En marche à la suite de Dieu, en marche à la lumière de Dieu !

image

Écouter le culte :

Bien-aimés de Dieu,

De départs et d’arrivées, d’attentes et de réussites, d’hésitations et de déterminations, d’incapacités et de relèvements, ainsi est faite notre vie.

La Bible en témoigne ici. La mobilisation de tout un peuple vers le pays de ses origines, avec la confiance et l’espoir d’une autonomie et d’un développement retrouvés. La destinée individuelle d’un homme malade, immobilisé depuis de longues années. La vision de Jean décrivant les félicités éternelles alors qu’il s’adresse à une communauté harcelée et persécutée.
Alors la parole de Jésus « Lève-toi, prends ton lit et marche » me semble en être le point commun.
« Lève-toi, prends ton lit et marche ! », trois ordres brefs adressés par Jésus à l’homme paralysé. Oui, la vocation de l’être humain, c’est d’être debout et en mouvement, même si avec lui, en lui, contre lui, il garde le signe, le témoignage, d’un passé douloureux. Lève-toi. Lève-toi : Jésus, en fait, lui ordonne de ressusciter ! Et il retrouve ainsi sa place au milieu des humains vivants.

Le point commun de cet homme avec nous, c’est l’attente. Il nous semble que Dieu prend parfois tellement de temps pour venir à notre rencontre. Et nous-mêmes aussi tardons tellement avant de partager avec lui ce qui nous préoccupe.

Si j’entends un soupçon de résignation lorsque le malade parle à Jésus de sa situation, je n’y distingue en revanche pas de reproche. Il est juste dans les faits : « voilà ce qui se passe, c’est comme ça, et je n’y peux rien ». De même, lorsque notre prière dit à Dieu notre impuissance, notre détresse, notre lassitude.

« Lève-toi, prends ton lit et marche ! » Avec tout ce que tu as vécu, enduré, traversé, te voilà entré dans une nouvelle étape de ta vie, avec la santé retrouvée, mais aussi la liberté à exercer et le risque à assumer.

De la même façon a dû résonner la voix de Moïse, qui incite le peuple à se mettre en route. Se lever et partir. Quitter une situation devenue intenable du point de vue social et économique, politique et spirituel. Se désinstaller, abandonner ce qui est connu, habituel, les points de repère, et marcher vers un pays promis, dont la réalité n’est somme toute à ce moment-là pas encore très claire. Inaugurer ainsi un chemin de confiance.

Se lever et partir, en emportant aussi un témoin du passé : « Moïse emportait le corps de Joseph ». Le patriarche l’avait expressément demandé, plusieurs siècles auparavant. Moïse et le peuple, en partant, gardent cette mémoire. Tout ce qu’ils ont reçu et vécu en Egypte, ils ne le renient pas, ils l’assument, ils l’intègrent dans cette marche vers l’espérance, vers une vie nouvelle.
Tout comme nous pouvons, par exemple, garder la mémoire des pionniers qui ont fondé ici à Morges la première Paroisse de l’Eglise libre du Canton de Vaud au milieu du 19e siècle, avec l’accent qu’ils ont mis sur la piété, l’éducation, la rectitude morale, des valeurs qui perdurent alors que nous fêtons cette année le 50e anniversaire de la réunion de l’Eglise nationale et de l’Eglise libre, qui forment notre EERV.

Se lever et partir. Voici l’appel que Dieu nous adresse, alors que nous sommes établis et installés, à l’instar des Hébreux, dans une vie dont nous connaissons les conditions, les règles du jeu et les avantages. Ou alors que nous sommes coincés, immobilisés, par les souffrances, les soucis, les inquiétudes, tel l’homme paralysé que Jésus rencontre dans l’Evangile.

Le Psaume nous le rappelait au début du culte : notre vie est faite ainsi d’arrivées et de départs, entre la naissance qui ouvre à la vie et la mort qui ouvre à la plénitude du Royaume de Dieu, entre les choix et les hésitations, les ouvertures et les échecs, les compétences exercées et les moments où l’on marque le pas.

Et quel chemin prendre alors, au moment de partir ? C’est aussi la question des Hébreux. Et le plus direct, le plus évident, le plus connu, s’appelle à l’époque le chemin du pays des Philistins. Itinéraire bien balisé, emprunté par les caravanes de commerce entre l’Asie et l’Egypte, mais aussi par les expéditions militaires. Et à cause de ça, il est garni de forteresses gardées par l’armée égyptienne. Pour le peuple hébreu, peut-être le chemin le plus direct, mais le plus dangereux.

Quel chemin Dieu fait-il prendre à son peuple ? « … le chemin détourné qui, à travers le désert, se dirige vers la mer des Roseaux. » Le détour comme une pédagogie de Dieu. Dieu ne va pas droit au but avec son peuple. Dieu ne dévoile son plan que petit à petit.
Le détour. Une manière de faire qui suscite en nous l’incompréhension, comme elle a dû la créer au sein du peuple hébreu. Vers quoi allons-nous ? Que va devenir notre Eglise, notre monde ? Quel avenir nous attend ? Qu’est-ce que Dieu veut, qu’a-t-il l’intention de faire avec nous ? Nous n’aimons pas tant cette incertitude qui est la nôtre, et à laquelle personne ne semble pouvoir ou vouloir répondre. Nous ne savons pas tout et nous ne l’apprécions pas.

Mais même avec cette part d’incompréhension et d’incertitude, je vois le peuple hébreu se mettre en route. Accepter de bouger de là où il est, de faire des détours en apparence inutiles, de se laisser conduire sans être tenu au courant de tous les détails. Ferons-nous de même : nous mettre en chemin sans tout savoir ? Ou déciderons-nous de ne pas partir, de rester esclaves en Egypte: en sécurité certes, mais sans liberté ?
L’appel nous vient de Dieu. La force nous est donnée par lui au long du chemin. Mais il n’y a que nous-mêmes pour décider d’avoir confiance. Il n’y a que nous-mêmes pour dire : c’est OK, je suis d’accord, je marche !

« Le Seigneur les précédait, de jour dans une colonne de fumée pour les guider le long du chemin, et de nuit dans une colonne de feu pour les éclairer ; les Israélites pouvaient ainsi marcher jour et nuit. » En Arabie, les caravanes sont toujours, à cette époque-là, précédées d’un porteur qui, au bout d’une longue perche, brandit un vase de fer rempli de bois allumé. Ainsi, par exemple, le chef d’une expédition militaire est appelé « une flamme dans l’obscurité à la tête de ses soldats ».

Ainsi, comme membre du peuple de Dieu, je peux dire : je marche à sa suite comme mon guide et mon chef. Je marche à sa suite, il me précède, comme fumée de jour et comme flamme de nuit. La fumée comme présence proche mais cachée. Le feu comme précédence lumineuse et chaude. Dieu à la fois présent et caché, lumineux et brûlant, rassurant et effrayant. Dieu visiblement à la tête de son peuple, mais mystérieux et insaisissable.
Quitter les certitudes pour un lot d’incertitudes. Partir d’un territoire familier pour une destination inconnue. Emprunter non pas la route la plus logique, mais les pistes les plus incertaines. Accepter de suivre un chef qui nous accompagne mais nous tient à distance, nous conduit mais nous cache ses intentions.

Un peuple déterminé sans doute, pour une part confiant, mais aussi déconcerté, « entre-deux », quitte l’Egypte. Un peuple qui voit se lézarder, être remis en cause, tous les appuis de sa vie jusqu’ici. Un peuple qui nous ressemble. Et qui s’interroge : quelle est mon identité ? Et qui se demande : qui est mon Dieu, et où est-il ?
Où est ma place dans cette société qui va si vite et dont beaucoup de références me dépassent ? Où est donc ma place parmi ceux qui n’ont pas de problème de santé, qui demeurent actifs ? Où est donc ma place alors qu’aujourd’hui je me sens tenu à l’écart du rythme ordinaire de la société ? Où donc sont les croyants, de tous âges, qui devraient remplir toutes ces chaises vides à l’église ? Je ne sais pas vraiment où je vais, je ne sais plus que dire, je ne sais même plus, quelquefois, en quel Dieu je devrais croire. Tout se dilue, s’éparpille, s’effiloche. Tout fout le camp.

Eh bien, moi, ici, à Morges et à la radio, j’affirme aujourd’hui que Dieu, justement, n’est jamais autant présent que quand tout fout le camp. Les Israélites ont foutu le camp d’Egypte. Remis en cause dans leurs certitudes établies, ils se sont mis en mouvement. Et ils trouvent dans leur marche un Dieu qui échappe le plus souvent à leur compréhension et à leur logique, mais qui reste fidèle et proche, qui est là pour garder le cap.
Nous sommes appelés à faire de même, à nous mettre en mouvement. A circuler, comme le sang circule dans les artères : si ça ne circule pas, ça fait des caillots et le corps en crève ! Appelés à lâcher et non plus à nous crisper sur des acquis. Abandonner notre prétention à avoir raison et accepter une nouvelle perspective sur nous-mêmes et notre relation avec les autres. Accepter de dénouer ce qui reste bloqué en nous et à laisser circuler la libération voulue par Dieu, le pardon pour nous-mêmes et pour d’autres autour de nous.

Ainsi, en marchant, nous nous sentirons fortifiés par la présence de Dieu, emplis de sa tendresse, accompagnés de son amitié.

Amen !

La vie humaine avec Dieu, c’est l’histoire d’une mise en marche. Il en est à l'initiative et donne une impulsion. Sa rencontre et le cheminement en sa présence ouvrent sur la guérison et le bonheur.

Détails

Avec la participation de
Jean-Marc Emery, Françoise Warnery
Orgue
Musique
Vufflens Jazz Band, avec Michel Guignard, piano, Daniel Pichard, trompette, Serge Schlaeppi, trombone, Jean-Paul Hautier, saxophone, Willy Franz, banjo, Jean-Luc Decrausaz, batterie et Michel Basset, contrebasse