Dieu vient à notre rencontre

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Ce David, quel roi généreux : se soucier ainsi de son Dieu et vouloir lui construire le plus beau des temples. Bon, me direz-vous il aurait pu y penser plus tôt ! Mais c'est souvent comme ça dans la vie. On est occupé par beaucoup de choses et ce n'est qu'après coup à des moments charnières de l'existence ou quand on s'arrête pour souffler un peu que tout d'un coup on se souvient de Dieu. Mais mieux vaut tard que jamais et Natan, le prophète, ne peut qu'encourager son Roi à aller de l'avant. Quelle bonne idée de vouloir construire une maison digne de ce nom pour le Seigneur !
Or, durant la nuit, Dieu vient briser cette belle logique. Par la parole adressée à Natan, il réaffirme certes la promesse - ce qui n'est pas la moindre des choses - mais en même temps il contrecarre les beaux plans du Roi. N'y a-t-il pas quelque chose qui vous a frappés à l'écoute de ce passage ? Plus de vingt fois en effet, le Seigneur y parle en " Je " (J'ai cheminé, je t'ai établi, j'ai été avec toi, j'ai abattu tes ennemis, etc.) Dieu est-il vexé, jaloux, soucieux de ses prérogatives pour insister ainsi lourdement sur ce qu'il a fait pour David, ou Dieu est-il tout simplement plus sage que les humains ?
Voyez-vous, une des caractéristiques de l'être humain, c'est que depuis la nuit des temps, il a toujours cherché à établir une relation avec la divinité. Souvent par peur, pour éviter les colères des dieux ou pour s'en attirer les bonnes grâces. David cherche lui aussi, par sa démarche, à s'attirer les faveurs de son Dieu. Derrière cette louable intention de construire un Temple pour le Seigneur, n'y a-t-il pas en fait une manière, peut-être inconsciente chez David, de vouloir plaire à Dieu, vouloir l'amadouer ou le contrôler ? Si l'on pouvait parquer Dieu dans son Temple, cela serait tellement plus simple et plus pratique. On l'aurait sous la main, à disposition en quelque sorte !
Mais voilà : toute la Bible est une longue histoire d'amour entre Dieu et nous les humains; une histoire qui chante cette relation faite de hauts et de bas, mais une relation ininterrompue depuis le premier homme. Dieu y est présenté comme un Dieu de relation. Certes Dieu aurait pu se suffire à lui-même, mais il a préféré entrer en relation avec nous, une relation qui n'est le fruit d'aucune obligation, d'aucune nécessité ni d'un marchandage que nous aurions obtenu par nos sacrifices ou nos mérites. Elle est simplement le fruit de son amour, librement consenti. Je n'ai donc pas à craindre Dieu, encore moins à chercher à l'amadouer pour éviter les foudres de son destin implacable. Dieu me veut du bien. Un point c'est tout ! Il écoute mes prières, il comprend mes besoins, mais il n'est pas pour autant à ma disposition. C'est là toute la nuance !
J'ai l'impression qu'aujourd'hui, nous sommes dans la même situation que David et Natan. En effet, après des siècles d'une histoire fortement marquée par l'emprise de la foi chrétienne et de l'Eglise, notre société s'en est affranchie. On avait cru parfois pouvoir enfermer Dieu dans une manière unique de faire et de penser, dans nos institutions. Or aujourd'hui, ce temps semble révolu et c'est bien là tout le défi pour nos églises pour s'adapter à cette situation nouvelle. Dieu est à nouveau comme sans domicile fixe. On ne peut plus prétendre vouloir le contrôler, parler à sa place ou détenir le seul chemin menant à lui. C'est comme si nous avions perdu le mode d'emploi, alors beaucoup de propositions nous sont faites plus ou moins honnêtes, parfois absurdes ou coûteuses, voire aliénantes, pour rejoindre Dieu. On a parfois l'impression qu'il faudrait s'extraire de se monde, renoncer à notre vie, grimper dans je ne sais quel ailleurs pour aller enfin retrouver Dieu.
Or la prophétie de Nathan nous met en garde. Le Seigneur nous en fait la promesse : il veut être avec nous, mais c'est Lui et lui seul qui prend l'initiative de cette relation ! Je ne pourrai jamais, par je ne sais quel mérite, ascèse ou marchandage forcer Dieu à vivre à mes côtés ! Je ne peux recevoir sa présence que par grâce ! Voyez-vous, l'événement de Noël arrive comme la prophétie de Nathan. Il dérange, car il brise l'espoir, peut-être inconscient, de pouvoir contrôler Dieu, de l'avoir à notre service et bat en brèche l'illusion que nous avons parfois de croire que nous sommes à l'origine de notre démarche de foi. Noël crée la surprise; comme une épine dans notre chair pour nous redire chaque année : préparez-vous, le Seigneur arrive, mais c'est lui qui prend l'initiative de la rencontre !
A ce stade, nous sommes comme sur une ligne de crête. D'un côté, il nous faut accepter, à l'image de David, de nous dessaisir de quelque chose, de lâcher prise, accepter, contre tout ce que nous avons l'habitude de faire de ne pas avoir la maîtrise. C'est reconnaître ses limites et s'accepter comme on est. C'est accepter encore que malgré tous nos efforts, nous ne parvenons pas toujours au but que nous nous sommes fixé (dans notre vie professionnelle, sentimentale, spirituelle, dans notre santé). Notre vie connaît forcément ses accrocs qui nous arrêtent. Il y a des événements contre lesquels on ne peut rien faire. En somme, c'est faire preuve d'humilité, une humilité qui seule peut nous aider à nous rendre disponibles pour ce Dieu qui vient. Si je reste persuadé que je peux tout faire de ma propre initiative, je n'ai plus de place pour la rencontre avec Dieu. Mais cette saine humilité n'a rien à voir avec la mortification; c'est pourquoi elle ne doit pas rimer non plus d'un autre côté avec de la passivité. Il serait faux de tout attendre de Dieu, sous prétexte que c'est Lui qui prend l'initiative de la relation.
Souvent, j'entends dire : " Monsieur le pasteur, moi je pourrai croire en Dieu quand je le verrai Dieu, quand je serai enfin sûr ! " A Noël, Dieu, vient à notre rencontre; à nous de le découvrir. A Noël, c'est comme si Dieu déposait au pied du sapin de notre vie, le cadeau de sa présence; à nous de le déballer ! Il y a beaucoup de versets que j'aime bien dans la Bible (le contraire serait étonnant !), mais il y en a qui me parle peut-être plus que tous les autres. En Apocalypse 3,20, le Seigneur nous dit : " Voici je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui et lui avec moi. "
Comme je le dis souvent : Dieu est là, à la porte de ta vie. A toi de l'entendre et de te lever pour aller lui ouvrir. Dieu est prêt à faire mille pas pour venir à ta rencontre, il n'en attend qu'un seul de ta part, car il respecte trop ta liberté pour te forcer à croire. Dieu pourrait fracasser par sa puissance la porte de ta vie pour te contraindre à le reconnaître. Mais que serait notre foi si elle n'était plus le fruit de notre désir et de notre liberté ? Certes le pari de Dieu est risqué, car il accepte la possibilité que nous ne le reconnaissions pas. Mais cette fragilité n'est pas à comprendre comme une maladresse, elle est voulue par Dieu pour que nous disposions toujours de cette distance de liberté qui seule assure chacun dans son choix et rend possible l'accueil de la rencontre.
A Noël, Dieu pousse cette fragilité à son comble : un petit qui est Dieu, un Dieu qui est petit ! Mais n'est-ce pas précisément le signe, la trace, que Dieu nous rejoint là où nous sommes, là où nous en sommes dans notre vie quelle que soit sa fragilité. Si Dieu était resté enfermé dans sa majesté solitaire, en quoi me serait-il " utile ". Bien trop loin de ma réalité de vie, il ne pourrait comprendre mes aspirations profondes, mes angoisses, ms peines et mes joies. Lui là-haut et moi en bas, quelle belle affaire ! Or Dieu descend à Noël, il se refuse à rester enfermé, fût-il dans le plus beau des palais, il vient à notre rencontre pour nous retrouver dans notre petitesse. Ce que David doit comprendre, nous devons nous aussi l'entendre ce matin : jamais un palais construit de mains d'hommes ne pourra être assez beau pour que Dieu puisse en faire sa demeure. Comble de l'ironie, Dieu choisit la plus modeste des étables pour y naître en son Fils la nuit de Noël. Cette crèche bien modeste devient le signe de cette présence de Dieu qui vient nous rencontrer dans notre vie la plus modeste, la plus fragile. Le seul temple qui sied à Dieu, c'est le coeur de l'homme ! " Qu'est-ce donc que l'homme (dit le psalmiste) pour que tu penses à lui, l'être humain pour que tu t'en soucies ".
Dieu vient à notre rencontre, préparons-nous; c'est bien là la raison même de ce temps de l'Avent. Une période de l'année qui est marquée, plus que toutes les autres par de nombreuses coutumes ou traditions, qu'elles soient familiales, sociales, religieuses et c'est bien ainsi. Mais ne croyons pas que nous pourrons, comme David y enfermer Dieu et le sortir de sa boîte comme on sort les santons pour les mettre dans la crèche, ne pensons pas non plus que l'on pourra aller visiter Dieu à Noël, parce qu’après tout c'est quelque chose qui se fait à cette période, comme on rend visite à des membres éloignés de sa famille. Dieu est plus grand que toutes nos traditions et nos coutumes. Mais comprenez-moi bien, je ne dis pas cela pour critiquer ces traditions. Noël ne serait plus Noël sans elles; elles contribuent à faire de cette fête une fête pas comme les autres; mais n'oublions pas que c'est Dieu toujours et encore qui prend l'initiative de la rencontre. Alors puissions-nous vivre ce temps de l'Avent et de Noël non pas seulement comme la suite d'événements prévus de longue date au rituel bien défini, mais comme un temps mis particulièrement de côté pour que nous entendions le Seigneur frapper à la porte de notre vie. C'est vrai, comme David, on trouverait plus simple que le lieu de cette rencontre soit plus clair et mieux défini. Mais il en est ainsi : le Seigneur aime surprendre ! Jamais je ne pourrai prétendre posséder le Seigneur; sa relation a donc forcément un caractère imprévisible, inachevé. Comme l'eau de source que l'on ne peut retenir en ses mains, comme le vent que l'on ne peut arrêter, la présence de Dieu nous traverse. Sa présence est discrète certes, peut-être même trop parfois à notre goût, mais le Seigneur, pour nous ce matin, réitère sa promesse : il vient, il ne cesse de venir à notre rencontre. Ecoute, il frappe à ta porte, va et ouvre-lui.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Vincent Thévenaz
Musique