Écouter le culte :
Vous êtes-vous déjà retrouvé dans une situation où vous vous sentiez coupé de vous-même, coupé des autres, coupé de Dieu ? Un passage de votre vie où vous sentiez jusqu’au fond de votre être que vous étiez profondément seul ?
C’est ce qui arrivait aux personnes atteintes de lèpre dans la société hébraïque avant Jésus et au temps de Jésus. Cette coupure s’appelait « impureté ». Lorsque quelqu’un souffrait de lèpre, il était déclaré impur, il devait être coupé des autres et ne pouvait plus vivre sa relation à Dieu au temple non plus. Le but était certainement de protéger la communauté d’une contamination. De plus, on pensait que la maladie était une forme de rétribution (si cela t’arrive, c’est que toi ou tes parents ont pêché). Enfin, indirectement, on assumait une forme d’impuissance face à ce mal.
Alors les lépreux vivaient profondément cette coupure. Ils la portaient dans leur apparence, ils l’annonçaient par leur parole « Impur ! », qui voulait dire : « Éloignez-vous de moi ».
Chacune, chacun de nous, qu’est-ce qui nous fait vivre parfois une telle coupure ? Ce sentiment de liens rompus, d’isolement, de mise à l’écart, d’incompréhension ? Quand avons-nous dû dire : « Éloigne-toi de moi » ? Ou quand l’avons-nous ressenti ?
Nous avons toutes et tous des réponses différentes à cette question en fonction de notre histoire de vie. Ce que les deux textes de la Bible nous rappellent ce matin, c’est qu’il y a dans toute démarche spirituelle le temps du consentement et le temps du cheminement.
Le consentement, c’est lorsque notre parole porte le mot « impur ». Autrement dit, lorsque, à la suite du Lévitique, nous reconnaissons ce qui est – quelle que soit la forme que puisse prendre le mal qui nous coupe des autres, de Dieu ou de nous-mêmes. Prendre le temps d’accepter que c’est là, que c’est ce qui est, qu’il faut en prendre la mesure.
Si le Lévitique donne toutes ces règles de comportement en parlant de la lèpre, c’est pour indiquer l’impact important sur notre personne tout entière de certains événements, de certaines paroles, de certaines souffrances. Consentir à ce qui est, c’est une démarche essentielle de toute vie spirituelle.
Le consentement, c’est lorsque notre parole porte le mot « impur » : c’est ce qui est, le réel que j’accueille tel qu’il est et sur lequel je n’ai pas de pouvoir.
Le cheminement, c’est lorsque notre parole porte les mots « si tu le veux, tu peux me purifier » : c’est ce qui peut devenir, ce qui est force de transformation, de changement, d’ouverture.
L’homme qui s’approche de Jésus est un lépreux. Il connait les règles de l’époque, il sait la coupure et l’interdiction d’entrer en lien. Il sait qu’il devrait crier « impur », mais il choisit de crier « si tu le veux, tu peux me purifier ». C’est la marque du cheminement qui part de ce qui est consenti et s’ouvre vers ce qui peut devenir.
La coupure n’est pas une fatalité. L’homme souffrant laisse émerger en lui un élan : il espère ce qui peut devenir. Il espère la purification, autrement dit : retrouver le lien avec les autres, retrouver sa place dans la communauté priante, se retrouver lui-même enfin entier, comme un être de relation.
Et à la question adressée au Christ : « Si tu le veux, je peux à nouveau être un être humain de relations, je peux à nouveau être habité par le souffle de l’Esprit, être à nouveau enraciné dans l’amour du Dieu qui est à l’origine et à la fin de tout, être à nouveau simplement un humain au milieu des autres humains, à la fois unique et semblable », à cette question, le Christ répond : « Je le veux ».
Il met en mots l’énergie d’amour qu’est Dieu au coeur du monde. Il met en mots cette énergie qui veut la réconciliation, l’unité, le lien. Il met en mots qu’il y a toujours un devenir, une espérance, un chemin ouvert qui fait que l’avenir n’est pas la copie du passé. Malgré toutes les forces qui veulent nous faire croire le contraire.
Aujourd’hui, dans notre société, nous ne connaissons plus la lèpre. Mais nous connaissons toujours ce qui nous coupe des autres, et de l’Autre, cette source de lumière en nous, autour de nous, au-dessus de nous, ce Dieu Esprit, Fils et Père.
Consentir à cette réalité, c’est reconnaître qu’il y a tant de choses dans l’existence face auxquelles nous sommes impuissants. C’est ce que représente dans le Lévitique le cri que doit pousser le lépreux : « impur ».
Cheminer, c’est partir de cette impuissance pour découvrir ce sur quoi nous avons tout de même un peu de pouvoir. Et croire qu’il y a un avenir différent possible. C’est ce que représente la démarche du lépreux auprès du Christ : «Si tu le veux, je peux être purifié».
Travailler sa spiritualité, c’est faire de la place en nous pour l’un et pour l’autre. Consentement et cheminement. Et accueillir cette voix du ciel sur la terre qui nous dit : « Je le veux ! ».