" Voici, j'ai placé devant toi une porte ouverte que nul ne peut fermer. Tu n'as que peu de force, et pourtant tu as gardé ma parole et tu n'as pas renié mon nom ". Apocalypse 3, 8
L'auteur de cette parole s'adresse à l'Eglise de Philadelphie dont le nom signifie en grec " amour fraternel ". Philadelphie est la cité de l'amour fraternel. La ville de Philadelphie était située à un endroit stratégique. A l'époque, c'était la seule voie d'accès pratique au grand plateau d'Asie Mineure. Cette ville se trouvait au carrefour de trois pays : la Mysie, la Lydie et la Phrygie. En tant que ville frontière, Philadelphie était un lieu de passage sur l'une des grandes routes du monde qui reliait l'Europe à l'Orient.
Cette position géographique conférait à Philadelphie, la responsabilité de diffuser l'art et la culture des Grecs. Ville ouverte au monde, Philadelphie n'avait pas seulement la mission de diffuser l'art et la culture, sa mission était aussi de propager l'Evangile, de transmettre le message d'un Dieu qui est pour l'ouverture, pour l'accueil, pour la liberté. L'Eglise de Philadelphie avait la responsabilité de garder la bonne parole, la parole d'un Dieu qui est Amour ; un Dieu qui est pour la rencontre des peuples, pour la justice et la paix. Elle devait garder cette parole et tenir bon, contre toute parole déstabilisante, contre toute parole qui incite à la peur, à la haine et à la fermeture ; parole qui transitait, elle aussi, par ce lieu de passage qu'était Philadelphie. Le Christ rappelle à son Eglise de Philadelphie qu'il a placé une porte ouverte devant elle, une porte que nul ne peut fermer.
Une porte ouverte, c'est bien sûr l'ouverture, l'accueil, la liberté ; mais c'est aussi l'insécurité, la vulnérabilité, l'indiscrétion ; et les scènes de vandalisme perpétrées souvent dans les églises et les temples ouverts comme récemment à la collégiale de Neuchâtel ou à la paroisse catholique de Peseux le prouvent. Une porte ouverte c'est l'accueil, mais c'est aussi l'insécurité, surtout quand on ne détient pas les clés qui permettent de fermer la porte au moment opportun.
Nous voici donc devant un paradoxe, face à un dilemme. Que faire ? J'imagine que les chrétiens de Philadelphie auxquels le Christ s'adressait devaient se poser bien de questions à l'écoute de cette parole dite avec une assurance et une autorité déconcertantes.
Comment l'ouverture peut-elle rimer avec sécurité et intimité ? Comment l'ouverture peut-elle être porteuse de vie ? A l'heure où partout dans le monde, en Afrique, en Amérique, en Asie, en Europe et plus près de nous en Suisse, on prend des mesures draconiennes qui vont dans le sens de la fermeture des frontières aux étrangers considérés alors comme une menace, comme un danger, la question de l'ouverture et de la fermeture des portes reste bien préoccupante.
Entre Israël et la Palestine, on élève des murs pour se protéger. Ce n'est pas nouveau ; c'était déjà le projet du peuple d'Israël 500 ans avant Jésus-Christ, projet qui est dénoncé dans le livre de Zacharie par la vision du nouveau Jérusalem. Après son retour de l'exil babylonien, le peuple d'Israël devait rebâtir le temple qui était détruit par l'ennemi ; et pour se protéger d'une éventuelle agression et de nouvelles déprédations, il envisageait de construire de grandes murailles tout autour de la ville. Dans cette vision prophétique, l'ange déclare de la part de Dieu : " Jérusalem ne sera pas entourée de murailles… moi-même je serai là, comme une muraille de feu autour de la ville et j'y manifesterai ma présence glorieuse. " rappelle Zacharie. 2, 8, 9
Dans notre monde aujourd'hui, il y a certes, des murs de béton, des barrières de fer qui séparent soi-disant les bons et les mauvais, les sérieux et les dangereux ; mais il y a aussi des murs immatériels ; les murs de haine et de peur qui se construisent dans la société, entre frères et sœurs au sein d'une même famille. Il y a des portes d'idéologies fermées qui séparent les individus, ne laissant aucune chance à la fraternité et à ce qu'elle peut apporter de complémentaire, de riche, de beau à la société dans laquelle nous vivons ; une société internationale qui connaît de plus en plus le brassage des populations pour des raisons de pauvreté d'une part. C'est le cas des populations qui fuient la guerre et la famine et qui frappent tous les jours à la porte de l'Europe et des pays riches ; ou pour des raisons économiques de l'autre part. C'est le cas des populations qui s'expatrient afin de monter une affaire, d'exploiter les richesses minières et la main-d'œuvre moins chère des peuples du tiers-monde.
" Voici, j'ai placé devant toi une porte ouverte que nul ne peut fermer ". A travers le symbole ambivalent de la porte, le Christ ne nie pas les problèmes qui peuvent être liés à l'ouverture, mais il place cette ouverture comme un défi à relever par l'Eglise et par chaque chrétien. L'Eglise de Philadelphie avait peu de force, une toute petite force ; c'était peut-être la conséquence de sa position géographique d'ouverture ; le risque de voir sa foi emportée par divers courants philosophiques était grand ; mais avec peu de force, cette église a gardé la parole du Seigneur et elle n'a pas renié son nom.
Elle ne s'est pas arrêtée sur sa fragilité, elle a fait confiance au Christ qui a le pouvoir des clés ; l'église de Philadelphie est restée fidèle à celui qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul n'ouvrira. Cette église a fait sienne cette parole de l'apôtre Paul : " Je peux tout par celui qui me rend fort. " Philippiens 4, 13. Oui, le défi de l'Eglise aujourd'hui est grand. Le défi que l'Eglise porte aujourd'hui et les chrétiens dans un cadre encore plus personnel, c'est celui de l'Evangile qui bouscule, le défi de l'Evangile qui interpelle et qui dérange un monde conventionnel et la société de la pensée unique et du conformisme.
La porte que le Christ a placée devant l'Eglise de Philadelphie va lui permettre une rencontre avec des gens inattendus, des gens capables de se convertir, de changer d'avis et de reconnaître la force de l'amour. Cette porte ouverte du Christ fait sauter les étiquettes, les préjugés, les culpabilités ; elle permet de vivre dans la sérénité, l'amour fraternel des enfants de Dieu et de s'en réjouir. C'est sans doute là, la clé de la porte, car comme nous lisons dans I Jean 4, 18, " il n'y a pas de crainte dans l'amour, l'amour parfait bannit la crainte ".
Frères et sœurs en Christ, le Seigneur est votre force et votre sécurité ; c'est pourquoi il vous envoie, chacun, chacune sur les chemins du monde ; les chemins qu'il a lui-même ouverts pour que son message d'amour soit partagé et porté au loin. " J'ai placé devant toi une porte ouverte. " affirme-t-il. C'est la bonne nouvelle pour votre vie aujourd'hui. C'est la bonne nouvelle pour notre monde. C'est le défi de l'Evangile, le défi du message de l'Eglise, relayé par les chrétiens partout où ils sont.
Quelles portes ouvertes, quelles occasions Dieu a-t-il placées devant vous pour vous permettre de communiquer son amour ? Quelles portes, pour vous savoir aimé et pour aimer ? Votre famille, votre travail, vos amis, vos voisins ? Une personne étrangère que vous rencontrez sur votre chemin ? Que de portes ouvertes pour manifester l'amour de Dieu !
Comme l'église de Philadelphie, accrochons-nous à la force que Dieu nous promet. Sans crainte et dans un engagement joyeux, franchissons les portes que le Seigneur nous ouvre afin d'apporter son amour au monde ; et réjouissons-nous de vivre tous ensemble, en tant qu'enfants de Dieu, frères et sœurs d'un même Père, dans cette cité de l'amour fraternel.
Amen !
Une porte ouverte
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