Écouter le culte :
Chers auditeurs et chères auditrices, vous êtes derrière vos postes de radio ou vos ordinateurs, ici nous sommes rassemblés dans une abbatiale, nous ne nous voyons pas, nous ne nous connaissons certainement pas. Il y a tant de choses qui créent de la distance entre nous. Le fait de ne pas être au même endroit, de ne pas se rencontrer, de ne pas pouvoir se parler, à quoi s’ajoute tout ce qui fait nos vies différentes : nos centres d’intérêts, nos apprentissages, nos expériences de vie, nos joies et nos peines, nos douleurs et nos peurs, les gens à qui nous tenons…
Bref, la liste de tout ce qui fait que nous sommes séparés pourrait être sans fin, et elle ressemblerait en fait à la liste de tout ce qui fait que nous sommes chacune et chacun uniques.
Pourtant, la signification d’une religion est de rappeler que nous sommes reliés. Et au coeur de la foi chrétienne se joue une communion, centrale, essentielle. Signifiée par un repas célébré lors des cultes et des messes, rappel de celui que Jésus a vécu avec ses disciples. Ce repas, appelé d’ailleurs « la communion », marque combien il est important d’être reliés les unes et les uns avec les autres, que ce soit dans une église ou que ce soit par-delà la distance, comme nous le sommes avec vous qui écoutez ce culte ailleurs.
La Bible utilisera l’image du sang pour dire la communion de vie qui est celle que nous partageons. Le sang nous est commun à toutes et tous : il circule dans nos veines et anime la vie dans nos corps. Faire couler le sang n’est pas anodin, en perdre trop signifie mourir. Pour les anciens, le « sang qui purifie » signifiait certainement que c’est par ce qui symbolise la vie que l’on peut retrouver une existence pleine.
Jésus reprendra cette image et, pour que l’on comprenne bien qu’il ne s’agit pas de sacrifice vivant, l’associera au pain et au vin partagés : ils signifient le corps et le sang, ils signifient tout ce qui fait notre vie concrète et corporelle. Le besoin vital de se nourrir, la fragilité face au manque, ce qui coule en nous et nous garde vivant sans que nous puissions le décider. Et aussi le fait que nous dépendons de tant de choses pour vivre.
Tout cela nous est commun : toutes et tous, pourtant différent.e.s, nous avons besoin de nous nourrir, nous sommes des êtres de chair et de sang, nous reconnaissons notre humanité fragile et dépendante, nous savons le si peu de maîtrise que nous avons sur la vie. Toutes et tous nous partageons cela, et en cela nous sommes humains ensemble. Il faut s’en souvenir, pour réaliser ce qui nous unit et pour mettre à distance ces séparations que parfois nous faisons les uns envers les autres, pour s’estimer supérieurs, pour mépriser ou juger.
Jésus ajoutera qu’en communiant au corps et au sang, c’est à lui que nous communions. C’est sa vie que nous accueillons en nous, c’est à lui que nous nous relions. Et ce faisant, nous découvrons que nous ne sommes pas seulement soeurs et frères en humanité, mais filles et fils de Dieu, ce Dieu que Jésus n’a cessé d’incarner. Il nous donne de vivre ce lien à Dieu que lui-même a vécu.
Il peut y avoir beaucoup de raisons d’être insatisfaits de notre quotidien. D’avoir le sentiment que nous sommes comme coupés de nous-mêmes, de qui nous sommes vraiment; ou coupés des autres autour de nous, dont nous nous sentons tellement loin; ou encore coupés de Dieu, de cette profondeur verticale et spirituelle qui donne sens à nos pérégrinations sur cette terre. Toutes ces coupures, les anciens en parlaient comme des impuretés dont ils devaient être purifiés. Pour se trouver et se retrouver soi-même comme humain à l’image de Dieu.
Ce qui purifie de ces coupures, ce qui restaure les liens en soi et autour de soi, c’est d’entrer en communion. Autour d’une table lors de l’eucharistie ou par la prière à distance. Recevoir ensemble du pain et boire à la coupe. Et dans ces gestes tellement banals et quotidiens, recevoir la vie du Ressuscité en nous, qui nous fonde comme soeurs et frères, filles et fils, et qui est notre unité, notre communion.
A notre époque, pour prendre soin de soi, il y a de multiples possibilités : dans le domaine du sport, de l’alimentation, de la méditation sous toutes ses formes, voire parfois de la stimulation qu’apporte le fait de consommer. Le Christ nous rappelle qu’il n’y a pas de vie pleinement humaine sans communion les unes et les uns avec les autres.
Comme le disait le pasteur Timothée Reymond dans son homélie du dimanche de la Trinité, nous portons toutes et tous en nous l’image de Dieu, dans la mesure où nous sommes en communion les unes, les uns avec les autres.