Le Christ est vainqueur !

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Il vous précède.

Marc conclue son évangile par cette phrase : "Ils avaient peur et ne disaient rien à personne." C'est pourquoi un copiste de l'évangile a ajouté une fin plus explicite, plus édifiante, en ajoutant une fin qu'on appelle la fin inauthentique de Marc. Cette fin qui montre les disciples beaucoup plus favorables se trouve seulement dans les manuscrits plus récents.

Or, il me semble que pour Marc, il était assez clair que les disciples avaient peur en apprenant que le Christ était ressuscité, ce Christ qu'ils avaient trahi parce qu'il ne se comportait pas selon leurs attentes. Ce Jésus n'avait pas répondu par exemple aux attentes de Matthieu, le collaborateur des Romains colonialistes. Ce Jésus n’avait pas pris parti pour la "sécurité intérieure" de la société pour une économie stable et rationalisée, pour un rendement certain.

D'autre part, il n'avait pas répondu non plus aux attentes de zélotes comme par exemple Simon (et peut-être aussi comme Judas et Pierre). C'est par la force que ceux-ci voulaient se débarrasser de l'occupation romaine en chassant les colonialistes exploiteurs et injustes de leur pays. Quand Pierre a voulu défendre Jésus par l'épée, Jésus a tout simplement guéri l'oreille blessée du soldat que Pierre avait attaqué. C'est justement le paradoxe de Jésus : il n'était ni du côté des révolutionnaires ni du côté des conformistes conservateurs.

Donc, les disciples étaient déçus que le Christ ne se soit pas conformé à l'image qu'ils se faisaient de lui. Profondément déçus, ils l'ont abandonné dans l'heure de la crise. Et voilà que les femmes apprennent que ce Christ était vivant. Les détails de cette résurrection ne leur sont pas découverts. Un jeune homme leur dit que le Christ est vivant. Et ceci est justement la raison de la peur des disciples. Connaissez-vous cette situation ? Ce Jésus, qui m'a déçu, que j'ai abandonné, est pourtant vivant.

Heureusement, il n'y a pas que ces disciples dans notre histoire. Il y a aussi les femmes, les amies de Jésus. Ces femmes sont allées au tombeau de celui qui leur était cher pour lui rendre un dernier service, même si cela pouvait apparaître aux yeux des autorités comme un acte de haute trahison. Nous avons des écrits de l'époque qui affirment que ceux qui pleuraient au tombeau d'un condamné à mort étaient sévèrement punis. Les temps n'ont pas beaucoup changé : aujourd'hui aussi les puissances de ce monde n'aiment pas qu'on pleure aux tombeaux de ceux qu'ils ont exécutés.

Quant aux hommes, ils se sont cachés. L'attitude des femmes avait dérouté les disciples. Ils avaient peur. Les femmes apprennent : "Jésus est vivant, dites-le aux disciples et à Pierre." Pierre est nommément cité, probablement parce qu'il en avait spécialement besoin, sûrement pas parce qu'il le méritait. Dites-leur que celui qui vous a déçus, celui qui n'a pas attaqué les révolutionnaires, celui qui n'a pas non plus fait cause commune avec les opportunistes et conformistes, cet homme ambigu, cet homme entre les partis des hommes pour prendre parti pour l'homme, celui-ci est vivant. Il a vaincu la mort et les ennemis de la vie.

Historiquement, la foi pascale de ces femmes est une des choses les plus sûres de l'histoire. Le témoignage de ces femmes se trouve dans tous les anciens écrits, quoique Paul ne le mentionne pas, ce qui est une concession vis-à-vis de son époque qui néglige le témoignage des femmes. Mais tous les autres évangélistes affirment leur courage. Ces évangélistes ne font pas de concession à leur environnement. Ce témoignage pascal des femmes est quelque chose qu'on n'invente pas. Si les évangélistes l'avaient inventé, ils auraient sûrement fait des hommes, des disciples, les porteurs de ce témoignage.

Or, ce matin je ne veux pas m'arrêter à la question historique. Pour nous la question centrale est celle-ci : est-ce que ces femmes ont eu raison ? Est-ce que c'est vrai ou une fantaisie religieuse ? Est-ce que ce Christ est vraiment ressuscité et est-ce qu'il nous précède en Galilée, c'est-à-dire dans notre vie de tous les jours ? Je vous invite ce matin à chercher et à suivre ses traces dans votre vie. Je vous invite à découvrir "ces femmes" qui vous disent : "Nous le savons. Il nous a consolés, il nous a donné une nouvelle vie, un nouveau courage devant les forces qui nous paralysent et qui paralysent ceux qui nous entourent". Connaissez-vous de telles femmes ou de tels hommes ? Peut-être sont-ils ici, dans notre église. Ils aimeraient nous dire ce qu'ils ont vécu. Peut-être ne viennent-ils pas souvent à l'église, peut-être nous attendent-ils déjà en Galilée, dans la vie de tous les jours. Peut-être nous disent-ils : "Si vous vouliez ouvrir votre cœur vous pourriez le voir aussi".

Nous rencontrons ce Christ aussi dans le culte, dans la Sainte-Cène, dans la parole de Dieu, dans le baptême, dans la prière. Toutes les églises, catholiques, protestantes, églises libres, témoignent que ce Christ est, en réalité, présent parmi nous. Il est entré par cette porte là-bas, il traverse les rangs de cette église, il pose sa main sur vous, il vous fait sentir qu'il est de votre côté, qu'il comprend et qu'il vous encourage à continuer la lutte contre toutes les forces de la mort. Il est aussi dans la chambre de ceux qui nous écoutent :"Vois-le paraître, c'est Lui, c'est Jésus. Sois dans l'allégresse, cher ami lointain, et redis sans cesse : Le Christ est vainqueur !"

Il entre chez ceux qui ont tout ce qu'il leur faut, mais aussi chez ceux qui sont déçus de ce Christ, de son église, ou de la vie en général, ou de la politique suisse, ou de leur partenaire de vie. Il vient vers vous et il dit : "Pierre, Paul, Madeleine, Marie, je suis en avant, je précède ton attente. Ecoute bien, je suis encore plus généreux que tu ne le penses. Je ne suis pas celui que tu crois que je suis. Je te précède dans ta vie de tous les jours.

Prière

Mon Seigneur, j'ai parfois l'impression d'être une grenouille. Lorsque je suis dans l'eau, je manque d'air, d'oxygène et je dois retourner à l'air libre. Et lorsque je suis assis sur une feuille de nénuphar et que le soleil brille sur ma peau, j'ai trop chaud et je dois retourner dans l'eau.

Pourquoi me faut-il être un animal hybride, ni poisson, ni oiseau, ne me sentant chez moi ni sur la terre ferme, ni dans l'eau ? Pourquoi ne suis-je pas un flamant rose, ou un aigle, ou un lion ? Seulement une grenouille ?

Je ne me suis pas fait moi-même. Toi, mon Seigneur, tu ne m'as pas demandé si je voulais être une grenouille. Mes parents ne m'ont pas demandé si je voulais être leur enfant ou si je voulais seulement être. Lorsque je suis chez les chrétiens, ils disent que je ne suis pas un chrétien parce que j'ai beaucoup de questions et parfois je manque d'air. Et lorsque je suis chez les non-chrétiens, ils disent que je suis un chrétien parce que je crois en toi. Lorsque je suis chez les militants politiques, ils me traitent d'homme pieux parce que je crois que la prière est importante pour la politique. Et lorsque je suis chez les gens pieux, ils disent que je ne suis pas assez pieux parce que je crois que nous devons faire quelque chose pour notre pauvre monde. Lorsque je suis chez les officiers, ils disent que je ne suis pas un bon Suisse parce que je crois que nous devrions traiter les objecteurs de conscience autrement. Lorsque je suis chez les pacifistes, ils me traitent de militariste, parce que je ne veux pas supprimer l'armée suisse. Lorsque je suis chez les catholiques, ils disent que je suis un protestant parce que leur pape me fait beaucoup de peine. Lorsque je suis chez les protestants, ils disent que je suis un catholique parce que j'aime prier la liturgie catholique. Lorsque je suis avec les hommes, ils disent que je suis un féministe parce que mes émotions, mes éléments féminins me sont importants. Lorsque je suis avec les féministes, elles disent que je suis un macho, parce que je veux continuer de prier le "Notre Père". Pourquoi est-ce que je dois être toujours entre les deux ? Pourquoi dois-je être une grenouille ?

Et aujourd'hui, tu me réponds et dis : Regarde-moi, ton Seigneur, j'ai été tué parce que j'étais toujours entre les deux, ni révolutionnaire, ni conformiste, et pourtant Dieu a dit "oui" à mon chemin, il m'a ressuscité de la mort. Il a reconnu mon existence paradoxale comme l'existence de son fils. Et toi aussi, tu es reconnu dans ton existence entre les fronts. Tu es fils de Dieu, fille de Dieu parce que tu vis entre les fronts.


Intercession

Rien ne changera sur la terre des hommes si la justice meurt entre nos mains. Et pourtant nous voyons mourir la justice. Nos programmes ont failli, notre courage est épuisé. Viens à notre aide. Viens à l'aide des condamnés, visite les prisonniers, fais reconnaître les gens entre les fronts. O notre Dieu, écoute les cris des torturés. Montre-nous où nous pouvons donner à manger, où nous pouvons changer quelque chose. Nous savons que tu ne veux pas que la justice meure, tu es le Dieu de la vie. Tu fortifies nos mains pour qu'elles fortifient la justice.

Amen.

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Détails

Avec la participation de
Orgue
Hans Hirsbrunner
Musique
Sheryl Shrock, flûtiste