S’ouvrir au Souffle divin

image

Je voudrais bénir Dieu ce matin, dire tout le bien que je pense du Dieu que Jésus-Christ nous a fait connaître, le Dieu de tous les amoureux ! Car Dieu peut, par Son Esprit, par son Souffle créateur, débloquer en nous une capacité d’aimer qui n’en finit jamais.
Les protestants n’ont pas l’habitude de fêter les Saints, mais en ce dimanche de la Saint-Valentin, je n’ai pas pu résister au plaisir de reprendre l’extrait du Cantique des Cantiques que vous venez d’entendre et qu’un couple d’amoureux avait choisi de lire le jour de leur mariage.
Ces amoureux étaient de deux cultures différentes et l’homme qui avait le texte de la Bible dans sa langue maternelle s’était bien amusé à l’idée de comparer les seins de sa compagne à deux antilopes qui broutaient dans un champ de lys. Et du temps où j’allais au caté, dans mes Pyrénées natales, le pasteur avait essayé de nous faire lire ce fameux livre de la littérature érotique de la Bible. À nous les ados d’alors, comparer la chevelure de la bien-aimée à un troupeau de chèvres avec ses dents pareilles à des brebis tondues, ça nous faisait pouffer de rire.
Nous n’avions encore ni rencontré le grand amour ni aucune sensibilité pour cette façon de dire son amour à quelqu’un. Un qui ne savait pas apprécier non plus ce poème vieux de 23 ou peut-être même de 25 siècles, c’était Voltaire. Il a écrit dans son fameux dictionnaire philosophique (Article “Salomon”): «ce cantique […] est le seul livre d’amour qui nous soit resté des Hébreux. Il est vrai que c’est une rhapsodie inepte (= suite absurde de morceaux épiques) mais il y a beaucoup de volupté. Il n’y est question que de baisers sur la bouche, de tétons qui valent mieux que le vin, de joues qui sont de la couleur des tourterelles […] le style est […] sans liaison, sans suite, plein de répétitions, confus ridiculement métaphorique; mais il y a des endroits qui respirent la naïveté et l’amour.» –
Voltaire, lui, ne voyait en Dieu qu’un grand horloger et non le Dieu dont la Bible révèle qu’Il cherche, par tous les moyens, à entrer en relation avec nous. Voltaire n’était donc apparemment ni sensible à ce langage d’amour humain, ni au fait que Dieu pouvait aussi par son Esprit, nous parler d’amour – de manière symbolique – à travers le Cantique des Cantiques.

Ce poème anonyme de la Bible est appelé le Cantique des Cantiques, car pour ceux qui comprennent l’hébreu, c’est le Cantique par excellence, le plus beau de tous les chants. Il célèbre l’amour du roi Salomon et de sa bien-aimée, la Sulamite, qui se cherchent et se perdent de vue, qui se quittent pour mieux se retrouver et chanter chacun son tour ou à deux voix.
Les juifs lisent depuis toujours le Cantique comme un texte sacré où l’amour des deux amants représente d’une part l’amour de Dieu pour le peuple qu’il s’est choisi et d’autre part, l’amour d’Israël pour son Dieu. Beaucoup de commentaires chrétiens, par simple transposition de la lecture juive, ont compris cette allégorie comme celle des noces du Christ et de l’Église.
[voir : Du roi Salomon à Umberto Eco, Le Cantique des cantiques, anthologie, Anne Mars, Cerf: Paris, 2003, p.9]

Mais moi, ce matin, je relis ce texte avec ma sensibilité de femme d’aujourd’hui ; je relis ces paroles comme une femme qui se laisse encore surprendre par le même homme qui partage sa vie depuis bientôt 37 ans. Quand nous étions au tout début de notre aventure commune nous avions lu le livre de Théodore Bovet théologien zurichois et psychothérapeute: «Le mariage, ce grand mystère». Et il faut le reconnaître avec beaucoup d’humilité : dans un couple, quand ça marche et qu’on reste amoureux si longtemps, c’est un vrai Grand Mystère divin !
Notre langage d’amour n’est pas celui de Salomon [le pacifique], ni celui de la Sulamite [la pacifiée]. Mon mari, j’aimerais bien qu’il me dise une fois : Ton regard posé sur moi me fait plus d’effet que mon écran d’ordinateur. Ou J’apprécie tes caresses plus encore qu’un coca bien frais…! Mais, mon mari, lui, ne me parle pas comme ça, il a d’autres manières d’exprimer son amour.

Gary Chapman, dans son livre «Les Cinq langages de l’amour» parle de cinq façons différentes d’exprimer son amour à quelqu’un dont on est amoureux.
1er langage : les paroles valorisantes, affectueuses :
2e langage : les cadeaux bien choisis, donnés au bon moment ;
3e langage : le toucher physique : prendre la main de l’autre, le serrer dans nos bras, lui donner un petit bisou en passant, être intime ;
4e langage : les moments de qualité : consacrer du temps à l’autre en lui donnant toute notre attention, c’est cette manière de consacrer du temps à sa personne sans en attendre la même chose :
5e langage de l’amour enfin : les services rendus : faire quelque chose pour l’autre, avoir des petites attentions, rendre service à l’autre de façon pratique.
C’est tout un art de décoder le langage de l’amour de l’autre à notre égard. Pour toujours chercher à comprendre l’autre et en rester amoureux, nous sommes obligés de devenir bilingues, d’apprendre le langage de l’autre.

Dieu aussi, a son langage à lui pour exprimer son amour envers nous. Examinons dans le texte le langage du bien-aimé.
Lui
Dans ce texte du Cantique des cantiques l’amoureux dit à son amoureuse sur tous les tons et variations qu’elle est belle. Il trouve des mots inédits pleins d’imagination pour lui dire ce qui lui plaît en elle. Il lui répète que son amour est délicieux, meilleur que le vin…! Il parle dans le registre du premier langage, celui des paroles valorisantes. Il est aussi écrit quelque part dans le Nouveau Testament que l’homme qui aime sa femme s’aime lui-même… [Éphésiens 5, 28b]
Cela veut dire – selon le langage du toucher physique – que celui qui prend le temps de procurer du plaisir à sa compagne, il en retire un plus grand plaisir encore. Et quand les deux partenaires cherchent à favoriser l’épanouissement l’un de l’autre, le couple peut se construire et leur amour rayonne autour d’eux.

Elle
Et la bien-aimée que répond-elle à ce partenaire qui sait si bien lui parler comme un amant ? Contrairement à certaines coutumes patriarcales du Proche-Orient Ancien, du temps où ce texte biblique a été écrit, où l’homme considérait la femme comme un champ où il sème sa semence pour que des enfants y poussent, ici, rien de tout ça. C’est la femme qui prépare son jardin et qui prend l’initiative d’y inviter son bien-aimé.
Comment cultive-t-elle son jardin et qu’est-ce qui le rend attrayant, attirant pour celui qu’elle aime? On sait tous que l’entretien d’un beau jardin demande du travail, de la patience, de la vigilance et du soin. Mais il faut reconnaître que tout ne dépend pas de nous: regardez ce que fait cette amoureuse avant d’inviter son amant, elle appelle le vent du nord et le vent du sud:
«Réveillez-vous, venez vents du nord et du midi, soufflez sur mon jardin, pour que les parfums s’y répandent.» Je n’ai qu’une idée partielle des conditions météorologiques d’Israël, mais je sais qu’un des vents amène la pluie et qu’un autre, très sec, transporte le pollen et fertilise les fleurs qui vont donner des fruits. Celui qui a été invité dans un tel jardin y trouvera du fruit et s’y régalera.
Quand on sait qu’en hébreu comme en grec il n’y a qu’un seul et même mot pour dire «vent, souffle et esprit» le parallèle avec l’Esprit de Dieu et de ce qu’Il produit en nous n’est pas difficile ! Et le fruit que produit dans toute relation humaine et dans le couple en particulier l’Esprit du Dieu vivant, c'est l'amour, c’est la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, c’est la fidélité, la douceur, c’est la maîtrise de soi.

Les couples qui demandent la bénédiction de Dieu sur leur union, c’est ceux qui – plus ou moins consciemment – cherchent un plus qu’ils ne peuvent produire d’eux-mêmes, une nouvelle dimension. Ils ont peut-être déjà fait l’expérience que l’amour dont on est capable s’essouffle assez vite à l’épreuve du quotidien, dans une relation de longue haleine. On ne comprend pas toujours le langage d’amour de l’autre, d’où les malentendus et le besoin d’un interprète, d’un médiateur bienveillant entre nous !
Or Dieu est amour. Il est l’inventeur de l’amour, la source de l’amour. Ce Dieu-là, il est tellement tombé amoureux du monde et de chacun-e d’entre nous, qu’il a envoyé son Fils Jésus afin que les couples qui le prennent au sérieux ne périssent pas, mais qu’ils aient une vie renouvelée et passionnante. [dans l’esprit de Jean 3,16] Comme cette amoureuse du texte appelons donc le vent, le souffle divin, sur notre jardin !
Dieu ne s’impose jamais, mais Dieu donne son Esprit à tous ceux qui le lui demandent. [Luc 11, 13] L’Esprit Saint peut alors se répandre sur notre couple, jusque dans nos jardins secrets respectifs. C’est comme planter volontairement des éoliennes partout où c’est possible; pensons-y chaque fois que nous en apercevons sur les crêtes du Jura : elles produisent, grâce au vent, une énergie propre et renouvelable !
Chacune, chacun de nous ici au Landeron – et toi aussi qui m’entend dans le poste – ne te prive surtout pas de t’exposer au vent, comme une éolienne, de t’ouvrir au Souffle dynamisant. Restons tous dans le Vent, dans le Vent de Dieu ! Son Esprit pourra alors souffler à tout moment sur les braises refroidies de notre premier amour et re-produire en nous – quel que soit par ailleurs notre âge et notre état civil – des fruits délicieux. Amen

Prédications dans le même lieu

Prédications de la même personne

Aucun résultat.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Alain Corbellari
Musique
Marika Girardin (piano); Yves Girardin (violon); Boris Salzmann (guitare); Christine Salzmann (soprano)