Dur, ce maître qui rejette ainsi son serviteur à la rue, dans la misère et le néant. L’image des ténèbres du dehors où sont les pleurs et les grincements de dents, ne laisse planer aucun doute, cet homme est perdu ! Pourquoi tant de dureté pour une faute somme toute, modeste. Ce serviteur n’a rien volé. N’a-t-il pas raison finalement de dire que son maître est un homme impossible et sans pitié ? Cela, c’est l’image que le serviteur se fait, lui-même, de son maître et que Jésus révèle, par la fin tragique de la parabole. Quand on développe une telle image d’un maître et a fortiori de Dieu, la situation est grave. On s’enfonce dans la peur et la paralysie, il n’y a plus rien à espérer.
La fin dramatique de notre histoire n’est en fait que la mise à jour d’une réalité que Jésus tente de changer : la peur de Dieu ; la croyance que Dieu épie nos fautes, à l’affût de nos erreurs pour nous en faire payer le prix. Combien pensent aujourd’hui encore qu’une catastrophe est le résultat d’une punition divine ? Une telle conception des choses engendre la peur, la peur de faire mal, peur de se tromper, peur de choisir, peur de se risquer.
Je me souviens toujours de la visite dans mon bureau d’une jeune femme incapable de dire oui à une relation amoureuse, parce qu’elle n’avait pas reçu de confirmation, de signe de Dieu, attestant que ce choix serait le bon. Elle avait trop peur de mal faire, elle avait trop pur de contrarier Dieu. Alors, incapable de choisir, elle a enterré sa vie son talent, son avenir.
Terrible ! la peur de déplaire à Dieu. Elle est pourtant tellement enracinée dans le subconscient humain. Jésus alors, n’y va pas par quatre chemins : « Si vous ne changez pas de vision et d’image de Dieu, vous périrez de la même manière », a-t-il dit à ceux qui pensaient que la mort des passants tués par la chute de la tour de Siloé, était due à leur péché. Si vous ne chassez pas de votre esprit l’idée que Dieu puisse être pour quelque chose dans les catastrophes du monde, alors il n’y a pour vous aucun avenir.
La sentence de Jésus, comme la fin de notre parabole n’est pas une annonce de ce qui va se passer, mais une mise en garde : voilà ce qui va se produire si vous ne vous débarrassez pas de vos images destructrices et fausses de Dieu. Dieu n’est que pardon ; il vous donne le droit à l’erreur. L’important c’est de risquer les talents que Dieu vous donne. Le pire étant de les cacher.
Par cette parobole des talents, Jésus nous dit en quelque sorte : prenez le risque d’aimer, prenez le risque de dire une parole personnelle qui vous révèle et qui, c’est vrai, sera peut-être sera mal reçue ou mal comprise. Prenez le risque de partager vos dons musicaux ou artistiques, prenez le risque de rater, de ne pas être parfait. Ne comprenez-vous pas que Dieu vous aime et qu’il sera toujours là pour vous relever ! « Dieu est un Dieu compatissant et bienveillant, patient et d’une immense bonté, qui ne fait pas constamment de reproches » (Ps.103, 8-9) Il n’est pas notre belle mère ! (La plupart des belles-mères sont d’ailleurs tout à fait délicieuses !)
Dieu est sans limites dans son amour. Prenez le risque de croire que quoi que vous fassiez, Dieu sera toujours de votre côté, si vous avez cherché à lui plaire. Prenez le risque de dire comme le psalmiste : «Oui, Dieu me comble de tendresse et de bonté, il met entre mes erreurs et moi, autant de distance qu’entre l’orient et l’occident. Le Seigneur m’aime comme un père aime ses enfants, depuis toujours et pour toujours.» (Ps. 103, 11-12).
Amen !