La grâce : faire grâce et se faire grâce

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Ce matin j’aimerais vous parler d’une personne que j’ai rencontrée il y a quelque temps. Non pas parce que cette personne est extraordinaire : au contraire, c’est parce qu’elle ressemble tellement à vous ou à moi que j’aimerais vous parler d’elle.
C’était une femme comme beaucoup d’autres : une histoire de vie faite de hauts et de bas. Un besoin d’être aimée et respectée. Des blessures intérieures plus ou moins guéries. Bref, une vie qui pourrait ressembler à la vôtre ou à la mienne. Un des privilèges du métier de pasteur, c’est de pouvoir entendre le cœur des gens : souvent les gens nous font confiance et nous partagent leur cœur, leur intimité, leurs espoirs et leurs doutes. C’est une partie de la faiblesse humaine que nous pouvons entrapercevoir. Je commence alors à me dire que nous nous ressemblons tous avec nos élans mais aussi nos batailles intérieures et notre découragement.
Puis, ensemble, nous avons parlé de la grâce de Dieu. Elle m’a dit comment elle comprenait cet amour de Dieu pour elle. Honnêtement, je n’avais pas grand chose à rajouter : elle avait une compréhension très claire de ce que Dieu pensait d’elle et comment Il la regardait.
Ce qui fait souvent la différence dans nos vies, c’est la présence de Dieu. Non pas que ce soit une recette miracle qui nous évite les aléas de la vie, mais quelle différence en nous quand nous pouvons nous confier en Lui, Lui dire ce qui nous habite, Lui confier notre cœur. Au long des rencontres faites dans mon métier, j’ai réalisé que beaucoup de personnes savent ce qu’est la grâce de Dieu

Petite remarque en passant notamment pour nos auditeurs : quand j’ai demandé à cette femme où elle avait appris ce qu’est la grâce de Dieu, elle m’a parlé d’une grand-maman qui avait rencontré Dieu au cœur de sa vie difficile. Une grand-maman qui avait vécu de la grâce de Dieu et surtout qui avait prié pour sa petite-fille.
Chers amis, tant de fois j’ai entendu la même histoire : un grand-papa ou une grand-maman qui a prié fidèlement pour sa famille. Souvent sans voir de grands effets à sa prière ! mais je peux témoigner que cela fait une différence. Quelque chose de la bénédiction de Dieu est donné et porte son fruit en son temps.
Grands-parents, priez pour vous enfants, pour vos petits-enfants : vous semez dans leurs vies une bénédiction qui, un jour ou l’autre, leur fera ce bien dont ils auront alors tant besoin.

Cette femme avait compris la grâce de Dieu mais elle m’a dit alors ceci : " J’ai compris dans ma tête mais mon cœur n’arrive pas à en vivre. Je sais ces choses, je sais l’amour du Seigneur pour moi mais je n’arrive pas à en faire quelque chose ! "

Définition de la grâce de Dieu
La grâce de Dieu, c’est :
- ce regard plein de compréhension que Jésus pose sur nous ;
- cet amour qui pardonne nos manquements, qui va au-delà de nos ratés ;
- cette acceptation de qui nous sommes avec tendresse et pourtant sans rien cacher de ce que nous sommes.

C’est la même histoire qui nous est racontée dans le texte biblique que nous avons entendu tout à l’heure dans Matthieu.
Un homme doit rendre des comptes à son roi : il lui doit une énorme somme d’argent. Comme il n’arrive pas à rembourser, il va faire appel à la grâce du roi : « Prends patience envers moi et je te paierai tout ! » Il a raison : cela marche ! Le maître en eut pitié: il annula sa dette et le laissa partir.
Un homme et sa famille dans une situation impossible et qui attend le regard de grâce de son roi pour le sauver. C’est souvent notre situation. Nous avons besoin qu’on nous aime tel que nous sommes. Nous avons absolument besoin qu’on nous fasse grâce.
Mais j’aimerais aller plus loin, car cette histoire continue et c’est là que les choses souvent se compliquent dans nos vies.

La grâce pour les autres
Quand il s’agit pour cet homme de faire grâce à son tour à un collègue qui lui devait aussi quelque chose, cet homme refusa. Ce regard plein de compréhension et à la fois de vérité que Dieu pose sur nous, à notre tour nous sommes appelés à le poser sur nos voisins, nos collègues, nos conjoints.
Il a fait cette faute basique que nous faisons aussi souvent : ne pas redonner plus loin ce qui a été reçu ! Il ne va pas redonner même une petite partie de ce qu’il a reçu : il était pourtant dans son droit d’exiger le remboursement. Mais le roi avait été plus loin que ce qui est juste : il avait été jusqu’à la miséricorde !
Pour les autres, je crois que nous sommes tiraillés : des fois nous les regardons avec grâce et des fois nous ne le faisons pas. Oui, nous arrivons des fois à leur faire grâce, parce que nous les aimons. Alors on peut pardonner, on arrive à comprendre, on arrive à aimer.
Mais déjà là, il y a tellement d’autres pensées qui viennent combattre ce regard plein de grâce :
- le besoin d’excellence car nous sommes dans un monde où il faut démontrer nos qualités.
- car nous avons une image de Dieu non pas comme un Père mais comme celui qui pose sur nous d’abord des exigences.

Ces derniers mois, j’ai accompagné de nombreuses familles touchées par le suicide. À chaque fois, la même question s’est posée dans la famille : qui aurait pu être responsable ? Que penser de celui qui est décédé ? Quel regard je vais poser sur tel ou tel impliqué dans le suicide ?
Et il y a en nous ce combat entre un regard fait d’exigence d’abord ou plutôt un regard plein de grâce. J’aimerais être clair : le Seigneur ne se fait aucune illusion sur qui nous sommes et il connaît ce que nous faisons. Mais il a envoyé Jésus mourir sur une croix pour le pardon et la grâce. L’histoire que Jésus raconte nous apprend que ne pas redonner aux autres ce que Dieu nous a donné n’est pas très sage !

La grâce pour soi
Accepter la grâce de Dieu dans nos vies est parfois difficile. Redonner aux autres cette grâce reçue est des fois encore plus difficile. Mais le pire est encore à venir : quelle peine nous avons souvent à poser ce même regard sur nous ! Ce regard plein de grâce que le Seigneur porte sur nous, nous n’arrivons pas à le porter sur nous-mêmes. Je pense à un ami qui a écrit ceci à sa famille peu avant de mourir : « Je ne veux pas être un poids. » Je pense à l’apôtre Paul qui écrira aux Romains : « En effet, je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas. » Romains 7, 19
Cette femme dont j’ai parlé tout à l’heure, après avoir ensemble parlé de ce que Dieu pensait d’elle, je lui ai demandé ce qu’elle pensait d’elle-même. Au début, elle ne m’a pas répondu : un long silence et quelques larmes ont suffi à me faire comprendre que cette femme ne portait pas sur elle le même regard que le Seigneur posait sur elle.
Pour avoir accompagné de nombreux suicides ces dernières semaines: des histoires de vie très différentes mais toujours la même question qui se pose à un moment pour les familles notamment : « Qu’est-ce que je pense de moi ? Qu’est-ce que je vaux ? Comment puis-je m’aimer tel que je suis ? » Et ce sentiment de culpabilité souvent présent: je me sens coupable et cela m’interdit de m’aimer moi-même.

Trouver la grâce de Dieu
J’ai souvent demandé à des personnes : « Que pense le Seigneur de vous ? » Certains m’ont répondu par des versets bibliques : en fait ce n’était pas la réponse de leur cœur mais de leur tête ! En fait, peu ont pu me répondre ! Je crois que c’est parce que pour beaucoup d’entre nous, il y a un conflit entre le regard de Dieu sur nous et notre propre incapacité à nous aimer tel que nous sommes. Attention, cela ne signifie pas à nous trouver parfaits ou magnifiques à tous points de vue ! Mais à nous aimer dans notre péché comme Jésus Christ nous aime tels que nous sommes et à donner sa vie pour nous. Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : « Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. » Romains 5, 8
Dans la parabole, le roi dit ceci à l’homme gracié : « Tu devais toi aussi avoir pitié de ton compagnon, comme j'ai eu pitié de toi. » Et si le Seigneur parlait de nous aussi : arriver à me voir comme Dieu me voit. Parvenir à m’aimer comme Il m’aime ! Me faire grâce parce qu’Il m’a fait grâce. « Tu devais toi aussi avoir pitié de toi, comme j'ai eu pitié de toi. »

Chercher la grâce de Dieu
Nous ne pourrons jamais donner ce que nous n’avons pas reçu : comment poser sur les autres ce regard de grâce si personne ne nous regarde avec grâce ? Et même si ce regard se pose sur nous, comment nous accepter nous-mêmes, nous aimer nous-mêmes si nous n’avons pas été bouleversés et comme labourés par la tendresse que notre Seigneur a pour nous ?
C’est le sentiment d’urgence qui m’habite à l’écoute de toutes ces vies : tout l’Évangile dit qu’accepter la grâce de Dieu est une question de vie ou de mort. Accepter la grâce de Dieu non seulement en vue du jugement dernier; je crois que Jésus Christ nous parle déjà de maintenant : nous avons un besoin vital de la grâce ! sinon nos relations sont menacées de mort, notre vie intérieur est menacée de mort.

Conclusion
Le roi dira à l’homme de la parabole : « J'ai annulé toute ta dette parce que tu m'as supplié de le faire. » Cherchons la grâce de Dieu si nous ne l’avons pas trouvée. Et si nous l’avons reçue, alors ne faisons pas la même erreur que l’homme de la parabole : ne la gardons pas pour «nous».
Regardons les autres avec ce même amour que le Seigneur nous porte. Et osons même cette folie : nous aimer comme Il nous aime !

Amen !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Michel Bignens
Musique
Groupe de louange : 2 voix, un piano (ou guitare), une basse et une batterie, dir. Simone & Stéphane Unger