L'arrivée de l'apôtre Paul à Athènes et plus tard à Corinthe est un événement qui a bouleversé les règles établies sur le marché du religieux dans ces deux villes. Quel est donc ce produit dernier cri que l'apôtre Paul propose aux habitants d'Athènes et de Corinthe ? Et surtout répond-il, ce produit au souci d'efficacité, de rentabilité et de durabilité de la vie humaine ? Le nouveau produit que l'apôtre Paul place sur le marché du religieux est-il, disons-le tout simplement un bon produit ?
A Athènes, le champ religieux proposait plusieurs divinités qui avaient pour rôle de contribuer à la vie des Athéniens. Dans l'Acropole qui était à la fois une citadelle et un lieu saint, on trouvait plusieurs temples, dont celui dédié à Athéna, la déesse protectrice de la cité. Le peuple était ainsi aux dires de l'apôtre Paul, " un peuple très religieux " ou traduit plus littéralement, un peuple " craignant les démons ". Dans notre langage aujourd'hui, le démon est compris négativement comme étant l'esprit du diable ou comme la personnification d'un vice. Chez les anciens, les démons étaient des divinités qui avaient le pouvoir de faire du bien comme de faire du mal ; de protéger comme de tuer. Dès lors, ce n'est pas étonnant de voir encore aujourd'hui qu'au nom de la religion, au nom de Dieu, certaines personnes justifient leurs actes de pouvoir, leurs dominations et leurs guerres. Les Athéniens craignaient les démons. Ils leur rendaient un culte. En fait, ils craignaient pour leur vie. Ils avaient bâti celle-ci ainsi que leur cité sur des valeurs telles que la science et la croyance ; des valeurs qui ne sont pas opposées, contrairement à ce que l'on croit.
La force de pensée et d'idée que l'on retrouve dans de nombreux écrits de philosophes grecs ou que l'on peut encore admirer dans la grandeur des œuvres d'art et d'architecture des Grecs d'une part et la croyance selon laquelle, l'homme peut par lui-même faire son bonheur en influençant les divinités qui sont à portée de ses mains de l'autre part, conféraient aux Athéniens la prétention de vivre éternellement. Dans ce sens, Platon, ce grand philosophe grec parlera de l'immortalité de l'âme.
Un peuple très religieux ! Ce peuple a même prévu un autel pour le dieu inconnu ; peut-être pour être sûr de ne rater aucune faveur divine ou tout simplement pour rappeler qu'on a toujours une croyance même si celle-ci n'est pas nommée, même si on se dit athée ; et comme a écrit un penseur, " on a toujours plus de religions qu'on ne croit " .
Une étude sociologique menée récemment en Suisse montre que "Les valeurs religieuses continuent à faire partie du patrimoine helvétique… le monde d'athées ne grossit pas, même si les gens sont toujours nombreux à se déclarer sans religion lors de recensements. Les chiffres montrent une nette augmentation de la pratique de la prière."
Oui, la religion, c'est bien l'affaire de tous, même de ceux qui prétendent ne pas être religieux et qui s'inclinent cependant devant les divinités qui occupent une telle place dans leur vie qu'ils se confondent à elles.
Mais quelle est donc cette nouvelle religion que l'apôtre Paul apporte et qui est susceptible de faire craquer un peuple très religieux ? A Corinthe, l'autre ville où Paul s'est rendu après Athènes, le champ religieux se présente sous une tout autre forme. Il se conçoit sous forme de bourse des charismes ; une rivalité entre les charismes des uns et des autres avec une question à la clé : qui dit mieux ? Lequel des dons de l'Esprit est le plus important ? Qu'est-ce qui fait la grandeur de l'être humain devant Dieu ?
En passant d'Athènes à Corinthe, Paul passe ainsi, du défi de la religion naturelle et de la croyance populaire au défi d'une religion fanatique et discriminatoire. A Athènes, Paul a été confronté au défi d'une religion qui apprivoise Dieu, une religion qui fixe Dieu en un lieu et qui le contrôle, invitant à faire quelque chose pour lui, afin de s'assurer une vie dans ce monde et dans l'au-delà. A Corinthe, Paul dénonce une religion et surtout un christianisme (puisque les Corinthiens, contrairement aux Athéniens, avaient adopté la foi chrétienne), il dénonce une religion qui donne à l'homme la prétention d'être un dieu et donc d'exister par lui-même éternellement, parce qu'il a un charisme particulier.
Aux habitants d'Athènes comme à ceux de Corinthe, l'apôtre Paul propose un moteur pour la vie ; un moteur de marque " Jésus ". Au verset 18 du livre des Actes, chapitre 17, nous lisons que : " Paul annonçait en effet Jésus et la résurrection ". Paul annonçait Jésus dont la résurrection est une démonstration que Dieu a le pouvoir de donner la vie au-delà de tout ce qui rappelle la finitude chez l'être humain : l'échec, la maladie, la mort. Un moteur pour la vie ! Paul cite les pièces de ce moteur dans sa première lettre aux Corinthiens : " Maintenant donc dit-il, ces trois choses demeurent : la foi, l'espérance et l'amour, mais l'amour est le plus grand ". I Cor. 13, 13 Paul propose ce moteur comme quelque chose qui maintient la vie ; quelque chose qui ressuscite la vie au besoin et qui lui confère le sens de l'éternité.
Lorsque Paul a commencé à parler de la résurrection aux habitants d'Athènes, ces derniers l'ont congédié, disant qu'ils l'entendront une autre fois sur ce sujet. Ce matin, vous n'allez pas faire comme eux. Ne bouchez pas vos oreilles ; n'éteignez pas votre radio ; gardez bien l'écoute, car il s'agit de l'essentiel du message chrétien. La résurrection est le centre de la foi chrétienne et c'est ce qui distingue principalement cette religion des autres. La résurrection est comme un lubrifiant qui articule toutes les pièces de ce moteur que l'apôtre Paul présente aux Corinthiens comme étant quelque chose qui demeure : la foi, l'espérance et l'amour. La résurrection est la base sur laquelle se construit la foi ; elle est le soutien de l'espérance qui veut être comme le dit l'auteur de l'Epître aux Hébreux, " l'ancre de notre âme, sûre et solide " Hébreux 6, 19 ; une ancre dans la vie mouvementée des humains, et en particulier des chrétiens.
La résurrection est aussi la force de l'amour ; elle permet à l'amour d'être un acte et un lien qui donnent la vie. Par ce trio : la foi, l'espérance et l'amour, l'apôtre Paul propose simplement un regard neuf sur la religion. Ce moteur est pour la vie des hommes et des femmes que nous sommes, dans notre histoire personnelle en tant qu'individu, dans notre relation avec Dieu et enfin, dans notre relation avec les autres. Ce moteur pour la vie permet à l'histoire des humains de se perpétuer dans l'éternité de Dieu.
Nous fêtons aujourd'hui les 100 ans du temple de l'Abeille à La Chaux-de-Fonds ; le temple, symbole d'une religion affichée, mais surtout, témoin d'une histoire de vie. Le temple n'est rien d'autre que des pierres s'il n'est pas habité par l'histoire des hommes et des femmes dans leur relation à Dieu. Le temple n'est la maison de Dieu que dans la mesure où il est un lieu de rencontre des hommes et des femmes qui vivent en communauté de foi, qui s'encouragent dans l'espérance et qui s'accueillent dans l'amour, en réponse à l'amour et à l'engagement premier de Dieu pour eux. " Dieu n'habite pas les temples construits par les mains des hommes ", comme le rappelle l'apôtre Paul aux Athéniens, Actes 17, 24 ; mais Dieu habite l'histoire des hommes, la mémoire des hommes ; il habite la vie des hommes et il donne à cette vie la dimension de l'éternité.
La foi, l'espérance et l'amour, un moteur pour la vie d'un peuple très religieux.
Amen !
Dimension d'éternité
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