
Écouter le culte :
L'amour de Dieu surclasse la justice : il n’y a pas de jugement dans la joie du père qui retrouve son fils. Ce que l'on retire généralement de la parabole de l'enfant prodigue est parfaitement légitime : il s'agit de l'immense miséricorde de Dieu, d’un amour qui ne s’arrête pas aux torts, de l'inimaginable potentiel d'accueil de ce Père auquel nul autre parent ne peut se comparer.
Nous avons sans doute du mal à croire que nous sommes ainsi aimé·es de Dieu, et pourtant ce chapitre 15 de Luc ira encore plus loin que cet amour inconditionnel. Comment est-ce possible ?
Au début du chapitre on voit les pharisiens et les scribes, les religieux et les lettrés, s'indigner parce que Jésus fait bon accueil aux percepteurs d’impôts (qui en prennent un peu pour eux) et aux pécheurs, des gens de mauvaise vie. Jésus répondra par des paraboles qui soulignent toutes que le retour de ceux qui s'étaient perdus donne plus de joie à Dieu que la fidélité intacte des « justes ».
Que Dieu puisse éprouver de la joie à notre sujet est déjà surprenant. Est-ce que je suis digne que Dieu se réjouisse de moi ? Pas sûr ! Car nous le considérons souvent comme trop lointain : Il y a bien quelque chose au-dessus de nous… Mais ce « plus » de joie procurée par le pécheur qui revient à Dieu éveille la jalousie des personnes qui se croient meilleures, irréprochables, et bien plus proches de Dieu que les autres.
L’Évangile de ce matin nous oriente vers la recherche d'un amour qui surclasse toute justice humaine. Cet amour existe, et nous l'appelons « Dieu », car, selon les Écritures, Dieu est amour, un amour de qui dépasse notre intelligence et notre manière d’être juste.
Et puis, la parabole nous envoie plusieurs signaux en direction des événements de la Pâque de Jésus, son passage par la croix et par la résurrection. Tenez, le fils cadet… Le fils cadet représente tout être humain pécheur, chacun et chacune de nous qui se couperait de sa source, de son origine, de ce Dieu Père qui nous veut vivants, debout et heureux.
Et si nous allons plus loin ? Ce fils de Dieu égaré, c'est l'humanité entière. Les textes abondent qui nous disent que tous les humains, quelles que soient leurs origines religieuses ou culturelles, ont besoin d'être réconciliés. Un besoin qui se fait sentir à tout moment de l’Histoire et plus encore sans doute aujourd’hui.
Cette réconciliation dans les Écritures s'opère par la Pâque du Christ, son alliance indéfectible par sa mort et sa résurrection, c'est pourquoi notre Évangile se termine par : « Ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il a été retrouvé. » Des mots qui appartiennent au vocabulaire de la résurrection.
La parabole de l'enfant prodigue est donc une illustration de toute l'aventure humaine. C'est pourquoi, plutôt que de trop vite l'utiliser pour faire de la morale, il vaut mieux céder à l'admiration devant l’amour du père et la démarche du fils retrouvé, et entrer dans la joie de la fête plutôt que dans la crispation devant nos égarements.
Et si le fils exilé était même une image du Christ lui-même ? Pas évident… Car cet enfant exige de toucher son héritage avant la mort de son père et l’efface de sa vie, quitte la maison pour aller mener grande vie, des détails qui ne peuvent pas s'appliquer au Christ Jésus.
Pourtant, ce que ce fils cadet fait par convoitise, le Christ, lui, va le faire par amour. Pas les mêmes actes, mais le même dessaisissement de sa vie, tout perdre… Jésus, Fils de Dieu, va jusqu’à « s'exiler » librement, lui qui va prendre notre condition humaine, totalement.
Et il n'a pas pris seulement la condition humaine abstraite mais bien la condition humaine de toute l’humanité capable d’agir le mal et de se couper de Dieu. « Il s'est encore abaissé lui-même jusqu'à la mort, et à la mort sur la croix. »
Dans notre deuxième lecture, Paul écrit : « Celui qui n'a pas connu le péché – le Christ, Dieu l'a pour nous identifié au péché des hommes, pour que, par lui, nous soyons justes devant la justice de Dieu. »
Le Christ rejoint le fils prodigue non pas dans son péché, dans sa coupure d’avec son père, mais dans sa détresse. Il s'identifie à lui, à nous, lorsque nous sommes dans l’égarement, la détresse ou lorsque nous agissons le mal.
A partir de là, le fils cadet, comme Jésus Fils de Dieu, peuvent ensemble revenir vers le Père. Un père qui consent à réserver au coupable le sort du juste, et ça, c’est un amour qui nous dépasse complètement, un père qui va jusqu’à inviter à la joie de la fête.
Le peintre Rembrandt a magnifiquement représenté la scène du retour du fils prodigue dans les bras de son père. Vêtu de rouge sur le haut de son corps, ce père qui est grand, enraciné, debout, qui porte ce rouge signe de la royauté divine et de la passion, ce père de la parabole accueille son fils en posant délicatement ses mains sur lui qui est humblement agenouillé à ses pieds : une main gauche large et pleine de force, et une main droite fine et douce. Ces deux mains disent au fils combien le père l’aime encore et encore. Sa joie, c’est que son fils soit de retour et qu’il soit vivant.
Ainsi en est-il de Dieu qui est Amour. Il ne cesse de nous accueillir et de se réjouir à chaque fois que nous retournons à lui. Et même si nous ne ressentons rien de sa présence, il pose ses mains sur nous avec douceur et nous communique son pardon et surtout sa joie.
Dieu nous accueille inlassablement comme ses fils et filles bien-aimés. Il connaît nos égarements, nos faiblesses, nos failles, mais il connaît aussi nos désirs de vivre, nos rêves, notre désir de suivre le Christ, de l’aimer et d’aimer.
Alors l’audace de Dieu, c’est de faire le pari de l’humain. Dieu ne nous abandonne jamais. À chacune et chacun de nous, Dieu fait confiance. Que son Esprit nous donne l’audace d’y croire à la joie et à la confiance qu’il nous donne.
Alors reprenant les mots du Psaume 34, nous pouvons nous joindre à la louange du psalmiste :
Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse en ma bouche.
Je cherche le Seigneur, il me répond,
et de toutes mes frayeurs, me délivre.
Qui regarde vers Dieu resplendira,
sur son visage plus d’amertume.
Amen.