La prédication que vous allez entendre maintenant a une intention et une seule. Je vais vous la dire d'emblée et vous n'aurez pas à utiliser le décodeur ou à suivre des raisonnements compliqués. L'idée est la suivante : de quel genre de paroles sommes-nous porteurs ? De quelles paroles, sommes-nous porteurs ?
Dans l'histoire que nous venons d'entendre, deux hommes portent une parole. Deux hommes sont les porte-parole d'une même réalité. La bataille est gagnée, mais le fils du roi est mort. L'un des porte-parole est un menteur. L'autre est compétent.
Dans l'histoire que nous venons d'entendre, deux hommes courent dans la plaine. Ils sont chargés de porter un message important entre le lieu de bataille et l'endroit du pouvoir, il faut communiquer. Ces deux hommes ne vont pas agir pareil. Le premier arrivé va délivrer un message volontairement incomplet. Le second arrivé, au risque de sa vie, portera un message vrai.
Maintenant, je vais faire autre chose, je vais vous envoyer trois cartes postales dont je vais vous raconter le côté avec l'image.
Première carte postale :
Cette première image est antique : c'est le coureur de marathon. Le premier coureur d'un marathon dans l'histoire. Un messager grec dénommé Philippidès court annoncer la victoire aux habitants d'Athènes. Je vous offre donc comme carte postale un athlète grec bien fatigué. Les armées grecques viennent de gagner sur les armées perses. Tout le monde attend à Athènes le résultat de la bataille. Est-ce que l'on a gagné ? Alors c'est magnifique. Est-ce que l'on a perdu ? Alors c'est " Sauve qui peut ! ". Quarante deux kilomètres cent nonante-cinq de course pour un homme seul, porteur d'un message. La tradition veut qu'il soit mort d'épuisement en arrivant au but mais qu'il ait pu délivrer son message : la victoire est acquise. Ainsi est née la course que nous nommons un Marathon, une course comme dans la Bible pour annoncer une victoire.
Deuxième carte postale :
Elle vient de Zürich, du Weltklasse. Entendez par là le meeting d'automne qui réunit les meilleurs athlètes de la planète. On y voit le peloton d'athlètes courant le 5'000 mètres. C'est une image moderne avec des hommes qui portent des dossards, avec les éclairages, le chronométrage, la télévision et de la publicité partout. C'est l'instantané d'une course d'athlétisme dans un grand meeting ou aux Jeux olympiques. Une course de fond s'engage entre des athlètes européens et des athlètes africains. On ouvre les paris, qui va gagner ? L'européen ou l'africain ? Qui veut parier ? Souvent les hommes des hauts plateaux du Kenya ou de l'Éthiopie, de l'Afrique du Nord sont vainqueurs, il faut le reconnaître. Or l'histoire 1000 ans avant Jésus-Christ nous apporte une anecdote piquante. Le coureur africain, peu motivé sans doute, se fait rattraper et dépasser. C'est le monde à l'envers. Sur la première marche du podium ne se trouve pas le favori.
Troisième carte postale :
Deux hommes qui courent, en robe. Ils courent vers un tombeau. C'est étrange, en général rien ne presse. Deux hommes qui vont plus ou moins ensemble un petit matin de Pâques pour vérifier ce que disent les femmes de leur groupe. Le tombeau de Jésus est vide. Ils partent en courant. L'un se nomme Pierre, l'autre a un pseudonyme, il est appelé ainsi " le disciple que Jésus aimait ", on ne sait pas son nom. C'est ce disciple qui courra le plus vite et qui arrivera le premier. Pierre arrivera ensuite et entrera dans le tombeau et il constatera que le tombeau est vide. L'autre disciple entrera ensuite et il va croire. Chacun d'eux repartira porteur d'une impression.
J'ai pour le coureur africain le plus grand respect. Il n'avait rien à gagner. Il a porté une parole avec droiture. J'ai pour le jeune homme de bonne famille, pour Arimas, peu de respect. Il court pour quoi ? Pour se faire voir ? Pour les honneurs ? Cela ne me dérange pas dans le fond s'il aime les honneurs et qu'il aime se faire voir. Mais qu'il apporte le message qu'on lui a confié et dont il s'est chargé lui-même. Deux hommes sont les porte-paroles d'une même réalité. L'un est un menteur. L'autre est compétent. Et nous, de quel genre de paroles sommes-nous porteurs ? De quelles paroles, sommes-nous porteurs ?
Nous recevons régulièrement des nouvelles de la planète Mars. Je m'en réjouis personnellement parce que l'aventure spatiale me fait toujours rêver. Je m'en réjouis aussi en tant que croyant parce que tout ce que nous apprenons sur nos origines, sur notre monde est une richesse extraordinaire. Mais j'ai été surpris et je n'ai pas tout bien compris. Tout à coup on nous annonce que les Européens vont lâcher sur Mars une sonde qui va rouler et prospecter, "Beagles 2 ", magnifique. Malheureusement ce fut un échec et malgré ses airbags le robot ne répond pas. Dommage !
Mais voilà, heureusement que, comme par hasard, trois jours après, les Américains lâchent leurs petits robots "Spirit " et " Opportunity ", avec ses airbags aussi et qui fonctionnent, eux. Magnifique. Nous voyons quelques photos désertiques de la planète rouge. Le site de la NASA est saturé.
Qu'est-ce que cela veut dire en fait ? Deux groupes de scientifiques éminents ont travaillé d'arrache-pied pour coiffer l'autre au poteau. Pour être les premiers. Quelle bêtise écologique, financière quand deux équipes aussi compétentes et aussi brillantes travaillent ainsi. Envoyer à quelques jours de distance deux fusées et tout leur attirail scientifique pour le même projet, à quelques jours. Tout cela pour être le premier. Et bien je trouve cela petit. Les réussites de communication ces derniers jours entre les équipes ne changent rien à mon point de vue.
Est-ce que c'est toujours si important que cela dans la vie, être le premier ? Si l'on regarde bien ce qui se passe, eh bien oui : Il vaut mieux être le premier. Au premier, l'or, le drapeau, l'hymne national, les interviews, la célébrité, les sponsors et l'argent, les retombées financières. Très classiquement, si je vous demande qui a été deuxième du Tour de France 2003 ? Personne ne sait. Et je ne le sais pas non plus. Il vaut mieux être le premier. Et je pourrais multiplier les exemples dans presque tous les secteurs de la vie, du monde professionnel.
Je vous raconte une dispute : les disciples sont en train de se chamailler. Si, si, les compagnons de Jésus : Pierre, André, Jean et Jacques et les autres ! " C'est moi le plus grand ! ", " Ah non ! C'est moi le plus important. " " Je vous dis que c'est moi. " " Rien à faire c'est moi ! " Et la dispute continue pour savoir qui est le plus grand, qui va commander. J'imagine les débats, je force le trait : " C'est moi parce que je suis le premier. " " Non c'est moi parce que je suis le plus vieux. " " Non, non, c'est moi parce que je suis le chouchou. " " Arrête, c'est moi parce que je suis le plus régulier. " " Tu rigoles, c'est moi parce que je suis le plus ordonné. " " Et moi, je suis le plus charismatique non ?" Il faudra bien quelqu'un pour gouverner quand le maître ne sera plus là.
Jésus va lâcher une parole qui touche encore beaucoup aujourd'hui. Une parole avec laquelle il faut un peu se battre. " Beaucoup des premiers seront les derniers et beaucoup des derniers seront les premiers. " Cette parole secoue en profondeur la perception que nous pouvons avoir de la réussite. C'est une parole difficile parce qu'elle minimise les premiers et donne de la valeur aux derniers. Si je me sens être un premier - et j'en ai le droit - cette parole me rappelle à un peu de modestie. Mes forces ne sont pas sans fin, ni mon fond de santé, ni mon entourage. Si je me sens être un dernier, cette parole me rappelle que toutes les réalités du monde ne se résument pas dans la réussite et la gloire, mais que d'autres qualités ont une valeur dans d'autres sphères, celles de Dieu, des qualités telles que l'amitié, l'amour, la loyauté, le partage.
" Si quelqu'un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et le serviteur de tous. " Inutile de se chamailler, mais mettez-vous à disposition des autres, soyez capable de vous étonner. Voilà une vraie hiérarchie.
Arimas veut être le premier et il y arrive très bien sur le plan du résultat, de la performance. Le coureur éthiophien délivre le message qui est utile au roi, et en cela il est le serviteur de tous, il est le dernier de tous, mais il est aussi le premier. De quel genre de paroles sommes-nous porteurs ? De quelles paroles, sommes-nous porteurs ?
De quelle parole suis-je porteur ? Nous aussi chaque jour de notre de vie nous sommes amenés à nous exprimer. Et alors, qu'est-ce qui sort de nous ? Des paroles vraies. Des paroles fausses. Des paroles qui font du bien. Des paroles qui font du mal. Des paroles qui disent " Sois le bienvenu ". Des paroles qui disent " Qu'est-ce que vous fichez encore ici ?" Des paroles qui disent: " Assieds-toi un moment." Ou de celles qui disent " Je n'ai pas de temps pour toi ". Des paroles qui disent " Vite, vite. " Ou des paroles qui disent "Tu verras, nous y arriverons." Sommes-nous comme le coureur éthiopien ou comme Arimas ?
La parole qui est la mienne au fond de mon cœur, la parole pour laquelle j'étais prêt à courir, la parole pour laquelle j'étais prêt à me battre, la parole pour laquelle j'étais prêt à mourir peut-être, quelle est-elle ? Nous avons de la peine à transmettre ce qui nous habite. Nous avons de la peine à laisser une trace de notre vraie parole. Nous sommes des handicapés pour dire les mots qui restent.
Je voudrais taper sur un clou théologique, juste un : Jésus n'est pas un porte-parole. Il faut bien comprendre cela pour goûter tous ses mots. Nous entendons et voyons souvent à la télévision les porte-parole des grandes entreprises, d'une personnalité, du gouvernement. Des gens qui savent se tenir devant un micro, une caméra. Des gens dont l'assurance, quelle que soit la question, est imperturbable. Mais la parole que Jésus annonce n'est pas une vague copie de ce que Dieu dirait. C'est une parole au contraire en direct. Une parole qui se crée au fur et à mesure des événements. Une parole qui a autorité et qui peut changer les choses et les gens. Jésus n'est pas un porte-parole, il est la parole.
De quelle parole suis-je porteur ? Nous sommes largement responsables aujourd'hui de la parole qui est la nôtre. C'est cette Parole que nous portons aujourd'hui qui intéresse Dieu, celle d'hier et d'avant-hier sont déjà si lointaines. Il n'est jamais trop tard pour changer de langage. Il n'est jamais trop tard pour se faire une parole en or. Il n'est jamais trop tard pour être vrai. Il n'est jamais trop tard pour se comporter avec la fidélité du coureur éthiopien. " Car beaucoup des premiers seront les derniers, et des derniers seront les premiers. " De quelle parole suis-je porteur ?
Amen !
De quelle parole suis-je porteur ?
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