Les plus grandes victoires sont celles remportées sur nous-mêmes

image

Première partie

Effrayant, tout simplement effrayant. Voyez ce géant qui s'avance pesamment. À chacun de ses pas, le sol tremble. Il a presque trois mètres de haut. Il est cuirassé comme un rhinocéros, bardé de fer et de bronze comme un tank, équipé comme un porte-avion : une véritable machine de guerre. Comment ne pas trembler à la vue de ce guerrier redoutable ? Il fait penser à ces créatures robotisées des dessins animés de science-fiction que les enfants regardent à la télévision à l'heure du culte, à ces monstres qui crachent le feu, sèment la destruction et provoquent l'épouvante. Le géant Goliath, même s'il fait un peu rétro avec ses trois mille ans d'âge, a encore des adeptes aujourd'hui.
Goliath est le héros de l'armée des Philistins, un peuple venu de l'Ouest et qui a pris pied en Terre promise au bord de la Méditerranée. Les Philistins disputent aux tribus d'Israël l'occupation du pays. Les deux armées sont campées face à face, sur des collines de part et d'autre de la vallée. À l'époque où le géant Goliath s'avance pour narguer le peuple de Dieu, le moral des troupes d'Israël est au plus bas : le roi Saül est malade, son avenir est incertain, et avec lui l'avenir de son armée. Incertain aussi le résultat de la bataille imminente. Lorsque le roi flanche et montre des signes de faiblesse, les soldats en subissent le contrecoup. Le défaitisme est contagieux.
En ces deux armées face à face, deux civilisations s'affrontent, de même que deux religions. Il ne s'agit pas ici d'une simple escarmouche tribale sans conséquence : le sort du peuple de Dieu est en jeu, l'existence d'Israël est menacée. C'est une situation dramatique.
Chaque jour, matin et soir, à l'heure de la prière, mais comme pour empêcher les Israélites de prier, Goliath s'avance dans la plaine et lance son défi. Écoutons-le : v. 8b-10.
Du côté d'Israël, c'est le silence et la consternation. Le roi lui-même n'a pas le courage de relever l'insulte, et ses soldats épouvantés claquent des dents. Le défi de Goliath se répète pendant 40 jours. Cette précision est évidemment lourde de symbolisme. 40 jours, c'est le temps qu'il a fallu à Moïse pour recevoir jadis au Sinaï les deux tables de la loi révélant la volonté de Dieu. C'est le temps qu'il a fallu à Dieu pour conclure son alliance avec Israël. Dans le personnage de Goliath, ces 40 jours de défi représentent le temps qu'il faut pour défaire cette alliance, pour la rendre caduque, pour mettre en doute l'élection d'Israël par Dieu. Goliath travaille à démolir ce que Moïse a construit. Israël terrorisé n'ose pas réagir.

Il y a donc bien une dimension spirituelle dans ce qui pourrait passer pour un conflit militaire de plus parmi tant d'autres. Dans son peuple défié, c'est Dieu lui-même qui est pris à partie. En son peuple injurié, c'est Dieu lui-même qui est ridiculisé. Goliath n'est pas qu'un guerrier redoutable, c'est un ennemi de Dieu.
Cet ennemi de Dieu qui travaille à saboter le moral et les moyens du peuple élu, on le retrouve dans l'Évangile. Pendant 40 jours, là aussi, Jésus a été défié, agressé par une force hostile qui cherchait à le séparer de Dieu. En s'en prenant au chef, à la tête, c'est évidemment l'ensemble du corps que l'ennemi visait. Et ce défi se répète, il traverse l'histoire depuis deux millénaires, revêtant parfois des formes aussi sournoises qu'inattendues. En voici un exemple à la fois historique et actuel.

On célèbre demain, 12 octobre, le 500e anniversaire de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb. Sur les traces de ce Christophe, de ce "porteur de Christ" comme l'indique son prénom, de cette colombe de la paix a débarqué toute une armée de soldats et de missionnaires. Les indigènes d'Amérique ont vu déferler sur eux quelque chose qui ressemble au Goliath de notre récit. Ils ont été épouvantés par les armures et les armes nouvelles qui les massacraient. Cet épisode peu glorieux de l'histoire de l'Église conquérante nous montre à quel point Goliath, malgré sa carrure, peut se faufiler dans l'Église et jouer son rôle d'ennemi de Dieu au coeur même de l'Église et à son service. Subtile est la frontière entre l'Église et le monde, entre le peuple de Dieu et les ennemis de Dieu. Il faut commencer par la tracer à l'intérieur de nous-mêmes. En effet, Goliath n'est pas toujours un ennemi extérieur, bien visible en face de nous. Il lui arrive de nous rendre visite, et il nous arrive de le laisser entrer. C'est à l'intérieur de nous-mêmes que Goliath lance alors son défi, dans notre coeur, dans notre esprit. Chaque fois que nous reculons d'un pas au lieu de résister, chaque fois que nous baissons les bras au lieu de relever la tête, chaque fois que nous laissons le doute submerger notre foi, alors le champ est libre et Goliath, dans toute son insolence, peut occuper le terrain.

Quels sont les défis qui sont lancés au peuple de Dieu que nous sommes aujourd'hui ? Qui sont les Goliath de notre temps ? Voici la réflexion de quelques catéchumènes à ce sujet :





LES DÉFIS

1. Le peuple de Dieu est défié aujourd'hui par la violence raciste à l'égard des étrangers.
2. Le peuple de Dieu est défié aujourd'hui par les matérialistes qui veulent voir et toucher pour croire.
3. Le peuple de Dieu est défié aujourd'hui par certains scientifiques qui disent que Dieu n'existe pas.
4. Le peuple de Dieu est défié aujourd'hui par l'indifférence des gens et leur manque de foi.
5. Le peuple de Dieu est défié chaque fois qu'on se moque des croyants.
6. Goliath aujourd'hui, c'est la télévision qui fait de nous des esclaves.
7. Goliath aujourd'hui, c'est la puissance de l'argent.
8. Goliath, c'est l'alcool et la drogue qui menacent nos vies.
9. Goliath, c'est ceux qui font durer la guerre en Yougoslavie.
10. Goliath, c'est ceux qui imposent leur vérité aux autres.
11. Goliath est là chaque fois qu'on manque de respect à quelqu'un.
12. Goliath, c'est nous quand nous ne savons pas nous aimer.


Deuxième partie

À l'évidence, ce n'est pas le roi Saül hésitant et effrayé qui peut tirer d'embarras son peuple agressé. Alors Dieu intervient. Non pas comme un super-Goliath qui surclasserait le premier, mais en utilisant les composantes de la vie de son peuple, et l'humanité des siens. Dieu va chercher un jeune berger derrière ses brebis pour l'amener en première ligne sur le front. Les choses s'effectuent d'une façon remarquablement humaine. Dieu agit dans la décision banale et normale d'un père soucieux de faire parvenir quelques vivres à ses fils soldats. David est envoyé vers ses frères, chargé de victuailles, avec en plus quelques friandises pour l'officier qui les commande, ce qui pourrait bien adoucir la rudesse de leur sort militaire. David lui n'est pas encore mûr pour être soldat. D'ailleurs, il préfère les psaumes aux cris de guerre, et le luth au javelot. Bien qu'il sache au besoin défendre son troupeau contre les bêtes sauvages.

David arrive sur le front au moment où, pour la quarantième journée consécutive, retentit le défi de Goliath. Un jour plus tard, et c'en était fini d'Israël comme peuple de l'alliance. Le jeune berger remarque l'effroi que provoquent sur les troupes les paroles du géant. Il peut mesurer le degré de courage qui subsiste en Israël. Il va et vient parmi les soldats; il les questionne; il retient ici une bribe de réponse, il apprend là les récompenses que le roi Saül promet à qui relèvera le défi. Et David s'étonne, et David interroge : v.26b. À travers cette double question perce la vérité qu'Israël et Saül cherchent encore à se masquer. La vérité est que le défi de Goliath n'est pas quelque chose d'accidentel qui s'arrangera tout seul, mais c'est une honte qu'il faut écarter au plus vite. Le Dieu vivant est défié : c'est son honneur qu'il faut défendre. Puisque personne n'a ici le courage de défendre l'honneur de Dieu et de son peuple, David s'en chargera. Le remue-ménage que David a provoqué attire l'attention du roi Saül qui le fait venir. Quand on est au bord de la déroute, on s'agrippe à toutes les perches tendues.
Il a y quelque chose de pathétique dans le face à face de David et de Saül; il est presque aussi décisif que celui des deux armées qui les entourent. D'un côté, un jeune berger fier, remuant, impatient, courageux; de l'autre, un roi vieilli, fatigué et déprimé. C'est en filigrane la confrontation du passé et du futur d'Israël. Saül arrive au bout de son règne; David commence déjà le sien. Devant son roi timoré et impuissant, David fait valoir ses atouts. Surtout, il proclame sa confiance en Dieu. Quel magnifique témoignage : v. 32 à 37.
Le défi de Goliath est relevé. L'Esprit de Dieu a agi et a saisi David. L'Esprit de Dieu continue d'agir et de saisir le peuple de Dieu que nous sommes aujourd'hui. La foi de David se chante et se danse encore parmi nous, comme en témoignent maintenant les enfants de la paroisse.


Troisième partie

Le combat décisif est sur le point de s'engager. Indice supplémentaire de cette sorte de passation de pouvoirs, Saül revêt David de sa propre armure : v.38-39. Le texte semble laisser entendre que l'armure royale de Saül sied parfaitement à David. Toutefois, celui-ci n'en a pas l'habitude et il préfère combattre autrement. Avec ses propres armes, qui sont à la fois plus discrètes et plus efficaces que celles qui paralysent et épouvantent des soldats. Remarquons que David ne rejette pas toutes les armes humaines pour n'utiliser que les armes de Dieu. Avant tout, David emploie la ruse, Dieu sait si c'est une arme humaine ! Il saisit un bâton pour cacher sa fronde et détourner l'attention du géant. Il a soigneusement choisi cinq pierres bien lisses qu'il a à portée de main dans sa besace de berger. Le duel qui s'annonce a des allures ridicules, et Goliath à juste titre croit qu'on se moque de lui. Il se fâche : v. 43-44. À cette violence verbale qui en annonce une autre, David répond en affirmant sa foi. Il n'est plus un simple berger; il est l'envoyé de Dieu : v.45. Goliath est atteint au front. Ce n'est pas par hasard. Le front est cette partie de l'homme qui symbolise ici l'impudence, l'insolence : c'est un effronté qui s'abat la face contre terre. À travers lui, c'est l'orgueil des ennemis de Dieu qui est frappé à mort.
Par cette victoire inattendue, David ouvre au peuple un nouvel avenir où il jouera lui-même un rôle prépondérant. Le règne de David aura un tel éclat que les générations suivantes se mettront à espérer qu'un nouveau David restitue au peuple de Dieu sa gloire passée.

Ce nouveau David, ce fils de David est venu. Il a été acclamé par les malheureux sur les chemins de Palestine. Mais il ne s'est pas présenté comme un guerrier glorieux, il s'est au contraire laissé abattre par les Goliaths de son temps. Il s'est fait mettre en croix, il a reçu des clous dans ses mains nues.
Pourtant, frères et soeurs, la faiblesse de ce crucifié, encore plus radicale que celle de David devant Goliath, c'est la victoire de Dieu. Quelle force émane de la faiblesse de ce Jésus crucifié : la force de l'amour. D'un amour qui ne craint pas de s'abandonner, et de risquer la confiance, envers et contre tout.

"La faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes" Dieu remporte encore aujourd'hui dans nos vies des victoires inattendues. Les catéchumènes ont regardé autour d'eux et en eux. Voici ce qu'ils ont vu :

LES VICTOIRES

1. Dans le sport, il arrive que les plus faibles gagnent contre les plus forts.
Mais c'est quand même le plus souvent les forts qui battent les faibles.
2. Des peuples ont renversé des dictatures puissantes par des méthodes non-violentes.
3. C'est une victoire de Dieu quand un drogué ou un alcoolique est libéré de sa dépendance.
4. Je connais des malades qui sourient à l'hôpital : c'est aussi une victoire de Dieu.
5. Victoire de Dieu quand des gens retrouvent la foi.
6. Victoire de Dieu quand notre foi tient bon dans les difficultés de la vie.
7. J'ai une fois réussi à garder mon calme quand j'étais très énervée.
8. Victoire de Dieu quand je peux pardonner à quelqu'un qui m'a fait du mal.
9. Victoire de Dieu quand des gens découragés retrouvent l'espérance.
10. Victoire de Dieu quand nous savons nous aimer.

Les plus grandes victoires sont celles que nous remportons non pas sur les autres, mais sur nous-mêmes. Celles qui nous mettent, par amour, au service des autres.

Amen.

Détails

Avec la participation de
Orgue
Mme Isely
Musique
Daniel Favre - clarinettiste