La proximité!
Ce mot à la mode s'affiche partout, y compris dans notre Église. Il est devenu un logo de qualité, un leitmotiv de ce que doivent être nos façons de vivre notre existence et notre foi. Dans le discours de l'Église, on nous en rappelle le côté séculaire, "vocationnel". Il est normal de répondre au besoin de contact, d'être proche de, de faire de nos paroisses ou des ministères en marge des lieux d'accueil pour les souffrants ou pour les autres.
Il est impensable de ne pas être proche, de ne pas être à l'écoute. Rien ne doit pouvoir nous détourner de ce voisinage qui fait que, par exemple, actuellement il n'y a pas de prédicateur plus proche de vous que moi . Il était donc évident que…
Sonnerie de Natel (je réponds)
-Excusez-moi ! Non, tu ne me déranges pas.
Au public:
- Excusez-moi encore un instant.
- Oui (silence) oui (silence) Là je suis un peu occupé. Je t'avais dit avant de partir qu'il fallait que le repas soit prêt quand je rentre. C'est quand même simple de faire un bœuf bourguignon je t'ai tout préparé, j'ai déjà coupé les carottes et les poireaux. Enlevé la peau des oignons-grelots…
Au public:
- ça énerve… oui je sais…
Dépôt du Natel
Pourtant j'avais promis d'être avec vous.
Pourtant j'étais proche, d'une belle proximité… mais pas disponible.
Proximité: le grand gargarisme d'autosatisfaction que nous offrons au monde pour masquer nos incompétences et nos vices de forme relationnels.
Proximité: promesse de rencontre au cœur de laquelle nos modes de vie nous parasitent
Ce n'est pas ainsi que, ni Dieu, ni le Christ abordent leur prochain ou bien les invitent à la rencontre, au partage.
Je vous invite à entendre ce texte de l'évangile de Luc dans lequel l'invitation au voisinage de Dieu tombe à l'eau… pour autre chose qu'un bœuf bourguignon… quoique de bœufs il va en être question.
Et pourtant Dieu prend la peine d'inviter et de rappeler l'invitation le jour même.
Ma collègue Viviane Maeder (avec qui vous vivrez tout à l'heure le temps de la prière d'intercession et du Notre père) Viviane Maeder, la toute première aumônière de rue à Neuchâtel, lors de son culte inaugural l'an passé, disait sur même texte, je cite:
"Pour les gens de la rue, recevoir une invitation au festin comme celle qu'on vous a envoyée, cela pose problème: si on la reçoit trop longtemps à l'avance, on ne va pas s'en souvenir, on va perdre le papier. De toute façon personne ne consulte son agenda trois semaines à l'avance pour voir s'il n'y a pas une petite case libre le vendredi 19 entre 18 et 19 heures. Dans un lieu d'accueil, un jeune m'a suggéré la solution adéquate: tu me donnes le papier assez tôt pour qu'on sache qui est invité, et ensuite, au dernier moment tu nous le rappelles pour qu'on soit là à l'heure. C'est simple, non?"
Nous ne sommes pas loin de la parabole du festin.
Sauf que dans le cas de la rue les jeunes viennent… eux.
Enfin… parfois!
J'imagine déjà ce qui est en train de se passer en vous, à ce raz-de-marée de mauvais souvenirs, de moments de votre histoire de vie dans laquelle quelqu'un vous a fait faux bond et la blessure que cela vous a laissée.
Quand, par frustration, même justifiée, cela vous a mis en colère.
Et si on visualisait une colère et ce qu'elle peut provoquer:
Nous sommes parfois confrontés aux douleurs cachées qui font qu'une fois dans le secret de notre intimité, un autre sentiment s'empare de nous. Au cœur du refuge habituel: le fauteuil auprès de la fenêtre, la chambre aux persiennes fermées ou derrière des vapeurs d'alcool, notre spleen va donner naissance à la violence de la tristesse.
Ensuite grandira ce qui tenaille l'homme au plus profond de lui même: la peur. La peur d'avoir raté quelque chose d'important, la peur d'être seul, la peur du lendemain qui déchante. La peur qui fait perdre la référence à quoi que ce soit.
Ces fantômes non reconnus rongent et minent la relation aux autres. Les êtres proches s'éloignent alors sans toujours s'en rendre compte, ou trop tard.
Ce sont des souffrances cachées que chacun de nous est capable de masquer par ce sentiment aussi paradoxal qu'est la joie quand elle est là pour cacher la réalité, en rire jaune comme on dit:
"Ce n'est pas grave… une autre fois… ça peut arriver!!!"
Mais la joie c'est aussi la vraie joie celle qui ne masque rien et qui donne à l'homme la force de chanter, l'envie de danser
Je crois qu'il est temps maintenant de remettre tout cela à Dieu. De nous libérer de nos peurs, nos tristesses et nos colères dans la prière de l'acte de repentance.
Recueillons-nous:
Ah L'envie d'être autre, quelque chose de plus …
Ah! Le besoin du bouc émissaire…
Et puis c'est la faute de l'autre, c'est pas moi c'est la femme, c'est pas moi c'est le serpent….
Il n'avait qu'à pas…
C'est pas moi c'est toi qui m'as poussé à faire cela.
C'est pas moi, c'est comme cela quand j'ai bu.
C'est pas moi c'est toi qui…
Ça suffit !!!!
Si c'est moi!!!
C'est mon choix, c'est moi qui l'ai fait et maintenant je suis mal. Je peux, au-delà de la faute au moins avoir cette honnêteté-là et être responsable de mes décisions à défaut de l'être de mes actes.
En l'occurrence c'est cette franchise-là qui va me permettre d'avancer: dans le jardin de ma vie, Seigneur, tu ne me demandes pas "Comment vas-tu?". À cela je répondrai comme on répond toujours dans ces cas-là: "Bien merci et toi".
Dans le jardin de ma vie; tu me demandes "Homme, où es-tu?" pour que je puisse te dire ma peur, ma honte, ma nudité.
Dans le jardin de ma vie, Seigneur, tu ne me maudis pas. Le serpent, lui, a eu les pattes coupées d'un coup de ciseau divin (dorénavant tu ramperas sur le ventre) mais pas moi, l'homme. Tu m'as juste expliqué les conséquences d'un acte que j'ai choisi librement de faire. Ensuite Seigneur, tu m'as restauré et c'est toi qui m'a donné les moyens de continuer.
Ainsi donc moi qui n'était rien j'ai été aidé par celui qui a donné de son temps pour moi. Il aurait pu continuer de se promener en sachant un homme blessé, tapi derrière son buisson.
Un peu comme nous quand nous passons devant le musicien de rue qui cherche les notes de notre cœur sur son instrument lorsqu'il attend que nous prenions le temps d'être autre chose que proche, autre chose que le passant qui se hâte de peur de s'arrêter pour écouter.
Dieu s'est arrêté: "Homme où es-tu?". L'homme a répondu et Dieu a fait le nécessaire.
Recueillons-nous en entendant la prière de l'annonce du pardon de Dieu:
Avant je n'étais qu'un quidam. Comme celui du jardin d'Eden qui n'avait reçu son nom qu'après avoir dit sa peur et sa honte. Il est devenu Adam: le premier.
Dire sa peur, sa tristesse, sa colère ou sa joie c'est devenir quelqu'un aux yeux de Dieu et aux yeux des hommes.
J'ai un nom que tu connais, mon masque est tombé…
Quels que soient les actes: une pauvreté visible, une blessure à l'air libre ou tout autre chose, il reste, comme un rituel, que nous côtoyons sans cesse ce que nous tentons d'ignorer.
Terrible temps des justifications, des excuses… à cause de…
- Quand nous persistons dans cette étrange surestimation des intérêts particuliers.
- Quand nous continuons d'être esclaves du gain ou de la jouissance et que nous considérons manifestement l'invitation de Dieu comme une propriété dont nous pourrons encore profiter plus tard.
- Quand nous nous heurtons à nos propres incapacités, à notre seul vouloir sans penser au devoir.
Souvenons-nous que Dieu s'est mis en colère face aux excuses des invités. Souvenons-nous de l'essentiel…
Souvenons-nous que Dieu se fait celui qui restaure l'homme quand il lui offre les moyens de ne plus avoir peur, de ne plus être honteux.
Souvenons-nous d'un Dieu qui sait que la dignité de chacun se trouve parfois révélée dans la limite de ses actes et la maîtrise de ses passions.
Souvenons-nous d'un Dieu de proximité, mais surtout de disponibilité, qui veut nous rencontrer et nous soutenir lors d'invitations répétées; comme aujourd'hui pour ce culte dominical pour lequel vous n'aviez pas 5 paires de bœufs à contrôler ni de bœuf bourguignon à mettre sur le feu ou toutes ces excuses qui font que louer Dieu en grande communauté le dimanche devient de plus en plus difficile.
Souvenons-nous…
Et rêvons, rêvons que ce qui va être dit maintenant puisse se réaliser au travers de nos actes, graines de l'Amour de Dieu semées dans le monde des hommes pour la gloire de Dieu et la construction de son Royaume:
La première fois que je vis l'homme je me promenais. Lui, il se cachait ou il ne me regardait pas. En passant près de lui je me suis arrêté. Je ne lui ai pas demandé comment il allait cela aurait été indécent ni s'il avait besoin de quelque chose parce qu'il aurait répondu non. Je lui ai simplement demandé où il en était dans sa vie.
Il me l'a dit et j'ai pu vêtir sa nudité avec ce que j'avais, avec ce que j'étais. Sans être un surhomme ou me donner des pouvoirs impossibles et vivre de promesses non tenues.
Il me l'a dit et j'ai pu lui dire que Dieu au moins l'aimait tel qu'il était. D'un amour sans conditions, d'un amour de Père qui ne s'appuie pas sur la réussite mais sur le bonheur d'être, de vivre et de ce qu'il faut faire pour cela.
Il me l'a dit et j'ai pu lui dire que Dieu au moins l'aimait tel qu'il était. D'un amour sans conditions, d'un amour de Père qui ne s'appuie pas sur la réussite mais sur le bonheur d'être, de vivre et de ce qu'il faut faire pour cela
Oh! Je t'en prie… ne t'enfuis pas…écoute…Dieu t'avait invité pour te le dire!!!
Amen.