Avec Jonas, la fuite ou la foi?

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Jonas met les voiles! Dans la vie, certains affrontent, d’autres fuient. J’ai un ami à qui l’on vient de découvrir et d’annoncer une tumeur. J’ai partagé avec lui le premier choc du diagnostic, et les perspectives d’une grosse chimiothérapie. « Commencez les séances dès que possible ! » a dit le médecin. Une fois la claque encaissée, j’ai vu l’homme serrer les poings et dire : « Faut y aller, on va se battre… Ça ne sert à rien de fuir la réalité ! »
« Fuir la réalité ». Ce sont les mots qui m’ont branché sur le personnage de Jonas. Oh ! lui, ce n’est pas un verdict cancéreux qui le terrasse, mais un appel de Dieu qu’il ne saisit pas. Jonas va donc dire non. Il ne fait pas comme s’il n’avait pas entendu, mais il va fuir en prenant le premier bateau venu. Et parce que Dieu nous laisse merveilleusement libre, « il décide » de s’en aller voguer dans ses eaux à lui. Dieu appelle, mais ne force aucun de nous.
Amis qui m’écoutez, tant de chemins s’offrent à notre liberté, chemin d’acceptation ou de révolte face à la maladie, chemin de pardon ou de haine face à l’autre, chemins qui finissent dans les pleurs. Il y a nos chemins et le chemin de Dieu: les uns restent parallèles sans jamais se rejoindre, d’autres se croisent un jour. La foi peut naître à l’instant où mon chemin d’homme croise celui de Dieu. Alors, ou on prend la foi, ou on prend la fuite, comme Jonas en l’occurrence.

Mais direz-vous, l’histoire de ce « petit prophète » est-elle sérieuse ? Et pourquoi pas ? D’abord Jésus s’y réfère le plus sérieusement du monde dans l’Évangile (Mat.12, 40); ensuite, le sens de ce récit est aussi profond que l’océan. Et le coup du poisson, ça ne vous dérange pas un peu ? Pas vraiment : le Créateur fait bien vivre un enfant 9 mois dans le ventre d’une femme, ne serait-il pas capable de faire survivre Jonas 3 jours dans le ventre d’un cachalot ?
Voilà donc cet homme qui fuit, le plus loin possible de Dieu. Il me fait penser à tous ceux qui ne veulent rien savoir d’autre que leur indépendance, à tous nos contemporains qui fuient, dans le travail, dans l’alcool, les plaisirs ou la violence. On peut même fuir dans le monde virtuel, ou encore dans l’indifférence spirituelle.
- Pardon, M’sieur Dame, la parole de Dieu, un petit culte, ça pourrait vous intéresser ? Euh ! oui, mais excusez-nous, on part en week-end !
- Et un engagement dans l’église? Bof ! ça nous rapporterait quoi ?
Mes amis, quels que soient le ton et les alibis, cela s’appelle toujours la fuite. « Jonas descend à Jaffa, trouve un bateau, et embarque. »

Sur ce bateau, Jonas est « cool » : il n’est ni resquilleur, ni passager clandestin, il a la paix et si quelqu’un était venu l’aviser en lui disant : Es-tu à ta place ici ? Es-tu en règle ? Il aurait sûrement donné le change : « Attendez que je cherche : ticket de baptême, carte d’électeur, certificat de premiers secours, de bonnes mœurs... Oui, j’ai tout ça !
Au fond, ce Jonas est « en règle avec sa conscience », comme on dit. Que peut-on lui reprocher ? Rien, sinon de se tromper de sens à sa vie. En tournant le dos à Dieu, en voulant faire à son idée, il est, comme beaucoup, magnifiquement sincère, mais « mal embarqué » !
D’ailleurs, il n’est pas si bien que cela, Jonas, puisqu’il est descendu « à fond de cale » pour dormir et qu’il dort pour oublier. D’autres, ce matin, seraient-ils à fond de cale aussi ? Pour diverses raisons ? Qu’ils sachent que l’histoire est loin de s’arrêter là.
Car le Seigneur que je prêche est celui qui nous laisse libre, mais il est aussi celui qui nous cherche, parce qu’il a un bon plan pour les Jonas de tous les temps. Et je le dis souvent aux jeunes : on est libre d’aller où on veut, mais quand on préfère le chant des sirènes à la volonté de Dieu, on se retrouve souvent dans la tempête, et parfois très mal. De même, avoir sa conscience pour soi ne nous garantit pas d’être à la bonne place, ni d’être attendu au bout du voyage!

Précisément, la tempête s’est levée et fait rage, la mer écume. Que font alors tous ces marins chevronnés ? Ça vous surprend ? Ils se mettent à prier, parce qu’ils se sentent mal. Eh ! oui, les matelots déploient leur ferveur religieuse, alors que Jonas est dans une totale indifférence ! Le seul sur ce bateau qui puisse valablement prier le Dieu vivant –parce qu’il le connaît – dort. Et on lit ceci: « parce qu’ils avaient très peur, chacun appelle son propre dieu à grands cris. »
Vous voyez ça ? Pour ne pas y laisser leur peau, ils tentent tous quelque chose: avec leurs vagues souvenirs spirituels, ils lancent leur fusée de détresse vers le ciel, en renouant avec leur croyance : « Dieu, si tu existes, c’est le moment, tire-nous de là ! » Rien n’y fait. Alors ils essaient avec leurs propres forces : « Puis ils jetèrent la cargaison à la mer pour alléger le bateau. » Mais la technique échoue. Finalement, ils tentent un « coup de poker », s’en remettant au hasard du tirage au sort pour connaître le fauteur de trouble.

Et la « courte paille » désigne Jonas. Urgent de le réveiller celui-ci ! « Allez, l’endormi, lève-toi et appelle ton Dieu ! » « Fais ta part aussi, sors de ta torpeur ! » Un jour, à la suite d’un sermon, un jeune homme m’a téléphoné pour me reprocher : « Après votre appel au culte, mon amie a mal dormi, vous l’avez troublée ! »
Chers auditeurs, quand il s’agit de vie ou de mort, croyez-vous qu’il vaut mieux laisser les gens dormir à poings fermés ou leur parler de sauvetage ? Dieu nous cherche, je l’ai dit : la preuve, il envoie le pilote secouer Jonas, comme il a envoyé son Fils nous interpeller : « Veillez et priez, car je reviens bientôt. » Allons-nous entendre cet appel ?
Jonas ne peut plus se cacher : c’est bien lui le passager de malheur. On le questionne, il finit par craquer : « Oui, je suis hébreu, j’adore le Dieu du ciel qui a fait la mer et les continents. Oui, tout ce qui arrive est de ma faute ! » Quelle franchise ! Il ne cherche pas d’excuse. Vous savez ? Cette confession simple, véridique, quand elle vient, elle touche à fond le cœur de Dieu : c’est le déclic. Mais curieusement, cet aveu qui sauve le bateau va tout d’abord perdre Jonas !

En effet, les marins « prirent Jonas et le jetèrent par-dessus bord. » Plouf ! Un homme à la mer. « Et la tempête cessa ! » Quelqu’un demandait en souriant si Jonas savait nager ou s’il était un triathlète complet. Mais, en fait, c’est un faux problème, car dans ces creux et ces vagues, il n’a aucune chance de s’en tirer tout seul. Nous non plus d’ailleurs.
Mais voici qu’au moment où notre homme va toucher le fond, coup de théâtre : « Le Seigneur envoie un grand poisson qui avale Jonas. » Eh ! oui, mes amis, il faut croire que Dieu peut aussi bien fermer la gueule des lions qu’ouvrir celle des poissons!
Et comme Dieu n’est pas sadique, vous voyez, ce n’est pas un requin mangeur d’hommes qui avale Jonas, mais un gros poisson sympa. En somme, au moment où l’homme reconnaît qu’il n’arrive nulle part tout seul, Dieu dit : « C’est assez ! » Un cétacé, qui sauve Jonas !
On peut bien rire, n’empêche que dans mon ministère, j’ai vu cela plus d’une fois quand quelqu’un plonge dans les eaux de la repentance: au moment où tu capitules, Dieu te prend par la main.

Le miracle, c’est qu’il en soit sorti sain et sauf 72h. plus tard. Mais Dieu a bien ressorti Jésus vivant de sa tombe après 3 jours ! J’en connais même à qui le Seigneur a redonné vie après 25 ou 40 ans dans le noir. Et si tout est sombre pour vous aussi quelque part, laissez-vous convaincre que le Dieu de Jonas peut redonner chance et vie à ceux et celles qui croient en lui. Non pas à ceux qui essaient de surnager par eux-mêmes, mais à ceux qui se laissent couler dans les bras d’un Dieu d’amour. « On peut tout affronter quand on se sait aimé », disait Paul Tournier.

Enfin, au fond de son poisson, Jonas lance une prière : « Au moment où la vie me quittait, j’ai pensé à toi, Seigneur. » C’est bien tard ! Mais c’est parfois dans ces circonstances qui nous ont jeté par-dessus bord – hospitalisation, maladie, chômage, divorce, deuil – que ça vient. Et c’est l’occasion d’arrêter de fuir, l’occasion de revenir « plus près de toi, mon Dieu ». Et si c’était l’heure pour toi aujourd’hui ?
Oh ! combien je souhaite qu’elle vous touche, l’histoire de cet homme qui avait pris ses distances, mais qui se fait rattraper ! On est tous rattrapé par quelque chose un jour: ne voudriez-vous pas que ce soit par le Dieu qui redonne vie plutôt que par les vagues de la mort ?
« Et le Seigneur parla au poisson qui vomit Jonas sur la terre. » Chers amis, je ne sais si le cachalot s’est senti mieux après, mais ce qui est sûr, c’est que Jonas a revu le jour, qu’il s’est mis debout, sur sa nouvelle plage, à chanter "O happy Day" peut-être. Il pourrait faire des émules. Aussi, n’attendez pas d’être dans la gueule du loup – fut-il de mer – pour faire ce choix: croire plutôt que fuir. Alors Dieu vous portera vous aussi, là où vous en êtes, sur l’écume des jours.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Michel Bignens
Musique
Batterie, Guy Paquier; Fanfare "l'Amitié" des Monts-de-Corsier, sous la dir. de Gilbert Borloz