Petites graines et grande promesse

Temple de Porrentruy (©AUJ)

Écouter le culte :

Introduction

Nous y voilà, c’est le matin de Pâques ! Des femmes sont arrivées au tombeau et… même si cette histoire est déjà bien connue, pourrais-tu, Emilia, nous raconter ce matin-là ? Nous dire la lumière et tout ce qu’ont vécu d’extraordinaire Marie de Magdala et Marie mère de Jacques ?

--------------------------

Narration 1

Oui je vous raconterai l’aube. Je vous raconterai l’heure bleue, cet instant magique qui dure quelques secondes et qui, le jour… mais d’abord laissez-moi vous parler de la nuit, car elle fait partie de l’histoire. Ma nuit à moi, Marie, nos ténèbres à toutes celles qui ont accompagné Jésus ces derniers jours.

Nous sommes plusieurs femmes à avoir entouré Jésus, ou celui que vous appelez l’Homme de Nazareth. Depuis la Galilée, on l’a suivi dans ses voyages, marchant avec d’autres disciples, on a écouté ses discours, on en a répété certains. Nous l’avons questionné quand nous nous sentions perdues, nous avons eu peur pour lui lorsque la foule hurlait et nous comprimait. On a mangé le même pain et l’avons aidé comme on le pouvait dans ce qu’il entreprenait.

J’ajouterai enfin que si reconnaître le son de ses pas, son odeur, deviner ses émotions – même les plus discrètes – partager son rire, c’est aimer une personne : oui, moi et d’autres avons suivi Jésus, l’avons aimé, comme un frère ou un fils, comme une lumière chaude qui réconforte. Je ne prétends pas connaître Jésus complètement. Il est beaucoup trop mystérieux et imprévisible pour cela. Il ne faisait jamais ce qui est attendu, défendant par exemple des marginaux que tout le monde condamnait.

Vous savez, quand un de vos proches meurt, le corps a beau être là devant vous, ce n’est plus la personne que vous avez connue. La vie a disparu, c’est comme si on vous avait volé l’autre et piétiné le cœur.

C’est ça, la nuit, ce « tout vide, tout froid », cette insupportable sensation d’un trou sans fond qui vous aspire.

Et vous savez quoi ? Les soldats romains avaient si peur qu’on vienne prendre le corps dans le tombeau pour prétendre son retour à la vie, qu’ils l’ont surveillé.

Après qu’un homme riche, Joseph, ait déposé le corps de Jésus, enveloppé dans un drap neuf, dans le tombeau qu’il s’était creusé pour lui-même, il a fermé le tombeau d’une grosse pierre. Et les gardes se sont installés, aboyant comme des chiens sur toute personne qui s’approcherait trop près. Le reste du temps, s’occupant avec leurs jeux d’osselets et leurs galettes au piment.

Avec Marie de Magdala pourtant, le jour qui a suivi le sabbat, nous avons décidé de nous y rendre. J’étais si triste, si fâchée, j’avais besoin de voir la pierre pour m’apaiser. Et même si nous ne pouvions pas embaumer le corps, nous voulions au moins poser notre main sur la pierre qui clôt la tombe pour dire « nous sommes toujours là et nous ne t’avons pas oublié ».

Mais en chemin, juste avant d’arriver, j’ai trébuché. Marie à côté de moi est tombée aussi. Non, nous ne nous étions pas pris les pieds dans une racine, c’est le sol qui s’est mis en mouvement. La terre a tremblé dans un fracas sourd. Des branches sont tombées des arbres, de la poussière s’est soulevée du sol, puis le silence. Mon cœur martèle dans ma poitrine, on regarde les gardes ; certains sont roulés en boule, les mains sur la tête. Certains tremblent, d’autres sont tétanisés. « Ils sont morts », j’ai pensé. Ils sont blêmes.

Puis un jet de lumière, un éclair à la silhouette humaine qui brille, scintille si fort qu’on ferme les yeux. À travers mes doigts, dans cet éclat blanc, une toute petite personne, maigre, vive (un enfant ?). Ses vêtements sont couleur neige, elle s’appuie contre le tombeau et dans un bruit granit, la pierre roule sur le côté. Puis elle s’assied dessus paisiblement.

Les soldats se cachent comme ils peuvent, tétanisés, grelottant comme moi. Vous auriez aussi eu peur, vous ?

--------------------------

Prédication 1

Oui, il y a de quoi effrayer n’importe qui, les gardes aussi, même les plus courageux. Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour eux ce matin. Ils devaient surveiller un mort et ce sont eux qui deviennent comme morts. Quel malheur ! Les pauvres, ils n’entendront pas le message de la résurrection. Oui, car il faut être bien vivant pour entendre une telle nouvelle !

Et nous, sommes-nous bien vivants ce matin ? Quelle a été notre première pensée en nous réveillant ? Qu’est-ce qui nous a poussés à ouvrir un œil, à mettre un pied hors du lit ? Sommes-nous bien vivants pour entendre cette folle nouvelle du matin de Pâques ?

Je pense aussi aux femmes qui sont là… passives. Dans les évangiles de Marc et Luc, les femmes trouvent la pierre déjà roulée, elles entrent dans le tombeau et rencontrent l’envoyé du ciel. Mais dans l’évangile de Matthieu, c’est l’ange qui se charge de rouler la pierre, en présence des femmes. Elles n’ont même pas à entrer dans le tombeau, les événements se passent dehors, du côté de la lumière. L’essentiel se tient non dans ce qu’elles font, mais dans le message qu’elles vont entendre…

--------------------------

Narration 2

La silhouette se tourne vers nous : « N'ayez pas peur. Je sais que vous cherchez Jésus, celui qu'on a cloué sur une croix. Il n'est pas ici, il s'est réveillé de la mort, comme il l'a dit. Il n’est plus là où il était couché. Ensuite, repartez dire à ses disciples : ‘Il s'est réveillé de la mort et il vous attend en Galilée. Vous le verrez là-bas.’ Voilà ce que j'ai à vous dire. »

Et aussi vite qu’apparue, elle a disparu. J’avais encore la trace bleue de la lumière au milieu de la vision. Marie et moi nous sommes regardées stupéfaites, si j’avais été seule j’aurais cru à un rêve. On voyait l’intérieur du tombeau : vide ! 

On est parties en courant, à la fois joyeuses et effrayées. C’était fait ! Comme il l’avait dit, il s’est relevé ! Il fallait retrouver les disciples pour leur dire… dire quoi ? « Il est n’est plus mort ! » Mais qu’est-ce qu’il est, alors ? Re-vivant ? Est-ce possible ? Est-ce vrai ?  Et toujours cette crainte qui ne me quitte pas…

--------------------------

Prédication 2

« N’ayez pas peur ! », dit l’ange du Seigneur. Facile à dire ! Mais comment ne pas avoir peur face à de tels événements ? Si déjà l’ange leur parle ainsi : « N’ayez pas peur ! », n’aurait-il pas pu empêcher la mort injuste de Jésus ? Pourtant il ne l’a pas fait. Alors, est-ce qu’il l’a ressuscité ? Eh bien… non ! L’ange est là pour ouvrir le tombeau et pour montrer aux femmes que le tombeau est bien vide. Celui qu’elles cherchent, Jésus, le crucifié, n’est pas ici, car ce matin, il n’a plus sa place parmi les morts.

Il est vivant ! Littéralement, il s’est réveillé de la mort. Les femmes sont venues pour voir le tombeau, mais en quelque sorte, l’ange leur dit : « Circulez il n’y a rien à voir ! » Dans ce tombeau, il n’y a que le vide… Et pourtant, c’est à partir de ce vide, de cette absence que va renaître l’espérance de ces femmes ce matin-là, et puis l’espérance du monde chaque matin. La puissance de Dieu ne réside pas dans la force, mais dans la fragilité de l’amour.

Les femmes reçoivent alors une mission, elles doivent annoncer la nouvelle aux disciples : « Il est ressuscité, il vous précède en Galilée, c’est là que vous le verrez. » Le tout premier rendez-vous se fera donc en Galilée.

La Galilée, c’est le pays des disciples, le pays de leur enfance. C’est là qu’ils ont entendu le tout premier appel de Jésus : « Viens et suis-moi ! ». C’est là qu’ils renoueront avec la présence nouvelle du Ressuscité.

La résurrection ne se situe pas aux confins de ma vie, dans un autre temps, voire un autre monde. Elle se situe au cœur de ma vie, dans le présent, quoiqu’il se passe. C’est aujourd’hui, dans ma Galilée, dans ma vie de tous les jours que je suis appelée à entendre ce message, à me relever et à témoigner de ma foi.

Le pasteur et théologien français Antoine Nouis le dit ainsi :  « La résurrection n’est pas un acte de puissance destiné à manifester au monde entier la revanche de Dieu, elle est une expérience de vie pour relever les disciples découragés et pour les envoyer comme témoins. » (A. Nouis, p.225).

Oui, malgré nos inquiétudes pour nous-mêmes et pour le monde, Dieu nous invite aujourd’hui à passer du désespoir à l’espérance, de la tristesse à la joie, de la peur à la confiance, de la mort à la vie. Un peu comme s’il y avait urgence !

--------------------------

Narration 3

On marchait aussi vite que possible, Marie faisant d’immenses pas et moi courant à côté puisque je n’ai pas ses longues jambes. Au milieu du chemin, quelqu’un, debout, nous regarde. On s’arrête. Cette fois, je ne peux pas y croire. Je saisis la main de Marie pour sentir quelque chose, quelqu’un qui me confirme que je suis bien éveillée.

Devant nous se tient Jésus avec son vêtement beige raccommodé en bas à droite (je le sais, c’est moi qui ai recousu). Avec ses cheveux noirs en pétard et son regard très doux, il nous regarde, il sourit : « Je vous salue ! ».

On s’incline à terre et je me rappelle cette fois où il a lavé les pieds des disciples. Nous posons nos mains sur ses pieds pour sentir sa peau, l’adorer, l’accueillir du retour d’un voyage dans la mort que personne avant n’a vécu auparavant.

Il nous regarde : « Vous n’avez pas à avoir peur ; allez dire à mes frères et mes sœurs de se rendre en Galilée. C’est là que nous nous retrouverons ».

Quand on reprend la route, la peur est partie. Le soleil s’est levé. Dans mon cœur aussi, c’est devenu le printemps. Marie et moi avons ri, jamais je n’avais été aussi heureuse. Je voyais autour de moi que les bourgeons ont éclos sur les oliviers, je sens le vent souffler, entends les insectes voler : c’est le son de la vie. Et même si ce soir la nuit tombe, cette Aube avec un grand A, cette promesse de vie me couvre comme un édredon et me promet un matin.

--------------------------

Prédication 3

Les femmes s’éloignent du tombeau et de la mort, elles courent vers la vie ! Elles ont peur, mais elles sont dans la joie. N’est-ce pas contradictoire ? Ici, leur crainte n’a rien à voir avec la peur des gardes. Leur crainte, c’est comme ce sentiment que nous avons quand un événement nous dépasse et appelle toute notre attention, tout notre respect. Par exemple, la naissance d’un enfant, des retrouvailles ou une rencontre que l’on attend depuis longtemps. Souvent, ces événements nous procurent un frémissement, une appréhension, mais en même temps, une grande joie.

Et quand il s’agit de la présence de Dieu, alors oui, cela nous procure une joie toute particulière. Cette joie est au-delà du sentiment d’être heureux. C’est pour cela qu’elle est si profonde. En grec, le mot « joie » [chara] est très proche du mot « grâce » [charis].

Cette joie-là, cette grâce-là ne dépend pas des événements extérieurs, mais de notre confiance en ce Dieu qui est là, présent dans chaque instant.

Cette joie, on dirait qu’elle donne des ailes aux femmes – qui sont impatientes de partager la nouvelle. Alors oui, elles courent, et dans leur course, elles rencontrent le Ressuscité. Ce sont elles qui devaient partir pour annoncer sa résurrection, mais c’est lui qui vient à leur rencontre. À partir de là, la joie pourra prendre toute sa place. La parole de l’ange ne suffisait pas, il a fallu la rencontre avec le Ressuscité pour que la vie et la joie éclatent !

Plus tard, tout à la fin de l’évangile, Jésus ressuscité fera une promesse aux disciples : « …et moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps. » (Mt 28, 20)

De cette rencontre et de cette promesse peut naître la vie… comme une petite graine qui germe et grandit.

Et nous ce matin ? Comment vivons-nous cette rencontre avec le Ressuscité ? Vous, les enfants, les paroissiens ? Vous, chers auditeurs et auditrices : laisserez-vous la vie éclater en ce matin de Pâques ?

Quelle image utiliseriez-vous pour la décrire ? La vie qui refleurit après l’hiver ? La lumière qui revient après la nuit ? La joie qui nous donne envie de chanter et de danser ? 

Et si nous essayions de vivre la résurrection comme la promesse d’une rencontre qui a lieu chaque matin entre Dieu et nous ?

Chers amis, savourons la joie, même fragile, de cette promesse de résurrection. Le Christ nous précède et nous montre un chemin.

Je crois que la puissance de Dieu réside dans la fragilité de l’amour, dans la vie qui se fraie un chemin là où l’on ne l’attendait plus. Un jour nouveau commence, oui. Christ est ressuscité… la vie va refleurir !

Amen.

Un tombeau vide, un tremblement de terre, un ange surgit de nulle part... il y a de quoi avoir peur! Les paroles de l’ange rassurent à peine les femmes: «Il n’est pas ici, il est ressuscité!» Elles courent annoncer la nouvelle, mais il faudra la rencontre, la véritable rencontre avec le Ressuscité pour qu’elles entrent dans la joie de Pâques et se tournent vers la vie. Un peu plus tard, une promesse: «Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin des temps.» De cette rencontre et de cette promesse peut alors naître la Vie, comme une petite graine qui grandit et fait son chemin.

Détails

Célébration
Avec la participation de
Emilia Catafalmo, commédienne, pour les lectures. Avec la participation des enfants du catéchisme, accompagnés par les catéchètes Elizabeth Aubert et Marie Aebi
Orgue
Magali Adam
Musique
Avec Elodie Charpié à la flûte, et la chorale de la paroisse réformée de Porrentruy, sous la direction de Livia Moritz.