"J'accepte ton alliance"

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«Il avait promis qu'il nous délivrerait de nos ennemis et du pouvoir de tous ceux qui nous haïssent… et se souviendrait de sa sainte alliance.» Luc 1 : 1-72.
Il y a quelques années, quand on a révisé la formule de la confirmation, il a été décidé qu'on célébrerait le jour des rameaux une fête de fin du catéchisme appelée «Bénédiction des catéchumènes». La différence entre cette fête et ce que nous avions connu, nous et nos devanciers, réside essentiellement dans l'absence d'engagement personnel de la part des jeunes gens qui ont terminé leur catéchisme. Pour leur permettre à eux, mais aussi à n'importe qui, de prendre un engagement au service du Christ et de son Eglise, on a instauré chez les Vaudois protestants une fête de l'Alliance en offrant cette fois la possibilité de prendre un engagement solennel, les paroisses demeurant libres d'organiser cette fête le jour qui leur semblerait le plus approprié.
Quand notre Conseil de paroisse a discuté de la date de la fête de l'Alliance, il lui a semblé qu'il y avait un rapport direct entre le temps de l'Avent, c'est-à-dire l'attente du Messie, et le thème de l'Alliance. En pensant à la célébration de maintenant, un texte biblique m'est alors apparu comme réunissant ces deux thèmes. C'est le Benedictus, autrement dit, le cantique de Zacharie. On l'appelle Benedictus à cause du premier mot de la traduction en latin de ce psaume. Saint Luc nous rapporte au début de son évangile un autre psaume dans le même genre qui est plus connu que le Benedictus, c'est le célèbre Magnificat dans lequel Marie a loué la grandeur du Seigneur, après avoir appris qu'elle donnerait naissance au Sauveur de monde. Deux personnages donc, Marie et Zacharie, font éclater leur joie et révèlent dans un psaume le sens de l'événement de Noël qui est proche.
Marie, tout le monde connaît son histoire. Celle de Zacharie est moins connue et je dois vous la rappeler brièvement.

Zacharie est un vieux prêtre. Sa femme s'appelle Elisabeth et l'évangéliste prend soin de nous dire que ce sont de très braves gens, des gens qui respectent Dieu et qui respectent leur prochain. Presque tout va bien dans leur vie sauf une chose : ils n'ont pas pu avoir d'enfants. Maintenant, devenus âgés, tout espoir d'avoir des descendants est perdu à vues humaines. Brusquement, Zacharie apprend que sa femme est enceinte. Zacharie a beau être prêtre, il a beau être un fidèle serviteur du Seigneur, il est comme nous : il a de la peine à prendre au sérieux les promesses de Dieu. Son refus d'avoir la foi jusqu'au bout lui vaut une assez sévère punition de la part de Dieu qui le rend muet. Ne plus pouvoir rien dire ! Quel handicap pour un ministre de la Parole ! Tu ne veux pas croire en moi ? Alors je t'impose un arrêt de travail… Quelques mois passent et Elisabeth met au monde un bébé que Zacharie appelle Jean en écrivant ce nom sur une tablette. Tout le monde est étonné parce que personne dans la famille n'a jamais porté ce nom. Zacharie, lui, sait bien ce qu'il fait car Jean veut dire «Dieu fait grâce». C'est alors qu'il retrouve l'usage de la parole et qu'il s'en sert pour prononcer ce psaume que nous avons entendu, le Benedictus.
Quand nous sommes venus au monde, je ne suis pas sûr que notre père ait chanté un psaume ! Peut-être qu'il s'est contenté d'inviter des amis et de leur offrir l'apéritif. Mais il faut savoir que le bébé de Zacharie et d'Elisabeth aura une mission très particulière : rien moins que de préparer le peuple d'Israël à accueillir le Christ. Donc la naissance de Jean est un des premiers événements qui montre que de très grandes choses vont se produire. Celui qui va naître est le dernier prophète de l'histoire d'Israël. Après lui, il n'y aura plus besoin de prophètes, le Messie lui-même sera là.
Il y avait des siècles que les hommes de Dieu annonçaient que Dieu allait reprendre les choses en main et offrir une délivrance à son peuple malheureux. Tout le monde à l'époque de Zacharie savait que Dieu avait fait des promesses aux grands personnages de la Bible, par exemple à Noé, à Moïse. Les prophètes avaient été chargés d'annoncer qu'au moment choisi par Dieu il y aurait un rebondissement de l'Histoire. Quelque chose de définitif comportant à la fois un jugement et le salut pour les fidèles. Toutes ces annonces de délivrance remontaient à la décision prise par Dieu de faire alliance avec Abraham et avec ses descendants. C'est ainsi que tout était parti.
Mais le temps avait passé depuis Abraham. Il y avait eu, c'est vrai, le règne superbe du Roi David. Là encore des promesses avaient été faites. Les prophètes s'étaient exprimés. Le peuple avait connu des délivrances momentanées comme la libération de l'exil de Babylone, mais il manquait encore cet acte décisif de Dieu dans lequel il dirait : «Maintenant ça suffit ! Les hommes ont assez souffert. Il y a eu assez de mal sur la terre. On s'est assez moqué de moi. Cette fois, je viens personnellement !» Eh bien, c'est ce qui va se produire. Zacharie, après avoir eu des pannes dans sa foi en Dieu, sait que Noël est bientôt là. Cela signifie que Dieu n'a pas oublié ce qu'il avait promis. Il avait promis une alliance, il la réalisera dans quelques jours.

Donc, pratiquement, le peuple de Dieu va être l'objet d'une libération. Ceux qui suivent l'actualité savent que nos voisins français se sont passionnés ces derniers mois par une sombre époque de leur histoire, celle de l'occupation de leur pays par les Allemands. On a beaucoup rappelé à cette occasion les brimades, les crimes, les déportations, que les gens ont subis à cette époque. Mais les Français se rappellent aussi que tout cela a pris fin au moment de la libération de leur pays en 1944. La libération que Dieu va offrir implique la défaite des ennemis, mais que cela se passera sans crainte, contrairement aux libérations qui ont lieu lors des guerres. Les gens qui appartiennent au peuple de Dieu vont donc être débarrassés de leurs ennemis eux aussi. Ces ennemis, qui sont-ils ? Ce sont les puissances qui cherchent sans arrêt à anéantir l'espérance du peuple de Dieu, à briser son alliance, à détruire sa foi.
A l'époque où Zacharie attendait la naissance de son fils, les ennemis étaient bien là, sous la forme de troupes d'occupation. Il y avait les Romains et ils avaient des alliés sur place comme le roi Hérode. Autant d'ennemis ! Autant de gens qui faisaient souffrir les autres. Dieu va briser leur pouvoir. Fantasmes que tout cela ? Vieilleries sans rapport avec l'actualité ? Pas tellement. J'étais à Berlin en septembre 1989. La ville était coupée en deux. Sur l'une des rives de la Spree, les Vopos, juchés sur leurs miradors, se tenaient prêts à tirer sur quiconque voulait passer de l'autre côté. A peine quelques semaines plus tard, le Mur de la honte tombait. Les gens se réunissaient en foule dans leurs églises pour prier le Dieu des libérations.
En Roumanie, une paroisse réformée décida de défendre son pasteur et déclencha un changement de régime. En Pologne, un syndicat chrétien fit tomber un pouvoir impopulaire et tyrannique. Tout cela n'est pas très loin de chez nous, ni dans le temps ni dans l'espace. Alors, n'avait-il pas vu juste celui qui osa dire dans son psaume : «Dieu a fait serment de nous libérer du pouvoir de nos ennemis ?» Et puis, à côté de ceux-là, il y a des ennemis qui n'ont pas forcément un casque, des armes et une tenue de soldat envahisseur. Derrière tous ces ennemis humains se camouflent les grands, les vrais ennemis des hommes de tous les temps et ils s'appellent (la liste n'est pas complète) : ignorance, bêtise, mensonge, incrédulité, haine, violence, mort. Les hommes sont souvent la proie de ces ennemis-là et ces ennemis, ils existaient autrefois et ils existeront aussi longtemps que le Christ n'aura pas pris entièrement possession de son règne.

La délivrance des ennemis, voilà ce que Dieu va faire parce qu'il se souvient de son alliance, parce qu'il a une excellente mémoire.
Une fois que la première étape menant à une libération sera accomplie, c'est-à-dire une fois que le Messie sera là, Zacharie nous dit encore de quoi la vie sera faite. On ne sera pas dans une sorte de paradis, en train de ne rien faire et de se prélasser au soleil. Il faudra répondre à l'alliance de Dieu et le Benedictus dit très exactement quel sera le sens de la vie humaine : une fois libérés des ennemis, nous pourrons servir Dieu.

Le vocabulaire nous aide à comprendre ce terme. En grec, c'est le même verbe qui était utilisé pour parler du travail des prêtres. Il s'agit donc, et c'est la première chose, de rendre un culte à Dieu et Zacharie précise que nous pourrons le faire sans crainte, sans avoir peur ni de Dieu ni des hommes, ni des événements, ni de quoi que ce soit. Du reste, la première information que l'ange transmettra aux bergers dans la nuit de Noël, c'est : «N'ayez pas peur !» Et puis viennent deux mots qui nous disent un peu sur quoi débouche ce service. C'est le mot sainteté et le mot justice. Tout ça n'est pas très compliqué et Jésus expliquera plus tard en quoi se résume toute la vie chrétienne : elle se résume dans l'amour pour Dieu d'abord et dans l'amour pour le prochain ensuite. Zacharie appelle cela la sainteté et la justice. Voilà exactement à quoi nous sommes appelés, voilà exactement le cadre dans lequel va se vivre de notre côté l'alliance que Dieu réalise en fonction de ses antiques promesses.
Dieu continue d'offrir aujourd'hui encore une délivrance. Délivrance des passions qui rendent l'homme esclave et il a en a passablement aujourd'hui de ces formes d'esclavage ! Des gens asservis par leurs passions, anéantis par leur dépendance, par exemple ces jeunes qui n'ont pas compris que Dieu les aime, qu'ils peuvent se respecter, qu'ils peuvent s'aimer eux-mêmes et qui se fichent la vie en l'air en ne sachant pas dire non à des offres diaboliques. Dieu nous libère, mais il ne va pas le faire si nous ne lui disons pas : «Oui, Seigneur, j'accepte ton offre, j'accepte ce projet d'une vie avec toi, dans la confiance et dans l'obéissance, oui, j'accepte ton alliance et par conséquent, j'essaie d'ôter de mon chemin tout ce qui m'éloigne de toi.» De son côté, Dieu a fait tout ce qu'il a pu. Il ne pouvait pas faire plus que de venir en personne nous rendre visite sur cette terre pour nous offrir la libération de tout ce qui peut nous rendre esclaves et malheureux.


Voilà ce qu'ont compris deux jeunes de notre secteur paroissial. Ils l'attesteront à haute voix dans quelques instants. Nous ferons de même puisque Dieu a jugé bon de nous conserver cette merveilleuse capacité de nous exprimer après nous être émerveillés.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Claire-Lise Mérillat
Musique
Equipe Croix de Camargue