Écouter le culte :
L’autre jour, j’avais les pieds dans l’eau. Littéralement. Avec des amis et ma famille, nous nous trouvions au petit lac de montagne de Frience. Tout en profitant du soleil éclatant de la fin de journée, nous avons commencé à sortir les cailloux de l’eau et à comparer leurs couleurs. Ce lac artificiel, achevé l’année passée, sert en hiver de lac de rétention pour les canons à neige. Le lit de ce lac est recouvert de pierres de taille plus ou moins identique. Lorsqu’elles sont dans l’eau, ces pierres affichent des couleurs magnifiques et parfois surprenantes. Autour de nous, les enfants les triaient et les collectionnaient ainsi, comme de petits trésors.
Il est aussi question de trésors dans les paraboles que nous avons entendues tirées de l’Evangile selon Matthieu, trois petites paraboles à la suite et une petite, furtive, à la fin du passage biblique. Ces paraboles ne sont pas toujours super compréhensibles pour nous. Si dans le texte, Jésus s’assure de la compréhension des disciples, ces paraboles-ci ne sont pas réellement expliquées aux lecteurs que nous sommes, au contraire de la parabole du semeur au début du chapitre 13.
Il y a tout d’abord la parabole du trésor caché dans un champ. Un homme trouve un trésor caché dans un champ, l’enterre à nouveau et va acheter le champ. Ensuite, nous avons entendu l’histoire de la perle de très grande valeur. Un marchand en quête de perles en trouve une de très grande valeur, il vend tout ce qu’il a, puis va acheter la perle qui est si précieuse malgré sa petite taille. Finalement, l’histoire de la pêche au filet. Des pêcheurs remplissent leurs filets de poisson mais se séparent des poissons qui ne remplissent pas les critères nécessaires pour être gardé.
Tous ces petits bouts d’Évangile nous parlent d’objets qui ont beaucoup de valeur. Ces histoires nous parlent aussi de valeurs, d’éthique. En effet, au-delà du trésor, il y a une autre valeur qui est trouvée. Au-delà de la récompense, il y a un autre cadeau qui est donné. Au-delà du tri entre bon et mauvais, il y a un autre chemin qui est tracé. C’est ce que raconte, différemment, la dernière petite parabole que Jésus raconte tout à la fin du texte de Matthieu que nous avons entendu tout à l’heure. C’est une comparaison entre un maître de la Loi devenu disciple de Jésus avec un maître de maison tirant son trésor des choses nouvelles comme anciennes.
La transition, le passage, entre « choses anciennes » et « choses nouvelles », c’est un thème passablement abordé dans le premier livre du prophète Samuel, dans l’Ancien Testament. Tout d’abord, dans le passage que nous avons entendu tout à l’heure, sur l’institution du prophète Samuel en tant que juge, c’est-à-dire en tant que médiateur.
Samuel a vu tout un peuple demander à revenir à une relation avec Dieu. De ce fait, Samuel peut à nouveau être médiateur entre Dieu et les humains, ainsi qu’intercesseur par excellence auprès de Dieu. Il peut à nouveau remplir son rôle de juge, donc d’intermédiaire entre Dieu et les humains et les Philistins sont mis en déroute par Dieu. Les Philistins sont mis en déroute par une simple prière à Dieu. C’est fort ! Elle sonne d’ailleurs la fin de la domination philistine dans la région et la reconquête des villes perdues. Par l’action de son juge, de son médiateur, les Israélites sont restaurés à un statut inspirant la paix et la puissance. Samuel instaure un nouveau lieu de relation privilégié avec Dieu à Eben-Ezer, même s’il sert Dieu à un autre lieu, Rama. En faisant cela, Samuel propose une incroyable nouveauté : deux manières d’être en relation avec Dieu.
Soit par la prière dans un lieu où il s’est passé un événement marquant, soit là où se trouve un juge, un médiateur ayant une relation privilégiée avec Dieu. En quelque sorte, une relation à Dieu soit par le passé, à travers un rituel issu de l’histoire, soit par le présent grâce à la médiation d’un clerc.
Je ne sais pas vous, mais moi je trouve ça joliment inspirant. En ce jour de Mi-été manquée, la question se pose pour nous aussi. Comment vivre une Mi-été sans alpage ? Comment se réjouir sans fête ? Comment envisager notre avenir de fête et de traditions centenaires sous les conditions actuelles ?
À la lecture des paraboles de Matthieu et du texte de Samuel, j’y trouve un trésor de sagesse pour répondre à ces questions. Ces textes nous invitent à trouver de la valeur dans le neuf, sans oublier ce qui est ancien. Les paraboles sont difficiles à entendre. C’est normal ! Elles parlent toutes d’un douloureux arrachement, d’un dépouillement, d’une perte, d’une séparation abrupte. Et en même temps, elles proposent du nouveau. En grec « kainos », traduit généralement par le mot « nouveau », comme ici dans la dernière parabole du maître de maison, peut aussi être traduit par « ce qui n’est pas encore connu ».
Nous voilà aujourd’hui toutes et tous devant l’inconnu, avec lequel il nous faut sans cesse composer. Et, en même temps, cet inconnu qui peut parfois être vertigineux ne doit pas nous empêcher de nous reconnecter aux autres, à nos proches, à Dieu et à nous-mêmes. Grâce à ces connexions, nous nous enracinons dans notre histoire, dans notre héritage culturel et dans nos traditions. Ainsi, nous sommes appelés à être maître de maison à la suite du Christ. Maître de maison qui tire son trésor des choses nouvelles et anciennes. C’est lui qui me trouve et, à travers sa rencontre avec moi, me donne de la valeur, révélant le trésor que je suis aux yeux de Dieu et aux yeux de mes proches.
L’année passée, sur l’alpage de Taveyanne, mon collègue Jacques Küng et moi disions que les fêtes sont comme un condensé du temps qui a passé : on se souvient des joies partagées, comme on se souvient des drames subis, puis traversés en disant en même temps que la vie a continué. On se souvient des proches qui nous ont quittés, on sourit en voyant les enfants qui sont nés. Dans ce cas, à vouloir retenir le temps, ou à s’en croire propriétaire, on n’a que du sable qui nous file entre les doigts ou des cendres qui se refroidissent. Parce que la vie, c’est une flamme qu’il s’agit de transmettre, non pour s’y brûler mais pour qu’elle nous éclaire.
Alors à quoi ressemble la vie avec Dieu ? Eh bien, c’est être un peu caillou ou pierre, comme ceux-ci que j’ai retiré du lac l’autre jour. Vous qui m’écoutez par la radio, vous ne les voyez pas. Ce n’est pas grave. Ils brillaient l’autre jour d’un bel éclat rougeoyant ou verdoyant. Aujourd’hui, ils sont secs et grisâtres. Mornes et sans histoires.
Nous aussi, nous avons des fois l’impression de nous trouver ternes. Parfois nous trouvons que nos proches sont ternes. Néanmoins, comme les cailloux que j’ai arraché au lac, il suffit d’un petit élément, pour leur donner un tout autre éclat ! Il suffit d’une goutte d’eau et les pierres deviennent un trésor, faisant briller les yeux des enfants ! Nous aussi pouvons devenir trésor avec peu de choses.
Voici mon invitation, frères et sœurs : allez vers les personnes qui vous sont chères et, si vous le pouvez, prenez-les dans les bras, et dites-leur qu’elles sont un trésor pour vous ! Un mot, un geste, un cadeau permet parfois du rendre l’éclat aux personnes qui nous sont chères… comme un caillou dans l’eau.
Amen !