, à moindre frais, leur personnel en postes morcelés à 40 ou 60 % qui leur permettent de manipuler les employés et les horaires. Ceci pour que nous payons des produits moins chers et qu’eux puissent annoncer des bénéfices faramineux et indécents face à la pauvreté montante en suisse en utilisant celle-ci comme fonds de commerce.
Vivre avec justice et justesse la création de Dieu c’est fertiliser un terrain vie par des relations et leurs contenus. Nous ne sommes pas des figurants dans cet ouvrage mais des acteurs responsables, interprétant leurs rôles respectifs selon des normes précises pour que la pièce soit belle.
Mais j’ai encore besoin d’autre chose parce que avoir l’impression de faire partie d’un tout, parce que savoir que je suis reconnu dans mon rôle, ne me suffisent pas. Il me faut cette ultime chose. Dieu le sait. Il est allé plus loin que sortir le monde du chaos, beaucoup plus loin : il nous a donné les moyens de sortir des nôtres, marche après marche.
Il nous a donné le 7ème jour pour nous dire encore que nous en sommes dignes de prendre la main d’un frère ou d’une sœur aussi digne que nous, de nous asseoir sur un banc d’église ou d’ailleurs pour contempler la magnificence de l’alliance d’amour qu’a offert Dieu à un monde qui en demande. Il nous faut cette ultime chose : nous souvenir que le 6ème jour, Il nous a bénis.
Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Musique
Massimo Lunghi, compositeur, dirigera l'ensemble vocal Canticum Lucis
Claire-Lise Imhof, conteuse