"Va vers la terre que je te ferai voir"

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Écouter le culte :

« Pars, pour toi, pars de ton pays, de ton lieu de naissance, de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir ! » a dit le Seigneur à Abram. C’est une traduction juive : Pars pour toi, c’est-à-dire, pars pour ton salut et pour le salut du monde. Partir, aller ailleurs, devenir autre, là où le Seigneur t’appelle. Deviens ce pourquoi Dieu t’a créé. Pars, pour toi. Le Seigneur promet une vie en plénitude à celles et ceux qui acceptent de « partir ».
Partir ! Abram n’est pas le seul qui est parti. Regardez autour de vous, votre voisin, votre voisine ; ne viennent-ils pas, eux ou leurs parents, du Portugal, d’Italie, d’Egypte ou d’Erythrée ? En vacances à Samos, j’ai rencontré deux Suissesses, l’une des Grisons et l’autre du canton de Vaud, qui avaient émigré dans l’île et qui travaillaient dans le tourisme. Dans le Nouvelliste, le journal du Valais, j’ai lu cette semaine que la descendance des personnes qui ont émigré du Valais en Amérique depuis la fin du 19e siècle est estimée à 450’000 personnes, une fois et demie la population actuelle du Valais !
On peut dire aussi que tous les membres de la paroisse protestante de Crans-Montana sont un jour partis du lieu de leur naissance pour émigrer dans cette région moi, y compris.

J’ai demandé à Esther Fischer, qui aura bientôt cent ans, comment elle était venue à Crans-Montana. Je lui ai demandé si elle avait entendu un appel, comme Abraam qui l’aurait poussé à quitter sa ville de Berne. Eh bien non, à l’époque, les jeunes filles allaient apprendre le français, cela ne se discutait pas, c’était la tradition. Elle a été attirée par la beauté de la région de Crans-Montana et elle a trouvé une place de fille de salle à l’hôtel du Bristol en 1935. Esther, obéissante, est partie confiante de sa ville natale de Berne, jusqu’à Crans-Montana.
Vous-mêmes qui êtes ici, dans ce temple et vous qui nous entendez à la radio, est-ce que ce mot « partir » ne vous touche pas ? Partir, pas seulement d’une région ou d’un pays ; les occasions de changer complètement de vie sont multiples : se marier, c’est partir, changer de travail, se séparer, déménager, tomber malade, c’est partir, aller dans un EMS, mourir, c’est partir. Et bien sûr tomber dans la foi en Jésus, c’est partir. Comme ce jeune délinquant, qui était maître en Kung-fu, et assassin ; il a été appelé par le Christ, il a changé complètement, il a renoncé à tout ce qu’il était avant de connaître Jésus et il est devenu son disciple.

Pars, pour toi, de ton pays, de ton lieu de naissance, de la maison de ton père vers le pays que je te ferai voir ! Oh non, ces paroles n’appartiennent pas seulement à notre bien-aimé ancêtre à tous et à toutes, Abram. Au contraire, c’est le lot de chacune et de chacun, de « partir ».
Jésus parle aussi de « partir », autrement. Il dit : Renoncez à tout ce que vous êtes, à ce qui fonde votre existence avant que vous me connaissiez, si vous voulez devenir mes disciples. La traduction habituelle dit : renoncer à tout ce qui vous appartient. Or le verbe grec qui est utilisé ici, uparcw a un sens plus profond : il signifie « commencer, fonder ». Ce qui permet de dire que Jésus ne veut pas tant que nous quittions ce qui nous appartient, nos biens, non, il va plus loin ; il demande que nous renoncions à ce que nous étions avant de le connaître, que nous renoncions à notre manière d’être, de penser, à nos habitudes de relations avec les personnes et les choses. C’est renoncer à une façon d’exister qui n’est pas en Dieu complètement ; c’est se retourner, changer de direction pour mieux chercher et trouver Dieu.

Pourquoi Dieu et Jésus sont-ils tellement favorables et même demandeurs de tous ces départs, ces renoncements et ces détachements ? Serait-ce une incitation au démantèlement social que ces mots terribles : haïssez vos parents si vous voulez devenir mes disciples. La traduction correcte du verbe est vraiment « haïr » : ce qui nous fait tressauter au point que peu de Bibles donnent cette traduction-là !
Le Seigneur semble nous mettre en garde contre l’état fusionnel. Comment je peux dire cela ? C’est que le texte qui précède directement le passage de Genèse 12, est le récit de la tour de Babel. Tous les êtres humains de la terre voulaient parler la même langue, ne faire plus qu’un, entre eux et sans Dieu. Eh bien ce projet, vous vous en souvenez n’a pas plu au Seigneur, puisqu’il brouilla leur langue et dispersa les êtres humains bâtisseurs sur toute la surface de la terre (Gn 11, 8).
Le Seigneur nous veut unique et différent, car le Seigneur nous a créé-e-s unique et différent pour notre salut et le salut du monde. C’est seulement par ce chemin que nous connaîtrons la vie et la terre promise.

Abraam, est parti d’Harran, vers la terre promise de Canaan. Et pour cela, il a choisi de quitter le clan, une manière d’être et de vivre et peut-être aussi les idolâtres d’Harran qui adoraient la lune. Pars pour toi, lui dit le Seigneur. Pars pour toi avec moi pour que tu vives. Obéir à Dieu, devenir disciple de Jésus, ce n’est pas être gentil, gentil ; c’est mener avec l’aide de Jésus un combat de tous les instants contre ce qui veut nous séparer de Dieu, et de ce que nous sommes pour Dieu.
Le diable a beaucoup de soldats. Jésus nous avertit : ce chemin-là n’est facile, il n’est pas facile de refuser la fusion, l’enfermement, les rôles hiérarchiques et les « dans la famille, on pense comme cela et pas autrement et tu feras la même chose ». Est-ce que « haïr » serait une première étape dans l’apprentissage « d’aimer mieux » ? Une fois la distance prise, quand tu es devenu-e unique et différent, différente, par obéissance à l’appel de Dieu, il deviendra peut-être juste alors de prendre soin de ta famille, avec un amour libéré et habité pleinement par Jésus.
Partir apporte son lot de difficultés et d’obstacles : Esther Fisher, dès son arrivée dans le pays de rêve de Crans-Montana, travaillait de 7h du matin jusqu’à 23h, avec rarement un dimanche de congé et pour 10 francs par mois ! Elle a été récompensée au-delà de ses espérances : elle a aujourd’hui une nombreuse famille qui gère des établissements hôteliers de la région. Abram en pays de Canaan, y a vécu en étranger, il a souffert de la famine et traversé bien des épreuves. Or il a gardé confiance en son Seigneur, et comme récompense, sa descendance est devenue aussi nombreuses que les étoiles dans le ciel.
Quand c’est le moment de partir pour vous, partez dans l’inconnu avec confiance, en vous souvenant d’Abram. Ce que à quoi vous avez renoncé dans la foi, vous le retrouverez, autrement et mieux.
Soyez inébranlables dans votre confiance en Jésus; il ne peut pas vous abandonner. Obéissez à cet appel de Dieu qui veut pour vous la vie, maintenant.

Détails

Avec la participation de
Eliane Bagnoud
Orgue
Romaine Zorn Métrailler
Musique
Chorale chrétienne des femmes du Caméroun sous la direction de Anastasia Aschiero