Écouter le culte :
L’Action chrétienne en Orient (ACO) ouvre pour nous une fenêtre sur la vie des chrétiens au Liban, en Syrie, en Iran, en Irak. Par cette fenêtre on découvre des croyants héritiers d’une histoire magnifique, deux fois millénaire, mais aussi une histoire marquée par de grandes souffrances et persécutions.
Dans tous ces pays, nos frères et sœurs forment une minorité, une minorité fortement persécutée en Iran, en Irak et dans certaines régions de Syrie, une minorité tolérée en Égypte mais souvent sous une pression redoutable de la société. Au Liban, cette minorité est bien intégrée mais fait face avec tous les Libanais à une crise économique terrible et à beaucoup de corruption. Dans toutes ces situations, une question revient : y a-t-il un avenir pour ces communautés chrétiennes ?
Dix pourcents des chrétiens libanais ont quitté le pays l’année passée et peut-être autant cette année. Faut-il rester ou partir ? La question se fait aiguë pour les jeunes et les familles qui se demandent si le Liban a un avenir à leur offrir.
Comment accompagner nos frères et sœurs au Moyen Orient dans ces questions ? Avec humilité bien sûr. Que leur dire en tant que Suisse au bénéfice d’une pleine liberté et d’une grande sécurité ? On peut leur parler de patience comme le fait Jacques dans sa lettre : « Prenez patience frères et sœurs. »
Mais quelqu’un disait avec beaucoup de sagesse que « la patience sans vision ou révélation est un perd-temps. » Pour faire preuve de patience et pas de résignation, il faut pouvoir s’appuyer sur une révélation et lever les yeux vers une espérance.
Par plusieurs aspects, la situation des chrétiens au Moyen Orient me rappelle celle de Jean-Baptiste dans sa prison. J’imagine celui-ci qui tourne en rond dans sa cellule et ressasse cette question : Jésus est-il bien le messie qui doit venir ? Est-ce par lui que viendra le salut et la justice ? Ou faut-il chercher ailleurs ?
Au moment de le baptiser, Jean-Baptiste a reconnu en Jésus le Messie. Mais dans sa prison il se trouve écartelé entre l’espérance que ce baptême a fait naître en lui et le fait d’être prisonnier. On comprend bien le dilemme de Jean-Baptiste : le Messie est là en Israël, mais les Romains aussi sont toujours là. Ils occupent le pays et malgré Jésus, rien ne semble changer. L’injustice et l’impiété continuent à fleurir. Si Jésus est le Messie pourquoi ça ne change pas, pourquoi n’établit-il pas la justice ?
Les chrétiens du Moyen Orient sont eux aussi pris entre deux réalités : il y a d’une part leur espérance chrétienne. Elle est portée par des promesses bibliques magnifiques dont plusieurs parlent spécifiquement du Liban et d’Égypte ; et d’autre part il y a le constat que ces Églises ne cessent de s’affaiblir jusqu’à être menacées dans leur existence même. Après 20 siècles de présence chrétienne au Moyen Orient, où se trouve l’avenir pour les chrétiens d’aujourd’hui et leurs enfants ? La question est très douloureuse pour beaucoup d’entre eux qui aiment profondément leur pays.
Mais revenons à Jean-Baptiste. Que répond Jésus à sa question ? « Allez raconter à Jean ce que vous entendez et voyez, dit Jésus. Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés de leur lèpre, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. »
Jésus renvoie les disciples de Jean-Baptiste lui raconter ce qui se passe là où est le Messie. La pauvreté ne disparaît pas de la terre mais la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. La cécité ne disparait pas, mais des aveugles voient, la mort n’est pas effacée mais des morts ressuscitent. Jésus n’efface pas le monde ancien, mais il y dépose des signes du monde nouveau, du monde à venir.
Jésus dit à Jean-Baptiste : le Royaume de Dieu vient, il est déjà là, éclatant mais par petites touches. Comme des étoiles sur un fond de ciel obscur. Alors à Jean-Baptiste qui va rester en prison et même y être décapité, Jésus dit : « Heureux celui qui n'abandonnera pas la foi à cause de moi ! »
Heureux, dit Jésus, celui qui n’abandonnera pas la foi à cause de moi et de la discrétion avec laquelle je fais venir le Règne de Dieu.
Je suis allé au Liban en janvier et notamment à Tripoli, au nord du pays. J’ai vu une paroisse protestante tellement réduite que je me suis demandé si au milieu de tant de difficultés et d’adversité cette paroisse existerait toujours dans dix ans ? C’est d’ailleurs une question qui peut se poser à des paroisses en Suisse aussi.
En poursuivant mon voyage, la tête pleine de questions, je suis arrivé à Anjar, une petite ville de la plaine de la Bekaa entre Beyrouth et Damas. Et là j’ai fait un constat différent. Avec sa femme, le pasteur, en plus de la paroisse, fait vivre une école et un pensionnat. Des enfants qui autrement seraient largement livrés à eux-mêmes apprennent à lire et à calculer, à faire du jardinage, à désherber et arroser. Ils apprennent à se respecter. Dans cette école de langue arménienne, on commence chaque journée avec un partage biblique et la découverte des valeurs chrétiennes. Certaines familles musulmanes y envoient leurs enfants pour la qualité de ce qui y est enseigné.
Après quelques heures là-bas, je me suis rendu compte de ce qui se passait en moi. Le ministère de ce couple qui porte à la fois l’école et la paroisse d’Anjar me rendait presque jaloux. J’ai alors compris quelque chose de magnifique : j’avais sous les yeux des signes du Royaume de Dieu.
Au cœur du Liban en crise, dans cette pleine de la Bekaa qui accueille d’immenses camps de réfugiés syriens, moi le pasteur suisse bien installé, je n’étais pas en train de plaindre ce couple mais de l’envier. A Anjar, je n’ai pas vu de morts ressusciter, mais j’ai vu la bonne nouvelle annoncée aux pauvres de façon très concrète, j’ai vu des signes du Royaume de Dieu. J’ai vu des jeunes filles broder les mots foi, espérance et amour.
Et c’est devenu clair pour moi : oui, il y a une grande pertinence à faire vivre un témoignage chrétien au Liban comme dans les pays alentour. Partout au Moyen Orient, les écoles portées par les Églises accueillent des enfants chrétiens et musulmans et parfois une majorité d’enfants musulmans. On y apprend le respect de l’autre dans des sociétés qui vivent de graves tensions intercommunautaires. Je ne veux pas idéaliser ce qui se vit dans ces écoles, mais je relève qu’on y cultive la paix, qu’on y vit l’Évangile, qu’on y déploie des signes de ce Royaume qui vient, le Royaume de Dieu.
Au Moyen Orient, bien des chrétiens sont mis à l’écart, méprisés ou menacés, mais il y a aussi bon nombre de musulmans qui leur demandent de ne pas partir et de continuer à déployer leur témoignage.
J’ai mentionné tout à l’heure l’appel de Jacques, à savoir patienter dans la détresse. Jacques dit précisément : « Prenez patience jusqu’à ce que le Seigneur vienne. » Il y a bien des situations dans la vie où il faut savoir patienter, mais pas n’importe comment. S’il est juste parfois de faire le dos rond face à certaines difficultés, on doit le faire « en attendant que le Seigneur vienne ».
Patienter oui, mais avec une espérance chevillée au cœur et en guettant les signes du Royaume de Dieu autour de nous. Et plus même que de les guetter, on peut déposer nous-mêmes de ces signes, de ces paroles qui disent que le Seigneur vient. Dans le temps de l’Avent, on se souvient que Jésus est venu. Mais on se souvient aussi qu’il est à venir, qu’il reviendra comme roi, établir le Règne de Dieu.
Ce qu’il adviendra des communautés chrétiennes au Moyen Orient, je ne le sais pas, mais je sais qu’aujourd’hui même au Liban, en Syrie, en Iran, en Irak, en Égypte, nous avons des frères et sœurs qui agissent au nom de leur foi avec l’espérance chrétienne chevillée au coeur.
Que le Seigneur renouvelle leur espérance et la nôtre. Amen.
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Bénédiction
Qu’ici et au Moyen Orient,
Dieu le Père nous assure de son amour ;
Que Jésus le Christ nous visite, nous console et ravive en nous l’espérance ;
Que l’Esprit-Saint nous fasse voir les signes du Royaume qui vient.
Le Père, le Fils et l’Esprit Saint nous donnent de vivre et d’agir dans le sens de ce Royaume qui vient.
Amen