Des mains pour ressusciter - Culte du Souvenir

Temple d'Orzens (©Frédéric Burkhard)

Écouter le culte :

Nos mains en disent beaucoup sur nos personnalités, sur nos actions, sur nos intentions, sur nos réflexes et nos réactions. Comme nous venons de l’entendre à l’instant dans la chanson de Jean-Jacques Goldman, « Nos mains », nos mains peuvent être parfois généreuses ou fermées, douces ou agressives, fermes ou hésitantes. Elles sont donc le prolongement de nos états d’esprit et de nos désirs ou de nos résistances. Nos mains disent des possibles, des refus, des retenues.

Dans ce sens, je trouve très intéressant d’imaginer les mains des personnages de ce très beau récit de Jean 11 qui vient de nous être lu, à Béthanie, avec Jésus venu rejoindre la famille de Lazare qui vient de mourir.

Il est en effet intéressant d’essayer d’imaginer en quoi les mains des deux sœurs du défunt, mais aussi celles du Christ et celles des habitants du village contribuent ou pas à un cheminement d’espérance.

Oui, parce qu’au fond, le récit de la résurrection de Lazare, c’est le signe de nos propres résurrections, nos propres relèvements, nos propres espérances. Et les mains en disent long, je crois, dans cette histoire.

D’abord les mains de Marthe.

On sait, par un autre récit de l’évangile de Luc, que les mains de Marthe, l’une des deux sœurs du défunt, sont actives, engagées, au service. Souvenez-vous comment elles s’agitent pour recevoir dans cet autre récit, Jésus et ses disciples. Des mains qui aiment se mettre au service, pour que les autres soient bien. Des mains qu’on imagine généreuses.

Et là, au jour de la mort de Lazare, on entrevoit les mains de Marthe, toujours dans l’excès, exprimer le deuil, la colère, et le reproche. Sentiment légitime accueilli par Jésus.

Peut-être que les mains de Marthe qui vient à la rencontre Jésus martèlent sa poitrine. Ses mains qui disent la colère : si tu avais été là…

Mais les mains de Marthe en colère n’empêchent pas la confiance de se tenir tout près, juste là. Une confiance que vient chercher Jésus. Oui, comme s’il soufflait sur les braises de ce feu qui s’est presqu’éteint. « Je suis la résurrection et la vie, crois-tu cela ? » Autrement dit : arrives-tu à laisser émerger au creux de tes mains qui s’agitent la confiance que, dans la douce présence de Dieu, la mort n’a pas le dernier mot ?

La colère n’empêche pas la confiance. Et la confiance n’interdit pas non plus la colère en certaines occasions !

Puis les mains de l’autre sœur, Marie.

Les mains de Marie, on les a découvertes à un autre moment de l’évangile : douces, priantes, aimantes, soignantes. Des mains pleines d’affection et de reconnaissance quand elles versent sur les pieds du Christ un parfum pour l’honorer.

Ce jour, les mains de Marie sont plus émues, tremblantes peut-être. Marie est dans la même position que pour l’autre récit, à genoux, ses mains effleurent certainement les pieds du maître, mais cette fois pour dire la douleur, le regret, le doute. Des mains qui tremblent.

Comme pour Marie, il n’y a pas de contradiction entre ces deux récits, mais simplement deux moments différents, comme nous qui n’en sommes pas toujours au même point. Ne nous en voulons pas quand nous sommes tremblants et tristes. C’est un passage qu’il nous faut parfois emprunter.

Prenons un instant avec les mains du Christ.

Elles évoluent au fil du récit, et en particulier au fil de ce qui se passe autour de Jésus. Les mains de Jésus s’adaptent à celles et ceux qu’il rencontre.

Elles sont d’abord déterminées : pour aller à Béthanie, pour visiter ses amies en deuil. Des mains fermes qui montrent le chemin aux disciples, comme à tous les croyants : ne vous cachez pas devant le deuil. Affrontez la souffrance des hommes et des femmes. Osez les rencontrer.

Des mains qui vont ensuite se faire plus délicates. Des mains consolantes. On imagine volontiers le Christ qui prend dans ses bras Marthe en pleurs. Ou ces mêmes mains du Christ qui relèvent Marie. Des mains qui encouragent.

Les mains de Jésus deviennent soudain plus hésitantes, elles tremblent probablement. On nous dit à deux reprises que Jésus est profondément ému, troublé. Qu’il pleure. Ému, troublé par la mort de son ami Lazare, par la souffrance de ses proches qui l’assaillent. Ému et troublé par les doutes qui circulent dans le village : celui qui a ouvert les yeux d’un aveugle n’a même pas réussi à sauver son ami… Les mains hésitantes, tremblantes, émues du Christ nous signalent son infinie compassion pour toutes nos misères.

Et des mains qui deviennent invitantes et priantes à la tombe : venez ! Venez voir. Venez croire. Venez prier. Des mains qui à nouveau accompagnent les humains que nous sommes pour retrouver la saveur de vivre.

Enfin, nos mains. Celles des témoins du tombeau de Lazare qui s’ouvre. C’est le dénouement. La vie resurgit après tant d’étapes, après tant d’émotions contradictoires.

Dans cette dernière étape, ce sont nos mains qui sont mobilisées et réacclamées. Pour deux choses essentielles :
1. Rouler la pierre du tombeau
2. Ôter les bandelettes du mort, de nouveau vivant, pour le laisser aller, libre.

Autrement dit, nos mains sont appelées à rouler toutes les pierres qui obscurcissent la vie humaine. Pas besoin d’en faire une liste, on voit bien de quoi on parle. Ce n’est pas qu’aux politiciens de ce monde, aux généraux des armées, aux autres de régler les problèmes : c’est à toi de t’atteler aux pierres des tombeaux proches de toi.

Où peux-tu ôter de l’injustice, de la rancœur, de la pauvreté, du désespoir, de la solitude ?

Ce sont tes mains que le Christ met en route au tombeau de Lazare. Et puis tes mains reçoivent aussi cette vocation de contribuer à libérer celles et ceux qui t’entourent.

Au moment où Lazare ressuscité sort de la tombe, Jésus dit à tous les siens : déliez-le de ses bandelettes et laissez-le aller.

Nos mains pour rendre l’autre libre ; c’est-à-dire nous souvenir qu’il ne nous appartient pas, qu’il a sa propre vocation, son propre destin, sa propre autonomie. Il nous arrive de retenir, ou de ralentir la marche de ceux qui nous entourent, parfois avec des saintes intentions.

Lazare est libre. Il a à nouveau un avenir. Que tes mains puissent aussi contribuer à laisser tes proches accéder à leur liberté et à leurs responsabilités.

Ce jour où nous faisons mémoire de nos disparus lors de notre culte du souvenir. J’aime évoquer avec vous toutes ces mains. Pour accepter les moments plus fragiles, pour accueillir celles du Christ qui console et encourage, et pour devenir acteurs et actrices d’une espérance qui circule.

Amen.

Dans le récit que l’évangéliste Jean nous a transmis de la résurrection de Lazare, il est intéressant d’observer le rôle des mains des actrices et acteurs.

En effet, dans le cheminement que doivent assumer les sœurs de Lazare, lequel vient de décéder, on imagine l’importance des gestes, des soins et des signes que les mains des uns, des unes et des autres permettent.

Depuis l’arrivée de Jésus au village de la famille endeuillée jusque devant la tombe, on comprendra comment nos mains peuvent elles aussi contribuer à montrer un chemin d’espérance.

Détails

Avec la participation de
Francine Guyaz, diacre, et Marc Lennert, pasteur, pour la liturgie; Daniel Pitton, pour les lectures
Orgue
Marianne Amrein
Musique
Le cœur qui chante, chœur mixte d’Orzens, sous la direction de Fernando Zonda Livy