Liberté, égalité, fraternité... durabilité (2/4)

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« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits.» C’est ainsi que commence la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Cette déclaration est essentielle ; elle pose les principes de la démocratie où tous les citoyens ont, devant la loi, les mêmes droits et devoirs.
Égalité, égalité, oui, mais « il y en a qui sont plus égaux que d’autres ! » s’exclament certains. En effet, à observer la société, on se rend vite compte que les différences entre les humains sont grandes : différences de compétences, de dons, de privilèges, de formation, de salaires, de santé, de moyens matériels. Différences criantes au point que l’égalité semble ne rester qu’un beau concept, une douce utopie, une sorte de une tromperie.
Et puis, nous le savons, l’histoire humaine est profondément marquée par la discrimination. La prétention à se croire supérieurs aux autres, a entraîné des asservissements odieux et des guerres effroyables ! et cela continue !
[Le nazisme, l’antisémitisme, l’apartheid en Afrique du Sud, le système des castes en Inde, les massacres au Cambodge et au Rwanda ont leur origine dans le refus de l’autre différent, dans la prétention à être supérieur.]
Les chants que nous entendons ce matin, chants pleins de confiance et d’espérance, nous rappellent néanmoins le scandale de l’esclavage du peuple noir américain d’origine africaine ; peuple d’esclaves en pays chrétien ! Ils nous rappellent sa lutte pour ses droits et sa dignité, lutte qu’a incarnée le pasteur Martin Luther King. Ces chants redisent la foi au Dieu qui ne fait pas de différence dans son amour.

La déclaration de l’apôtre Paul : Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ ! est une parole révolutionnaire, mais qui a été trop souvent oubliée, trahie dans le christianisme.
L’apôtre Paul affirmait cette parole dans un contexte de discrimination, dans une société où régnait l’esclavage, dans une société où les maîtres, les philosophes manifestaient un sentiment de supériorité démesuré. L’affirmation de l’apôtre était donc une véritable secousse qui a certes produit des effets considérables dans la société antique, mais on le sait, ce combat pour l’égalité n’est jamais gagné. Nous devons continuer à le mener.
Toutes les 30 secondes, un enfant meurt de faim, nous rappelle la campagne de l’EPER de ce mois. Le scandale de la faim est une discrimination inacceptable dans un monde où les ressources sont suffisantes pour nourrir tous les humains. Car ce ne sont pas les ressources qui font défaut, mais le partage et la justice. Et que dire des 850’000 personnes qui dans la riche Suisse riche vivent dans la pauvreté ?

Alors, ma première question est celle-ci : où se loge donc la racine de l’inégalité, de la discrimination ? Et la deuxième : comment y remédier, comment en sortir ? Le texte de l’Évangile que nous venons de lire nous permet d’apporter des réponses.
Jésus annonce très clairement son destin à ses disciples: il va être mis à mort par les pouvoirs en place. En effet, il est conscient que sa façon de rencontrer les hommes et les femmes de son temps, sans discrimination, ni jugement, sa manière de donner dignité et pardon à tout être humain, quelle que soit sa classe, sa façon de mettre l’humain, même le plus paumé, au centre du regard d’amour de Dieu, cette attitude-là allait engendrer une réaction de violence à son égard.
C’est pourquoi il annonce qu’il va être tué par ceux qui tiennent à montrer leur supériorité et à conserver leurs privilèges. Et voilà que juste après cette annonce, Jésus surprend ses disciples dans une discussion assez curieuse : ils se querellent pour savoir qui est le plus grand parmi eux ? Humains, très humains ces disciples !

Le besoin de se sentir exister va souvent puiser dans le sentiment d’être supérieur, d’être plus fort, d’être meilleur, d’avoir plus que les autres, quitte à les utiliser, à les dénigrer, à les rabaisser. Réflexe constant, qui fait partie de nous. Notre regard est si facilement rempli de préjugés, voire de mépris, pour se donner une importance. Nous avons tous besoin de reconnaissance. Un enfant ne peut grandir sans être encouragé, valorisé, reconnu dans ce qu’il fait, félicité quand il réussit, encouragé quand il échoue.
Aussi est-il vrai que le manque de reconnaissance est déstabilisant, et nous conduit à mettre en évidence les défauts des autres, en les dénigrant ou bien en cherchant à nous imposer de toutes sortes de manières, par la gloire, le succès, l’exploit et de biens d’autres façons encore. C’est bien dans cette attitude que se loge la discrimination, voire le racisme.
Et que répond Jésus en constatant la querelle de ses disciples qui cherche à savoir qui est le plus grand parmi eux ? Il leur dit « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Pour être renversant, c’est totalement renversant !
Serait-ce que Jésus veuille faire de nous des gens qui se mettent à plat ventre, qui se dénigrent eux-mêmes ? « Je suis nul », entend-on parfois ! Malheureusement, le message chrétien a parfois été compris de cette façon, manière paradoxale, mais vaine de chercher une reconnaissance. Au contraire, le Christ a redonné à tous ceux et celles qu’il a rencontrés estime de soi et dignité.

« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous.» Je ne peux me mettre en dernier que si je découvre que je suis aimé de Dieu, comme son enfant. Je ne peux me faire le serviteur de tous, que si je me sais reconnu au plus profond de mon être par l’amour que Dieu me porte. Je peux me mettre au service de l’autre gratuitement parce que je découvre en Jésus que je suis pardonné et libéré de ma vanité.
Le Patriarche orthodoxe Athénagoras s’exprime ainsi: « Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur. Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. J’accueille et je partage. » Dans cette perspective, l’égalité est bien plus qu’un concept, une grande idée qui masque la réalité des différences et des injustices.
Pour la foi chrétienne, l’égalité procède de l’amour. Lorsque Paul dit : « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ ! », cela signifie qu’il n’y a plus besoin de qualification pour se faire valoir devant Dieu. Reconnu, aimé, accepté tel que je suis, je suis dans le regard de l’amour « égalitaire » de Dieu. L’égalité entre humains passe par l’accueil de cet amour, et en conséquence par l’accueil de l’autre aimé de la même manière.

La liberté et l’égalité des humains passe par l’accueil et l’amour inconditionnels de Dieu. « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
Jésus illustre son enseignement par un geste : il prend un enfant, le place au milieu d’eux et après l’avoir embrassé, leur dit : « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même, et qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé. » Un enfant est aimé, du simple fait qu’il est notre enfant. Il n’a rien à prouver pour être aimé.
De plus, l’enfant par définition a tout à apprendre de l’adulte. Parents et éducateurs, nous avons donc autorité sur les enfants, nous leur sommes en quelque sorte supérieurs! Or ici, Jésus nous invite à accueillir l’enfant, à le mettre au centre de notre considération, pas pour en faire un petit roi despotique, non. Celui sur qui j’ai autorité, dont je suis responsable, est premier et moi, je suis dernier, c’est-à-dire que je renonce à la prise de pouvoir et me met au service de l’enfant, au service d’un projet qui lui permet de grandir, de découvrir ses dons, la valeur unique de sa personne. C’est pourquoi nous pouvons ainsi nous réjouir pour tout ce qui est fait en faveur des enfants, de bienveillance, d’aide, de dévouement.
Accueillir l’enfant, ce peut être aussi accueillir l’enfant qui est en soi, l’enfant blessé, mal-aimé, que nous avons peut-être été, pour qu’enfin, au nom du Christ, il soit aimé. L’égalité dans la foi ne consiste pas en un nivellement, mais en l’accueil de l’autre différent, avec la richesse de sa personne et de ses dons. C’est ainsi que l’apôtre Paul dit : vous avez tous des dons, alors mettez-les au service les uns des autres. Et dans cette perspective, il ajoute cette parole étonnante, que j’aime beaucoup : « rivalisez… d’estime réciproque ». Jésus dit : « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même, et qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé. »
À Noël, Dieu s’est fait petit enfant. Saurons-nous l’accueillir, pour le faire grandir en nous ? Dans ces belles fêtes de famille, saurons-nous nous accueillir avec ce regard d’amitié et d’amour ? Saurons-nous accueillir les jeunes qui viendront de toute l’Europe pour un pèlerinage de paix et de confiance à Genève et dans toute la région lémanique ?

Amen !

D’après une prière trouvée dans une église du chemin de St-Jacques :

Tu es né pour la route.
Marche, Tu as rendez-vous.
Où ? Avec qui ?
Tu ne sais pas encore, Avec toi peut-être.

Marche, Tes pas seront tes mots
Le chemin, ta chanson
La fatigue, ta prière
Et ton silence, enfin
Te parlera.

Marche, Seul parfois, avec d’autres souvent
Mais sors de chez toi.
Tu te fabriquais des rivaux, tu trouveras des compagnons.
Tu te voyais des ennemis, tu te feras des frères et des sœurs.
Marche, ta tête ne sait pas où tes pieds conduisent ton cœur.

Marche, tu es né pour la route
Celle d’un pèlerinage de confiance.
Un autre marche vers toi et te cherche.
Pour que tu puisses le trouver

Au creux de tes questions et de tes doutes
Il est ta paix, Il est ta joie
Va, déjà, Dieu marche avec toi.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Michel Bersot (piano)
Musique
The Singing Friends, direction Claude Delabays