Où il est question de grâce accordée

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Chers amis, frères et sœurs dans le Christ et vous amis du bout des ondes, en 1950 un spécialiste américain sur les vols humains dans l’espace donnait une conférence. Dans son exposé il affirmait : « En pensant aux missions de vol qui l’attendent, l’homme est, au point de vue biologique, une construction ratée.» Le conférencier voulait dire : le corps humain avec son système cardiovasculaire délicat et son système nerveux encore plus sensible, n’est pas à la hauteur des possibilités que l’intelligence humaine a découvertes.
Dit autrement : « ce que le Créateur nous a donné est surpassé par ce que l’homme peut apporter ».
Pour parler comme les financiers et les économistes : « L’homme a injecté un capital plus important que Dieu dans l’entreprise « création » ; l’homme est majoritaire dans le capital-action. » Il est donc sous-entendu que Dieu n’a plus rien à dire et peut passer dans « les oubliettes de l’Histoire ». Effectivement, depuis « les années 60 », notre monde occidental a vécu comme si tout était possible. Nous y avons mis toute notre volonté, étant convaincus que tout dépendait de nous.
Quand j’écoute Jésus raconter l’histoire du paysan sorti pour semer, je l’entends nous dire que, au contraire, l’essentiel ne dépend pas des hommes. Les hommes donnent l’impression de vouloir retourner la planète pour son bien et pour son mal. Pourtant, la Parole de Dieu ne disparaît pas ; mieux, le Plan éternel s’accomplit petit à petit. Dans ce « champ de bataille » que sont le monde et le cœur humain, Dieu sait ce qu’il veut faire et fait ce qu’il sait.

Si je tiens compte de cette histoire du paysan qui ensemence son champ et va se coucher, il se pourrait que je doive au jour du Jugement dernier, et même aujourd’hui à l’heure où l’été commence, tirer la conclusion suivante : lorsque j’étais devant la tombe d’un être cher, je croyais que tout était fini. Je tremblais sur mes bases lorsque la crise financière et économique de 2008-09 sévissait. Lorsqu’une maladie sérieuse m’avait atteint, je croyais que la vie n’avait pas de sens, etc. Dans ces cas, si j’avais soupçonné que Dieu faisait avancer son Plan, alors j’aurais pu être consolé. J’aurais vécu peut-être durement mais avec confiance.
Alors je vous le demande : les hommes ont-ils raison ? Ou bien est-ce le semeur qui va se coucher après avoir fait son travail ? Comment savoir ? Si nous regardions comment Jésus a vécu. Il voit mieux que tout autre les hypocrisies, les injustices, les violences, les souffrances physiques et morales des malades, la peur des mourants, la démoralisation des chômeurs, le désespoir invisible des gens riches. Il est touché par toutes ces souffrances. Il voit qu’il y a énormément à dire et à faire. Tout cela peut remplir toutes ses heures et devrait même lui ôter le sommeil. Il devrait se dépenser à prononcer des paroles de condamnation par-ci et de consolation par-là ; à faire des miracles de guérison. Voilà ce qui serait raisonnable à vue humaine : organiser à grande échelle la lutte contre tous ces maux.

Mais Jésus agit tout autrement. Il perd son temps à causer auprès d’un puits avec une Samaritaine qui mène une drôle de vie. Il perd son temps à bavarder avec Nicodème, un conseiller municipal de Jérusalem, au sujet d’un thème bizarre : « naître de nouveau ». Il se fait inviter par Zachée, un fonctionnaire malhonnête. Il n’organise pas de rencontres de masses. Quand une foule l’entoure, il ne l’a pas voulu ; ce sont les gens qui «lui ont couru après ». Et surtout que ces gens ne s’avisent pas de lui demander un miracle ; il y a bien des chances pour que Jésus refuse. Par contre, il parle de Dieu et du Royaume des cieux. Il le fait de telle sorte que chacun se sente concerné ; lui-même en premier.
Pourquoi Jésus vit-il ainsi ? Parce qu’il a une conviction : l’Esprit de Dieu va faire germer la Parole dans le cœur de l’homme auquel il s’adresse. L’homme touché par cette Parole fera dans ce monde ce qui est en son pouvoir. Il en est un qui devait avoir compris l’histoire de Jésus: c’est Martin Luther. En effet, il a dit un jour : « Pendant que je bois mon pot de bière, l’Evangile progresse. » S’il faut parfois dire du mal de l’alcool, ici on peut en dire beaucoup de bien. Cette phrase du réformateur allemand nous rappelle qu’on ne peut convertir un être humain. Ce dernier prend la vie « autrement » seulement si Dieu l’influence au moyen de Sa Parole. C’est pourquoi Luther, une fois son travail fait, peut « descendre de la chaire » et aller « boire un pot ». Le reste est produit par Dieu ; le prédicateur doit faire confiance.
Tu me diras peut-être : « Tout cela est bien vrai. Mais comment faire pour que je ne m’inquiète plus pour un tas de choses ? Car je n’ai, jusqu’à maintenant, trouvé qu’un moyen de me débarrasser de mon souci ; c’est d’agir et de m’agiter dans ce qui provoque mon souci. Comment arriverais-je à prendre de la distance comme le faisaient Jésus et Martin ? »

Voyez-vous, il y a des choses de la vie qu’il ne suffit pas de comprendre. Il faut s’y entraîner. Prenons un exemple : je peux avoir compris comment Félix Mendelssohn a construit une de ses sonates pour orgues. Je peux même avoir compris quelle pensée et quel sentiment religieux ont inspiré Mendelssohn lorsqu’il a composé cette musique. Pourtant, cela ne suffit pas pour que je puisse jouer cette œuvre. Il faut que je l’exerce. Il en va de même de la graine qui germe sans que le semeur y soit pour quelque chose. Je peux avoir compris dans ma tête la parabole de Jésus ; pourtant je suis incapable de faire germer la graine de Dieu dans mon cœur. C’est Dieu qui doit la faire germer. Cela, je dois en être conscient.
En hésitant, je risque le conseil que voici : après une journée de travail, quel qu’il soit, résiste à la tentation de recommencer une activité. Laisse également de côté télévision, radio, journal, internet, etc. Installe-toi où il te plaît, respire un bon coup et dit : « Honneur et gloire soit au Père, au Fils et au Saint-Esprit ». Ce n’est pas le moment que je t’explique cette phrase. Mais laisse-la résonner en toi comme un écho. L’explication viendra petit à petit.

En ce moment, je me dis que j’aurais dû réfléchir avant d’accepter de prêcher à partir de cette histoire de Jésus. En effet, j’aurais dû sentir que tu allais en venir à cette question : comment ne plus s’inquiéter pour tant de choses ? Alors je terminerai ainsi : je t’ai donné un conseil ; ne le néglige pas totalement. Mais, vois-tu, il n’existe pas de solution garantie. Et surtout : « ne pas se faire de souci » ne dépend pas de toi. C’est une grâce qui t’est accordée, voilà ma conviction.

Amen !

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Détails

Avec la participation de
Liturgie préparée par : Jean-Marc Schmid et Erich Brunner
Orgue
Fabien Amacher
Musique
Choeur de Bévilard, direction Anne-Marie Heiniger