Écouter le culte :
Commençons par un dialogue
Chers amis, chers auditeurs,
Pour préparer ce rendez-vous radiophonique, j’ai eu recours à l’aide de l’intelligence artificielle, en demandant à ChatGPT : « Qu’a fait l’homme riche à qui Jésus a dit ‘Va, vends tout ce que tu as, donne le produit aux pauvres, viens et suis-moi’ ? ». Après un bref résumé du texte, l’assistant conclut ainsi : « L'homme riche a donc refusé de suivre le conseil de Jésus de vendre ses biens et de les donner aux pauvres, car il était attaché à ses richesses. »
Je demande encore ce qui permet de conclure ainsi et voici la réponse : « Bien que l'histoire ne décrive pas explicitement les pensées intérieures de l'homme riche, ces éléments indiquent clairement qu'il a choisi de ne pas renoncer à ses biens, contrairement à la demande de Jésus. »
Je renchéris : « Ce ne sont là que des suppositions... ». La machine se justifie : « Vous avez raison, les détails de l'histoire de l'homme riche dans les Évangiles ne nous donnent pas une compréhension complète de ses pensées intérieures. Les Évangiles nous informent principalement de sa réaction initiale de tristesse et de son départ, mais ils ne fournissent pas d'informations détaillées sur ses motivations profondes. » Fin de citation.
Dépasser les limites
Alors, si la machine ne peut aller au-delà de ce que dit l’Évangile, qu’est-ce qui nous empêche, nous, de rejoindre cet homme, d’explorer ce qu’ont pu être ses pensées profondes ? Car, si on est tout à fait honnête, la réaction de l’homme riche reste ouverte. Comment la réponse de Jésus a-t-elle fait son chemin dans son esprit ? S’est-il un jour effectivement dessaisi de ses biens ? A-t-il un jour fait le pas de suivre Jésus ? Toutes ces questions, pertinentes s’il en est, ne trouveront de réponses que dans notre propre réflexion, notre interprétation, notre foi personnelle et communautaire. Et elles nous prouvent, si besoin, que la Bible ouvre d’abord à des questions auxquelles chacun a la liberté de répondre, plutôt qu’elle n’impose de réponses toutes faites, définitives et qui ferment le débat.
Comme souvent, en répondant ainsi, Jésus incite son interlocuteur à un questionnement intérieur, à une prise de conscience, à un changement de regard. « Serais-tu prêt à tout abandonner, à être vraiment libre, et libre de tout, pour me suivre, moi, que tu ne connais pas ou si peu et à risquer ainsi la confiance ? »
Il y a eu des précédents, souvenez-vous : Jacques et Jean, les fils de Zébédée qui ont laissé leur père, leur barque et leur gagne-pain pour suivre un inconnu qui les a dérangés en plein travail. Et Lévi, le collecteur d’impôts, ou ces hommes et ces femmes qui se sont mis en route à la suite de Jésus en louant Dieu. Et cela sans aucune assurance de lendemains qui chantent. Quelles ont été leurs motivations profondes ? Les textes n’en disent rien, mais laissent transparaître une réponse immédiate à un appel. La réaction de l’homme à qui Jésus s’adresse aujourd’hui laisse ouvert tout un champ de possibles.
L’heure d’un choix
Mais voilà, la réponse de Jésus est radicale et elle déçoit l’homme riche, elle l’attriste. Elle le place devant un choix. Et elle nous place, nous lecteurs, nous auditeurs du texte, à un choix aussi : s’arrêter à ce que dit le texte ou tenter de voir un peu plus loin
L’homme riche n’est pas condamné par Jésus. L’accès à la vie éternelle lui est encore ouvert. Jésus ne l’exclut pas. Et j’ai confiance que Dieu saura prendre soin de cet homme, quelle que soit sa décision. La suite du texte – que je vous invite à lire après ce culte – rapporte qu’il est difficile à un riche d’entrer dans le Royaume, comme à un chameau de passer par le trou d’une aiguille.
Encore une image sujette à interprétations. Cela pour dire que l’entrée dans la vie éternelle ne dépend pas de nous. Car, c’est Dieu, seul bon, qui peut rendre l’impossible possible.
À chaud, l’homme riche reste bloqué, il ne peut répondre positivement à Jésus. Mais, peut-on exclure tout changement de cet homme ? Il m’arrive – et à vous aussi peut-être – d’être si déstabilisé par une réponse que je ne vois aucun horizon, aucune issue, que je reste sans voix. Il me faut alors du temps pour digérer, pour faire le chemin intérieur que la réponse a initié en moi, à dépasser les premières émotions. Je suis persuadé que les réponses de Jésus ouvrent d’abord à de tels cheminements dont la conclusion ne peut appartenir qu’à chacun.
Bien sûr, nous ne pouvons pas entrer dans la tête de l’homme riche, cependant, je vous propose deux questions, parmi d’autres, qui pourraient être les siennes :
- La vie éternelle serait-elle à ce prix : tout perdre pour la gagner, sinon point de salut ?
- Cette vie-là ne serait-elle réservée qu’aux pauvres ; les riches en seraient-ils exclus ; pour eux, point de salut ?
Ce serait contraire à l’amour de Dieu pour chacun.
Ce que l’homme riche pourra découvrir, s’il fait un bout de chemin avec la réponse de Jésus, c’est que les mérites, l’obéissance à des règles, n’aident pas à obtenir la vie éternelle. Cette vie-là est une grâce de Dieu qui commence aujourd’hui, un cadeau de sa part. Et nous n’y pouvons rien ! Dieu est généreux et libre et c’est ainsi qu’il nous espère : généreux et libres. Il ne compte pas nos bons points, nos mérites, notre obéissance pour gagner notre place au Paradis, il nous invite à entrer dans une relation avec lui, faite d’intimité, de confiance, de vérité et de liberté.
La « juste » place des mérites
Notre liberté est conditionnée par toutes sortes d’injonctions à correspondre à des modèles, à choisir son camp, à mériter son salaire, à avoir une bonne situation, à ne pas perdre son temps, à croire ceci et penser comme cela. C’est une source de pression et de course sans fin, car à chaque injonction réalisée, il en succède une autre puis d’autres…
Jésus incite l’homme riche à remettre en question la place des mérites, des certitudes, des injonctions et des réponses convenues dans ses relations aux autres. Dieu nous invite ce matin à accueillir cette vie éternelle, cette relation qu’il nous donne, sans que nous ayons à la mériter par des actions héroïques.
Il ne veut pas de bons croyants bien obéissants qui auraient réponse à tout, mais des femmes et des hommes libres qui se posent des questions, qui se laissent interpeller par des réponses.
Sommes-nous prêts à accueillir sa grâce et faire un bout de chemin avec lui ? Dieu n’attend que cela.
Sachez-le : aucune intelligence artificielle ne pourra entreprendre ce chemin de confiance et de foi à notre place. Mais seul celui qui est bon, le Dieu de Jésus-Christ nous y aidera, car rien ne lui est impossible, si nous lui laissons l’espace d’une question qui fera son chemin en nous et dans notre relation à nos prochains.
Le croyons-nous ?
Amen.