Lève-toi, il t’appelle!

La Rochette (©Pierre-André Léchot)

Écouter le culte :

Il y a dans ce récit une dynamique d’espérance absolument remarquable.

Jésus, passant par Jéricho, devait respirer à pleins poumons les instants présents. Il vit ses derniers jours, et il le sait. Dès le chapitre suivant, Marc nous conduit dans un basculement, celui de la Passion du Christ. Ici, Jésus est encore libre, il marche vers Jérusalem entouré d’une foule enthousiaste.

J’ai choisi ce récit, parce qu’il n’est pas une parabole, il est une histoire vécue, qui personnellement me touche profondément.

Bartimée est un mendiant, aveugle, un homme dont l’espérance s’est effacée au fil des années. Un homme qui, depuis bien trop longtemps, avait été condamné à une existence de pauvreté et de rejet. Oui, là, un malheureux, un anonyme parmi d’autres qui ne voit pas, mais, qui entend… Comme la plupart des personnes malvoyantes, Bartimée a développé diverses facultés. L’écoute, bien sûr, et plus particulièrement, cette faculté de sentir les choses.

Posé là, le long d’un chemin, cet homme entend une foule. Cette agitation peu courante suscite sa curiosité. Le texte suggère que Bartimée demande la raison de cet attroupement peu commun. Comme il ne voit pas, là, cloué au sol, il nous est facile de comprendre qu’il ne sait pas si quelqu’un a entendu sa question. Il ne sait pas… Alors que le bruit s’intensifie, tout en Bartimée est en alerte, et, au cœur de ce brouhaha, il entend : « C’est Jésus de Nazareth ! ».

Bartimée, toujours à terre, toujours invisible, crie fort, et surprend plus d’un badaud par sa détermination. Il crie tellement fort que des gens interviennent, réfrènent son ardeur et tentent de le museler.

Aujourd’hui dans de très nombreux pays, la voix des chrétiens est de plus en plus muselée, et, ça m’interpelle.

Ici, Bartimée démontre qu’il savait une chose, parce qu’il l’avait apprise depuis très longtemps. Il savait qu’il ne pouvait compter que sur sa voix pour exister. Sa vie entière lui avait dicté de ne faire aucun remous, et ça, il avait su le faire, or là, c’est fini !

Il résiste et crie beaucoup plus fort : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! » Toujours par terre, ce second cri sort comme d’une prison. Ce « Fils de David » crié si fort, hurlé, en dit long sur celui qui le prononce du tréfonds de sa souffrance. Alors qu’Israël avait en partie égaré son espérance quant à la venue du Messie.

Ce mendiant, clairement absent à cette foule enthousiaste, dans son cri de foi, discerne et donne à ce « Jésus de Nazareth » une reconnaissance messianique. Du tréfonds de son cœur, il attendait encore quelque chose, et je trouve cela très fort.

Jésus entend. Imaginons la scène comme si nous étions présents : Jésus ralentit le pas, puis s’arrête. Attendait-il ce cri ? Je le crois… Et là, tout en restant au cœur de la foule devenue tout à coup silencieuse, Jésus tourne son regard dans la direction du cri, et fait appeler, celui qui a eu l’audace de l’interpeller.

Là, soudainement, le vent tourne. Plus personne n’ose briser l’espérance de cet homme. Bartimée va entrer en contact avec deux présences : celle du Messie, et celle d’une communauté qui ne l’avait jamais considéré. Il prend subitement de l’importance en raison de son cri, et parce qu’il a crié, Bartimée peut sentir et même déjà saisir l’espérance qui est en devenir. Bartimée, toujours en alerte, entend alors : « Prends courage, lève-toi, il t’appelle ! »

Mettons-nous à la place de ce mendiant : il a dû ressentir une émotion et une force de vivre comme jamais. Ceux qui observent, émergent de leur surprise, et contemplent cet aveugle qui marche vers une nouvelle vie en Christ !

Cet homme, cet invisible, se lève d’un bond ! Il abandonne son manteau. À nos yeux, ça semble anodin, car nous, nous en avons beaucoup. Mais lui, son unique manteau, c’est énorme ; habit si précieux depuis des années, habit laissé à terre, tel un souvenir du passé. Le voilà qui marche à tâtons vers une rencontre inespérée.

Et là, nous les voyons littéralement face à face : Bartimée et Jésus. La foule, toujours silencieuse – j’ose dire, à son tour invisible – retient son souffle. C’est un moment de tension, d’attente et d’espérance indéfinissable. C’est aussi un moment de paix auquel beaucoup aspirent. Ce moment est cadeau de Dieu ! Il est don total, en réponse au cri d’un être qui s’autorise à croire.

En évoquant ce face à face, divers souvenirs remontent en moi. A 18 ans, j’ai vécu un tel moment. Un moment suspendu entre ciel et terre. Un face à face où plus rien ne comptait, hormis ce Jésus qui venait de se manifester à moi ! A 18 ans, en pleine crise existentielle, la présence et l’amour du Christ m’ont envahi et m’ont sauvé la vie dans tous les sens du terme. J’ai vécu un avant et un après.

Bartimée, là, au cœur de toute l’attention. Bartimée, le souffle encore haletant, ne dit rien. Que peut-il ajouter de plus ? Il écoute le silence de Dieu ! Silence habité par l’Esprit-Saint. Cet aveugle sent Jésus, là, très proche. Il vit un moment d’éternité, il le sait et il le reçoit.

Jésus débordant de bienveillance, rompt ce silence et libère une question : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Personne ne peut imiter cette voix, elle est de Dieu, elle est Dieu ! « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

« Rabbouni (mot traduit par Maître), fais que je puisse voir ! » Ce nom que Bartimée donne à Jésus est très fort. « Rabbouni », c’est un nom qui démontre une très haute estime, un immense respect. On retrouve ce nom une seule fois, dans la bouche de Marie de Magdala en face du Ressuscité, dans Jean 20, 16.

Dans notre récit, là, après avoir découvert la voix du Maître, pour la première fois, Bartimée va découvrir son visage. Il entend : « Vas-y, ta foi t’a sauvé ! ». Instantanément, il voit Jésus et comprend qu’il est guéri.

Tout l’horizon de ce mendiant s’ouvre, il retrouve sens à son existence. Son passé devient souvenir, laissant place au présent et à l’avenir. L’objectif journalier de ce mendiant, limité à quelques pièces de monnaie, ne sera plus jamais le même. Son objectif sera de cultiver l’espérance du Christ qui vient de répondre à sa foi, au travers d’une question personnelle : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Pour conclure, une question, une invitation : sommes-nous suffisamment humbles pour nous glisser dans cette foule, même en 2024 ? Trouvons-nous l’audace et la foi pour oser un cri, peut-être deux, pourquoi pas trois ?

Cette présence du Christ est accessible aujourd’hui encore, j’en suis témoin et cela me passionne depuis des dizaines d’années. Le mystère de la foi est grand, les textes bibliques fascinants !

Bartimée, libéré de son invisibilité. Bartimée, debout dans l’adoration. Cet homme qui a fait le choix de croire, puis de suivre Jésus, fait envie à toutes celles et ceux qui cherchent autre chose qu’un quotidien de mendiant.

L’espérance chrétienne s’attache à une personne : Jésus-Christ. Comme Bartimée, et pour tant d’autres à sa suite au cours des siècles, elle est une rencontre aussi déterminante qu’essentielle !

« Prends courage, lève-toi, il t’appelle ! »

Vous toutes et tous qui entendez ces paroles, soyez encouragés et en route vers l’espérance du Fils de David.

Amen.

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Poème à propos de l’espérance, par Ruth Léchot

L’espérance c’est ce qui te garde debout
Quand du tunnel tu ne vois pas le bout !

C’est la lumière que tu vois briller au loin
Quand de clarté autour de toi il n’y a point.

C’est le phare qui illumine la mer
Signifiant le salut au marin qui se perd.

C’est préparer la terre et l’ensemencer
En croyant qu’un jour les graines vont germer.

C’est éduquer l’enfant avec des valeurs
Et croire qu’elles seront pour son bonheur.

L’espérance ne trompe pas car Dieu en est l’auteur.
Elle comble de joie, de paix et bannit la peur.

Ce qui me donne de l’espérance c’est de Dieu la bonté
Et Ses tendresses qui ne sont jamais épuisées.

Mon espérance se nourrit de la foi et de l’amour :
Ma foi en Dieu qui est en ma faveur, toujours ;

Et l’amour de Celui qui a donné Sa vie
Pour que je vive pleinement en Lui.

Mon espérance me donne de l’assurance
Je peux traverser la vie avec confiance,

Car mon Créateur marche à mes côtés
Et c’est sur Lui que mon espérance est fondée !

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Bartimée: un homme à part entière et pourtant, aveugle et «mal-heureux». Cet homme au bord du chemin n’a d’intérêt que pour l’argent qu’il peut récolter pour aider sa famille, et encore...

Il entend une foule, se renseigne et, soudainement, crie: «Fils de David, aie pitié de moi!» La réaction est tout aussi soudaine; le faire taire… Jésus sait ce qu’il va faire, il discerne un horizon pour ce mendiant et donne sens à sa cécité, en établissant un lien entre son malheur et la gloire de Dieu. Ce lien conduit Bartimée sur un tout autre chemin, chemin de confrontation d’abord, puis chemin d’adoration porteur d’espérance «en-suite».

Détails

Avec la participation de
Ruth Léchot pour la liturgie, Martine von Büren pour les lectures
Orgue
Musique
Jacquelin Piaget et son groupe de louange