Qu'avons-nous à espérer pour l'Eglise?

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Chers paroissiens, chers auditeurs d'Espace 2,

Si seulement les prédictions de l'Évangile appartenaient au passé ! A ce passé un peu mythique des premières persécutions chrétiennes dans les arènes de Rome. L'effrayant, c'est de savoir qu'elles se déroulent aujourd'hui, en 2001.
En Corée du Nord, une femme qui cherchait à donner un traité chrétien à un officier a été arrêtée et battue. D'autres sont envoyés dans des camps de travail.
Au Pakistan, plus de 50 chrétiens ont été accusés de blasphémer contre le prophète Mahomet. L'un d'eux, Shafiq Masih, un homme de 27 ans, a été accusé par son voisin, menacé par une foule déchaînée et emprisonné. Une année et demie plus tard, il réussit à prouver son innocence. Pourtant, le juge le condamna pour "soi-disant blasphème" à un an et neuf mois de prison. Il fit recours. Un autre tribunal finit par le condamner à 8 ans de prison avec travaux forcés et une amende équivalant à 1'600 francs suisses.
De Chine, un prédicateur d'une église de maison écrit: "Chaque homme et chaque femme est préparé pour un temps d'épreuve. Ce temps survient généralement lorsqu'on est fatigué, triste, solitaire, blessé. On se trouve alors dans l'obscurité - comme la nuit au cours de laquelle on est venu arrêter Jésus.-"
Fatigués, solitaires, blessés : n'est-ce pas aussi la situation de bien des Églises ici, dans les pays de tradition chrétienne ? Elles ne sont ni maltraitées, ni persécutées. Simplement, on ne les écoute plus. La société de consommation s'est si solidement établie qu'elle ne se laisse plus déranger par une parole comme "l'homme ne vit pas de pain seulement". Nos contemporains parviennent même à consommer des baptêmes et des mariages pour satisfaire leur besoin de frisson religieux.

Entre-temps, des secousses d'une violence inouïe sont venues ébranler le système et interrompre les échanges. Des fissures apparaissent jusque dans l'envie même de consommer. Et les Églises restent sans voix. Des hommes et des femmes en pleine forme doutent soudain de qui ils sont - et les Églises ne trouvent pas les mots qui puissent les conduire à des réponses. Que l'homme ne se fait pas lui-même, mais qu'il se trouve en répondant à un appel - ce message qui est au cœur de la foi protestante, on l'a depuis longtemps abandonné aux historiens.
Frigorifiées par l'indifférence dont on les entoure, les Églises ont perdu leur passion pour Dieu. Occupées à mettre de l'huile dans les rouages sociaux qui grincent, elles ne racontent plus l'histoire qu'elles sont pourtant seules à connaître : l'histoire de Jésus Christ. Qu'avons-nous à espérer pour l'Église ? - c'est la question de ce matin.
Et vous êtes peut-être en train d'imaginer l'Église faisant un peu plus de ci et un peu moins de là - un peu plus attentive, un peu moins dispersée. Plus ouverte à tous, plus proche.
Mais avant de vous laisser emporter par toutes sortes de souhaits et de slogans, réalisons ceci : l'Église, c'est l'ensemble de ceux qui croient en Jésus Christ. Nous en faisons partie, elle n'existe pas sans nous. Elle existe à travers nous.

Qu'avons-nous donc à espérer comme Église, réformée, catholique, évangélique - dans le monde où nous vivons ? D'abord et de façon générale, nous pouvons espérer voir Jésus Christ en action parmi ceux qui croient en lui - et dans le monde au travers d'eux.
L'accent porte évidemment sur le "voir". Car Jésus Christ est à l'œuvre chaque fois que nous nous rassemblons pour le culte et que nous partageons le pain et le vin. Il agit chaque fois que des hommes écoutent la parole des Écritures, chaque fois qu'ils lèvent les yeux au ciel pour prier. Il se manifeste chaque fois que quelqu'un s'oublie lui-même et se donne pour le bien d'un autre. Le Christ est indubitablement en action dans notre monde, mais ce sont peut-être nos yeux ou nos oreilles qui sont fermés.

Cependant, nous pouvons espérer que notre désarroi devant le désarroi de nos contemporains nous ramène à l'essentiel - à l'histoire de Jésus Christ. Car l'histoire de cet homme met en scène - si je puis dire - tous les drames que peut traverser un homme ou une femme dans sa vie: l'adoration et le rejet, l'exaltation et la souffrance, la communion et l'abandon. Et plus encore : la vie et la mort, Dieu et le mal. Au cœur de la foi chrétienne se tient cet homme : Jésus de Nazareth. C'est lui qui nous fait vibrer - le Fils de Dieu. Vibrer de joie à la nouvelle que le fils des voisins a trouvé une place d'apprentissage et vibrer de douleur devant un visage défait par la maladie. A tout instant, nous pouvons nous reconnaître dans l'histoire de Jésus Christ.
Il n'est pas étonnant que, du Soudan, nous parvienne ce témoignage : "L'Église, au Soudan, souffre toujours. Le monde la laisse seule, les organismes internationaux ne s'occupent pas d'elle. Notre vie est un prolongement des souffrances du Christ à la croix."

Et si nous nous mettions aussi, dans toute la liberté dont nous disposons, à raconter l'histoire de Jésus Christ en y reconnaissant les hauts et les bas de notre vie.
Qui sait ? Il se pourrait alors que des ex-employés de Swissair reconnaissent dans le rejet du Christ dans la force de l'âge, l'histoire de leur propre rejet. Et qu'ils entendent aussi les mots qui parlent de ".se relever, renaître, recommencer."
Oui, ce que j'espère pour l'Église en Occident et comme pasteur de cette Église, c'est qu'elle écoute la voix de ses frères et sœurs persécutés. Et que les croyants ici apprennent enfin d'eux ce qu'ils auraient aussi pu apprendre des théologiens : à raconter l'histoire de Jésus Christ en y mettant les accents et tous les hauts et les bas de notre propre vie. Ou inversement : à comprendre notre propre histoire à la lumière de ce qui s'est passé pour Jésus de Nazareth : comme un affrontement de Dieu et du mal pour faire gagner la vie.

Les Églises persécutées vivent chaque jour cet affrontement de Dieu et du mal. Toujours à nouveau, leurs membres ont à choisir entre se défendre contre le mal ou faire entièrement confiance à Dieu. Et chaque fois qu'ils prient pour leurs persécuteurs, ils espèrent que l'amour de Dieu en eux sera le plus fort. Si fort qu'il finisse par bouleverser le cœur des bourreaux afin de leur rendre un visage humain.
Un prédicateur chinois écrit plus loin: "Ne dors pas, mais prie le Seigneur afin que ce temps d'épreuve pour toi devienne pour les autres un temps de salut."
Avez-vous jamais imaginé que la diminution des cultes dans les paroisses vaudoises - qui paraît être pour beaucoup une privation - puisse contribuer au salut d'autres personnes qui ne fréquentent pas le culte ? Comment ? En utilisant par exemple le dimanche matin pour téléphoner à des gens seuls ou pour leur écrire - et partager avec eux ce qui vous fait vivre !

Enfin - et je terminerai sur cette promesse - Jésus promet aux croyants mis à la question de leur donner "des paroles et une sagesse telles que l'on ne pourra lui résister". (Luc 21, 15).
Ces mots me font espérer que Dieu donne à nos Églises des journalistes, des créateurs de spectacle et des écrivains qui sachent traduire le mystère de ce Dieu qui s'est rendu humain depuis longtemps.
Car notre société ne vénère bientôt plus que des "valeurs" dont elle espère inlassablement la hausse, bien sûr. Et lorsqu'elle entend le mot "Dieu", elle ne s'imagine plus un vis-à-vis, mais un produit dopant qui fait monter l'adrénaline aux rares instants de bonheur et l'apaise au moment de mourir.
Qui, qui saura redire avec des mots simples ou poétiques, avec les images d'aujourd'hui, que Dieu ne veut pas être ailleurs qu'au milieu des hommes, de tous les humains - et quoi qu'il en coûte ? Cela heureusement, nous n'avons plus à l'espérer : Jésus Christ a été chanté :"Dieu parmi les hommes, Dieu sur nos chemins. Proche est ton Royaume : Viens ! Viens !"

Amen !