Tout est possible, y compris devenir un frère ou une sœur

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Écouter le culte :

Chers frères et sœurs en Christ,

Comme annoncé au début de ce culte, nous embarquons dans le récit de la conversion de Saul, un personnage singulier avant de devenir l’apôtre Paul, dont nous connaissons assez bien les écrits. Ce récit, surprenant à plusieurs égards, nous interpelle directement si nous nous y arrêtons un instant. Nous suivrons quelques personnages importants de ce récit et, si vous êtes d’accord, répondez à la question suivante : quel est le personnage qui me parle le plus aujourd’hui ?
Alors je vous laisse être habités par cette question tout au long de cette prédication. Je vous invite particulièrement vous, les auditeurs d’Espace 2, à y répondre au moyen du numéro qui vous a été communiqué.

Commençons donc par Saul.
Ce qui frappe directement l’esprit du lecteur ou de l’auditeur de ce récit, c’est de voir le persécuteur du Christ devenir désormais son témoin, devenir son fidèle ! D’un homme respirant menace et meurtre, d’un homme dont la mission est de terroriser, d’enchaîner, d’un ennemi mortel pour les croyants en Jésus, voici un homme dont la mission est désormais d’annoncer la Bonne Nouvelle, la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ ; un homme choisi pour porter le nom du Seigneur à la face des nations.
Cependant, son histoire nous pose beaucoup de questions. En voici une que j’aimerais vous soumettre également : quel regard porteriez-vous, quelle attitude auriez-vous face, par exemple, à un djihadiste réputé, avec plusieurs attentats à son actif, connu des services de la police, qui débarquerait en vous disant : « J’étais venu commettre un attentat, mais j’ai vécu un événement extraordinaire qui m’a fait changer d’avis » ? Remarquez que, toutes proportions gardées, Saul n’était pas très loin d’un tel portrait ! Quel regard porteriez-vous sur un tel personnage ?
A Damas et Jérusalem, certains ont voulu le tuer. A Damas et Jérusalem, il fut sauvé par les disciples et par les « frères ». Comment est-ce que je me situerais ?

Mais, entrons plus profondément dans le questionnement de ce récit pour nous aujourd’hui. Lorsque Jésus s’adresse à Saul, il l’appelle « Saoul ». Le texte grec précise cette différence. Or, ce nom, en hébreu ou en araméen, Sha’oul, comme le premier roi d’Israël, signifie « le demandé », « le questionné ». Il renvoie donc directement à la question que pose Jésus : « Pourquoi me persécutes-tu ? ». Le récit que nous avons entendu dit que ceux qui étaient avec Sha’oul entendaient la voix mais ne voyaient personne. Il y a un autre récit au chapitre 22 qui revient sur cette histoire et qui dit que ceux qui étaient avec lui ont vu la lumière, mais n’ont pas entendu la voix. Ce Sha’oul a donc vécu quelque chose dont ses compagnons ne saisissaient pas toute la portée, puisqu’il était le seul à tout vivre, à tout entendre. C’était une question profonde, c’était une question personnelle, une question existentielle.

Chers amis, des questions similaires nous sont posées aujourd’hui. Dans notre for intérieur, seuls devant Dieu, nous sommes questionnés sur nos choix, notre attitude, notre regard sur les autres. Nous sommes « sha’oul » dans ce sens que nous sommes également demandés, nous sommes interpellés, nous sommes attendus pour devenir des acteurs et des actrices de la paix.

Autre chose encore sur Saul : je reconnais que, dans ce récit, il y a quelque chose d’embêtant. En effet, le retournement de Saul ne découle pas de son projet. Il ne s’agit pas, comme dirait le philosophe Emmanuel Kant, d’une volonté autonome. C’est vrai, Saul n’a pas décidé de vivre cet événement. Il ne l’a pas projeté. C’est Jésus qui est au centre de l’action. C’est lui qui a décidé la confrontation avec Saul, c’est lui qui lui ouvre les yeux sur une autre réalité.

Chers frères et sœurs, nous avons ici un aspect qui dérange un certain nombre de penseurs et que refusent nombre de nos contemporains. C’est que ce qui est possible est au-delà de ce que nous concevons, de ce que nous décidons et de ce que nous imaginons comme possible. La conversion de Saul nous dit que nous ne maîtrisons pas tout ! Elle nous invite dès lors, nous lecteurs et auditeurs de la Bible aujourd’hui, à nous ouvrir à ce qui dépasse le raisonnable. Et ça, c’est le propre de la foi.
Nous constaterons alors plutôt avec empathie que l’ancien faucon est désormais colombe, et que c’est possible. En commentant ce passage, Jean Calvin disait : « le loup a été converti en agneau et a pris le naturel d’un pasteur ».

Oui, changer est possible, même quand on ne sait ni quand, ni comment ! C’est ce même Saul qui, devenu l’apôtre Paul, est le deuxième personnage le plus présent et le plus important dans le Nouveau Testament après Jésus. C’était son expérience, c’était son chemin. Nous suivrons le nôtre. Mais nous pouvons nous dire ceci : si Saul a été réhabilité par Dieu, cela veut dire que la porte reste ouverte également pour nous.

Intéressons-nous maintenant à un autre personnage : Ananias.
Ananias représente dans ce récit d’abord l’embarras, l’hésitation, l’incompréhension, voire la résistance à une action de Dieu qui ne correspond pas à notre logique. Dieu remet en route, Dieu relève celui ou celle que nous aimerions maintenir en marge, ou maintenir banni, à juste titre après tout ! La logique d’Ananas était comme la nôtre, peut-être, bien souvent ! Voyez-vous, celui ou celle qui traîne les casseroles, on dit souvent qu’il est préférable qu’il reste sur la touche. Mais si on se focalisait sur les casseroles de Saul, on n’aurait tout simplement pas le Nouveau Testament, en tout cas pas tel qu’il est aujourd’hui ! C’est cette logique qu’Ananias devait apprendre à dépasser. Le récit que nous avons devant nous nous invite également à confronter nos objections tout à fait justifiables à la réalité de ce que Dieu est capable de faire : capable de faire cheminer la personne dont la réputation et l’histoire devraient logiquement conduire au rejet. Ananias a dû apprendre à penser autrement, à agir autrement. Et remarquez qu’en faisant cela, il est lui-même entré dans sa propre vocation. Ananias, de son nom hébreu Hananiah, signifie : « Dieu fait grâce ». La vocation d’Ananias était d’annoncer que Dieu fait grâce… même à Saul, même à Saul.
La démarche d’Ananias intègre Saul dans la communauté par le baptême. Désormais, Saul ne doit plus être regardé comme un ennemi, un persécuteur, mais comme un frère. Ananias, motivé par cette rencontre avec Dieu, s’adressa à Saul en disant : « Sh’aoul, mon frère ! ».
Il n’y a pas que Saul qui a fait du chemin, Ananias aussi. Pourquoi pas nous ? Demandons à Dieu de nous donner la force de cheminer comme Ananias, afin de voir dans notre voisin, dans notre voisine un frère, une sœur.

Le livre des Actes des apôtres, notamment dans les chapitres 8 à 10, nous donne d’autres exemples de personnes « normalement » exclues qui sont pourtant intégrées par Dieu : on parle de Simon le magicien, l’eunuque éthiopien, Saul le persécuteur, Corneille l’impur. Leurs récits nous invitent à l’ouverture. Dans son récent commentaire sur le livre des Actes des apôtres, Daniel Marguerat souligne que ces personnages ne sont pas exemplaires, mais ils reflètent tous « l’initiative surprenante que prend Dieu dans le choix des convertis ». C’est une bonne nouvelle pour tous : Dieu nous accepte, même si nous ne sommes pas toujours politiquement corrects. Et Dieu accepte celles et ceux que nous rejetons.

Le dernier personnage que j’aimerais évoquer est Barnabé. Son nom araméen Barnabas signifie « le fils de la consolation ».
C’est lui qui encourage Saul à Jérusalem, c’est lui qui encourage les apôtres à l’accepter. Il joue le médiateur pour que Saul soit accueilli, accepté dans le cercle de l’église de Jérusalem, pour qu’il devienne libre d’aller et venir avec les autres.
Voyez-vous, lorsque les relations sont tendues, voire rompues, nous avons besoin des Barnabas, des acteurs de l’encouragement et de la consolation ; des hommes et des femmes qui favorisent les liens, qui agissent en faveur de la paix entre les gens, en faveur de la fraternité. Etre Barnabas, ce pourrait être ma vocation, ce pourrait être la vôtre.

Toutes ces histoires nous disent que créer et retrouver la fraternité est possible, avec l’aide de Dieu, avec la grâce de Dieu. Le chant que nous allons écouter maintenant nous rappelle cette réalité, cette réalité de la grâce, la grâce de Dieu qui est donnée à tout le monde, qui est proposée à tout le monde : Amazing Grace !

Amen !

Second culte de la série « Passage à l’Acte », proposé par la paroisse d'Estavayer-le-lac et de la Broye fribourgeoise.

Un Saul peut en cacher un autre. Le faucon devient colombe. L’événement qui a eu lieu près de Damas dit que tout est possible, y compris devenir un frère ou une soeur dans la foi. Même nous, même autour de nous!
Le groupe de gospel Evedyah en fera l'écho en chantant la redécouverte de la grâce de Dieu : « Amazing Grace ».

Détails

Avec la participation de
Anne-Christine Wild et René Vogel
Orgue
Musique
Chorale Gospel "Evedyah", sous la direction de Luc Mayor. Muriel Luginbuhl, Sandrine Chappuis, Patricia Moullet, Philippe Pache, Filippo d'Ancona et Luc Mayor, solistes.