Écouter le culte :
L’histoire de la femme à la perte de sang racontée dans les Évangiles (Marc, Luc et Matthieu) est une histoire qui émerveille, autant qu’elle me remplit d’espoir. Lorsqu’on y réfléchit, on se rend compte qu’au-delà de la guérison dont elle a été l’objet, la femme à la perte de sang est aussi et surtout une voix pour toutes les personnes qui doivent faire face à un moment ou à un autre aux portes fermées, aux projets avortés, aux regards, aux attitudes, aux jugements ou encore aux questions indiscrètes de leur entourage, en raison du fait que le miracle, pour lequel elles prient depuis plusieurs années, tarde.
En effet, au-delà des défis que lui a imposés sa maladie d’un point de vue physique et sûrement psychique, cette femme a dû faire face, pendant 12 ans, aux difficiles réalités culturelles et religieuses de son pays – ce qui a affecté, j’en suis sûre, sa vie sociale et relationnelle, ainsi que ses projets de vie de femme.
Premier point : C’est une femme exclue de la société.
Selon la loi de l’Ancien Testament, les femmes devaient rester isolées pendant toute la période que durait leur menstruation, car elles étaient considérées comme « impures ». Dans le livre du Lévitique, il nous est rappelé que cette période s’étendait jusqu’à sept jours.
Ainsi, la femme à la perte de sang ne souffrait pas seulement d’hémorragies, mais aussi et surtout du rejet quotidien de ses contemporains, en raison de son état d’impureté persistant. De plus, elle-même est consciente de sa situation : elle devait certainement fuir les gens, et même tout faire pour se tenir loin d’eux, afin de ne pas les «contaminer» par son impureté.
Cette femme, je ne sais pas vous, mais je l’imagine d’abord comme une femme dans la fleur de l’âge voyant sa santé se détériorer de semaine en semaine. Elle a dû voir ses amies être courtisées, elle a dû voir les fêtes défiler année après année, sans y être invitée. Je l’imagine apprendre que untel et unetelle se sont mariés, ou encore que certaines de ses amies attendent un enfant, tout en espérant secrètement qu’un jour ce serait son tour. Combien de fois s’est-elle demandé si son état s’améliorerait un jour, ou encore si son mal s’arrêterait tout court ?
Mais cette femme, je l’imagine aussi comme une femme d’âge mûr, qui serait interdite d’enlacer ses propres enfants et son époux. Une femme qui aurait été répudiée par ce dernier, parce qu’elle a cessé d’être la femme pure et en bonne santé qu’il avait épousée jadis.
Je la vois passer des heures à se tordre de douleur sur son lit, à rechercher des spécialistes, des docteurs toujours plus compétents que ceux qu’elle avait déjà consultés, ou encore à compter ses économies pièce par pièce, pour s’assurer qu’il lui reste encore de quoi payer ses consultations et ses prochains soins. Cette femme devait surement être issue d’un milieu privilégié, puisqu’à l’époque c’était un luxe et un signe de bien-être économique que d’avoir accès à des médecins.
Deuxième point : Cette femme n’a pas hésité à saisir l’opportunité offerte avec la venue du Jésus.
La vie que cette femme menait était une vie qu’elle n’avait pas choisie. Car oui, la maladie frappe un jour, et n’importe qui. La maladie et ses conséquences frappent sans crier gare. Malgré ce qu’elle endurait, elle s’est battue et a fait tout ce qui était en son pouvoir humainement, pour s’en sortir. Imaginez la force qu’il faut avoir, et l’endurance, pour tenir face un avenir incertain et qui ne change malheureusement pas.
Dans les autres textes de l’Evangile on constate même que son état s’est détérioré, et que pendant 12 années consécutives, elle n’a cessé de s’appuyer sur une seule et même stratégie qui s’avérera infructueuse au fil du temps : les médecins. Chaque échec des praticiens a dû lui faire l’effet d’une plaie ouverte, mais elle s’est accrochée et a tenu bon.
Cependant l’inévitable se produit : elle se retrouve sans le sou. Elle est ruinée. La voilà arrivée au bout du bout… D’ailleurs, en y réfléchissant : est-ce que les médecins étaient compétents ? Ne s’est-elle pas fait escroquer par des charlatans ? Concernant sa maladie et l’intimité de son mal, est-ce que les médecins ont posé un bon diagnostic sur son état, et, dans ce cas, pourquoi les traitements ? Pourquoi alors n’ont-ils pas marché ?
Autant de questions qu’elle a dû se poser… Il ne lui reste plus rien ! Sa vie semble scellée. Alors, comment continuer de vivre dans cet état ? Comment s’en sortir ? Comment continuer lorsqu’on a tout tenté pour s’en sortir ?
Le chiffre 12, dans son sens symbolique, traduit un chiffre plein : la totalité. Cette femme a tout essayé, elle a tout tenté… et rien. Ou plutôt : c’est encore pire qu’avant ! Combien de temps encore pourra-t-elle tenir ?
Toutes ces questions, et le jugement de la société, ont dû l’accabler durant ces années. Et pourtant, malgré tout cela, cette femme a continué à espérer – et un jour elle a « saisi sa chance », comme nous dirions aujourd’hui.
Oui, un jour, alors que Jésus passe dans sa région, dans son quartier, elle saisit l’opportunité d’aller à sa rencontre. C’est une opportunité différente des autres, mais une opportunité quand même ! Elle a entendu parler de Lui et sait qu’Il guérit les malades, bien qu’Il ne ressemble à aucun des docteurs qui l’ont examinée sans succès. Il a guéri des malades, certes, mais quelles maladies ? Celles qui ont les mêmes symptômes que la sienne ?
En tout cas, cette femme ne va pas s’arrêter à ces questions. Une lueur d’espoir se rallume en elle : est-ce que cette fois-ci serait la bonne ? Il faut dire que le tableau qu’elle a devant les yeux n’est pas très attirant : c’est tout bonnement un challenge pour elle, puisqu’il nécessite qu’elle s’affranchisse des obstacles et de la loi qui la met au ban de la société. Elle doit dépasser ses propres limites, et la coutume religieuse qui lui a été imposée durant toutes ces années : celle de se tenir à l’écart des autres.
Car la foule autour de Jésus est nombreuse et elle sait qu’elle ne pourra pas faire autrement que de toucher quelques personnes en se frayant un chemin jusqu’à Lui. Pire encore : il lui sera très difficile de Le rencontrer personnellement. Malgré cela, une pensée folle mais courageuse germe dans son esprit : « Si je puis seulement toucher Son vêtement, je serai guérie. » Cette pensée nous est révélée grâce aux versions de ce texte selon Matthieu et Marc.
Elle en est consciente, c’est une idée folle, beaucoup trop audacieuse, risquée même, si l’on considère le fait que quelqu’un pourrait la reconnaître et faire courir le bruit dans la foule qu’elle est au milieu d’eux. On pourrait l’humilier publiquement ou, pire, la lapider. Qui sait ?
Je l’imagine échafauder toutes sortes de scénarios pour les chasser ensuite, afin de se donner du courage ! Seuls sa conviction et son courage la portent, et le peu de force qu’il lui reste face à tout ce qu’elle a vécu, c’est d’aller vers cet homme, ce Jésus dont elle a entendu parler. La nouvelle de sa venue a mis en chemin cette femme et l’a poussée à braver tous les interdits, elle en est persuadée. Dans son esprit, rien de plus clair que sa détermination ! C’est décidé et il en sera ainsi : « J’irai, et je Le toucherai. Je m’avancerai par derrière, discrètement, tout doucement afin que personne ne me surprenne et je Le toucherai… Oui, je ferai ça. Il est mon seul espoir… »
Ainsi remplie de foi, elle se met en mouvement, c’est ce qu’elle fait ! Elle devient l’image même de la Lettre aux Hébreux 11, 1 : « Or la foi est une ferme assurance des choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit pas. »
Troisième point : Pour cette femme, c’est bien plus qu’un miracle qui advient ; elle devient un témoignage vivant pour nous.
Scénario improbable : cette femme arrive à ses fins ! Elle arrive à toucher le bas de la robe de Jésus… Elle sait bien qu’elle ne peut pas et ne doit pas toucher Jésus lui-même. Les pertes de sang rendaient la malade impure au regard de la loi juive : elle ne pouvait fréquenter personne, ni prétendre à une vie conjugale. Elle ne pouvait même plus se rendre au Temple, et pire encore, elle ne pouvait y prier. Elle était exclue de la vie religieuse, de la vie sociale, de la vie familiale…
Cette femme va être guérie instantanément au simple contact du vêtement de Jésus ! Rappelons-le, Jésus était en chemin pour aller au chevet d’une petite fille de 12 ans, et voilà qu’au milieu d’une foule qui le presse de toute part, il sent une force sortir de lui ! Il a senti qu’il se passait quelque chose malgré lui. Et de son côté, la femme s’est sentie guérie au même moment… comme si une partie de la force vitale de Jésus lui avait été arrachée pour être transfusée en elle. Cette force a redonné des forces à cette femme épuisée par la vie et la maladie. Cette force qui sort de Jésus va rejoindre cette femme et la guérir immédiatement.
Le scénario qui s’ensuit est étonnant : Jésus ne souhaite pas passer outre et continuer son chemin. Non ! Il s’arrête et demande qui l’a touché… en cherchant dans la foule, le ou la coupable. D’ailleurs, la réaction des disciples présents au côté de Jésus est tout à fait compréhensible : « Quoi ? Tu demandes qui t’a touché ? Avec toute cette foule autour de toi ? Sérieusement ? »
D’ailleurs, pour quelle raison Jésus veut-il identifier le ou la coupable ? Jésus affirme que quelqu’un l’a touché parce qu’une force est sortie de lui. Face à cette question, la femme est terrorisée, elle le sait, elle s’est comportée de manière inconvenante et elle doit désormais répondre de son acte. Cette femme anonyme et malade sort alors de sa cachette, et elle doit faire face non seulement à Jésus mais aussi à la foule.
Jésus pose cette question, non pas pour accuser ou accabler la femme tremblante et apeurée, mais il pose cette question pour entrer en dialogue avec elle. Il entre en dialogue avec une femme à qui on ne parle pas ou plus. Elle n’a pas laissé la peur la paralyser, mais elle s’est jetée au pieds de Jésus pour témoigner de ce qui l’a motivée à agir ainsi. Elle a raconté le pourquoi du comment, et surtout qu’à cet instant elle s’est sentie guérie, que la perte de sang qu’elle avait endurée depuis 12 longues années avait cessé au contact de Jésus !
Par ces mots, cette femme n’est plus une anonyme, mais un témoin de la guérison vécue. Elle est tremblante, mais elle est surtout reconnaissante de ce qui vient de lui arriver. Sa guérison n’est pas l’effet de la magie, elle a été guérie par Dieu au contact de Jésus ! Ce que l’on peut comprendre, c’est que Dieu est donné à cette femme par l’action même qui lui avait été interdite pendant 12 ans : celle de toucher les gens. En effet, alors que la loi lui défendait d’approcher les gens, la grâce de Dieu, manifestée en Jésus-Christ, lui a permis non seulement d’approcher le Messie et de Le toucher, mais aussi d’être guérie à Son contact.
Si la maladie de cette femme lui a valu une mise à l’écart, c’est le dialogue avec Jésus qui va la réinsérer dans la société. Par sa parole, Jésus souhaite redonner à cette femme son identité et lui permettre de récupérer sa réputation. Jésus va lui rendre son humanité et son honneur, sa dignité de femme – et son témoignage va décoller l’étiquette «impure» de son front. Son témoignage devient dès lors un message universel : une foi audacieuse va au-devant des obstacles et les renverse jusqu’à atteindre le but fixé !
Désormais, dans le monde entier, cette femme ne sera plus vue comme une femme impure, mais comme celle qui s’est glissée dans l’agenda de Dieu et qui, par sa foi audacieuse, a obtenu le miracle qu’elle attendait tant.
Quel message pour nous aujourd’hui ?
La femme à la perte de sang est une histoire à laquelle chacun d’entre nous pourrait s’identifier. Il nous est, à toutes et à tous, arrivés de mettre en œuvre toutes sortes de stratagèmes afin de voir l’accomplissement de ce pour quoi nous avons prié depuis très longtemps, sans succès.
Il nous est, à toutes et à tous, arrivés de devoir subir les regards, les questionnements, le rejet et parfois la moquerie des autres quant à notre attente qui perdure année après année.
Nous avons tous hésité, à un moment ou à un autre, à faire un pas de foi vers l’inconnu, trop intimidés par les obstacles qui nous entouraient, ou encore trop effrayés à l’idée d’être déçus pour la énième fois.
Cette histoire nous révèle donc trois choses importantes :
- Le temps qui passe et les échecs à répétition ne choquent pas Dieu. Il est le maître des temps et des circonstances et peut changer une situation en une fraction de seconde ou non. Mais il nous garde tout le long de notre chemin.
- Le regard que portent les gens sur nos situations diverses, et leur rejet, peuvent parfois nous dérouter, mais ils ne doivent en aucun cas nous limiter ou nous empêcher de poser les actes de foi que Dieu nous demande de poser dans cette saison d’attente. Celui qui est appelé à avoir la foi, ce n’est pas cet ami, le pasteur ou ce membre de la famille qui doute que notre situation changera un jour, mais nous-mêmes ! Nous sommes appelés à être l’acteur ou l’actrice principale de notre propre vie avec Jésus !
- Dieu peut et va utiliser ce qui causait notre honte et notre humiliation et le transformer en témoignage vivant. Car au-delà du seul miracle, Dieu veut parfois faire de notre vie une sorte de panneau publicitaire à la gloire de Son nom, pour encourager celles et ceux qui nous entourent.
Soyons donc encouragés, et croyons que Dieu viendra nous surprendre au cœur de l’attente ! Il ne nous abandonne pas, même lorsque les situations semblent crier le contraire !
Cette guérison, même dans l’intimité et le secret, ne reste pas cachée. Elle doit être déclarée publiquement et cela, dans le but d’encourager les gens autour de vous !
« Ne crains pas mais crois seulement ! »
Amen.