«Veillez et priez ! L’espérance au cœur de nos luttes »

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Jésus a vécu deux combats déterminants dans sa vie. Le premier marque ce temps de Carême : les 40 jours de lutte avec le tentateur dans le désert. C’est le premier combat décisif avant son activité publique. Au terme de ces 40 jours, le texte biblique dit que « le diable quitta Jésus jusqu’à une nouvelle occasion… » Cette nouvelle occasion, la voilà, 3 ans plus tard, dans le jardin de Gethsémani. La vie du Christ est imbriquée entre ces deux combats décisifs.
En relisant ce récit, j’ai été touché de découvrir un Jésus pleinement homme. Bien loin de l’image d’un super héros invincible ! Jésus éprouve des sentiments humains, il est tenté de tout abandonner, il cherche de l’appui auprès de ses intimes. Nous pouvons nous y reconnaître. Nous pouvons être encouragés quand nous éprouvons des nuits semblables à celle de Vendredi Saint.
Bien sûr, l’enjeu n’est pas le même, nous ne sommes pas chargés du salut de l’humanité. Nous avons cependant une mission semblable : faire la volonté du Père dans le champ de nos existences. Accomplir la volonté de Dieu dans notre quotidien, c’est accepter la dimension du combat spirituelle, d’une lutte qui nous dépasse.
Il n’est pas étonnant de retrouver ces notions dans la prière de Jésus : « Que ta volonté soit faite. » ; « Ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal. »

J’aimerais ce matin vous faire part de deux découvertes :
- Comment Jésus nous invite à lutter, à résister à la tentation.
- Ensuite, nous verrons que nous ne sommes pas seuls dans le combat.
1. La vigilance : veiller et prier.
« Veillez et priez ! »
Facile à dire ! C’est la nuit. Veiller à l’heure où le corps réclame le sommeil. Il faut se faire violence. Mais où trouver cette volonté et cette énergie pour veillez ? Les disciples n’ont visiblement pas la même conscience que Jésus des instants qu’ils vivent. Ils ont pourtant reçu des avertissements, des paroles fortes. Pierre et les autres avaient vivement réagi à l’annonce de leur dispersion générale et du reniement de Pierre.
Mais quelques heures après, le sommeil se montre plus puissant. Ils sont encore avec Jésus dans un compagnonnage devenu habituel, routinier. La routine nous expose au sommeil. Vous en avez certainement déjà fait l’expérience … peut-être lors d’un culte ! J’aimerais vous faire part d’un grand souci qui m’habite en ce moment : que vous vous endormiez durant cette prédication. Ce serait pour moi le comble, un échec. Mais le risque est réel, en particulier pour ceux qui nous écoutent confortablement assis dans un fauteuil. Ainsi de temps en temps, je ferai tinter cette clochette pour vous garder éveiller. Clochette !

« Veillez et priez afin de ne pas tomber au pouvoir de la tentation. »
Pour lutter efficacement contre le sommeil, la veille doit être habitée par la prière, nourrie par un dialogue avec le Père : ça change tout ! Dans le dialogue, l’esprit est actif, le croyant peut s’exprimer, extérioriser ses sentiments, ses doutes, ses demandes. Par ailleurs, il peut recevoir une pensée, une conviction ou des sentiments qui viennent du cœur de Dieu. Le croyant veilleur et lutteur peut ainsi être fortifié et tenir dans la durée. Les Pères de l’Eglise ont nommé cette attitude la vigilance. La vigilance unit deux actions : la veille et la prière. La veille nourrie par la prière.
L’Evêque russe Ignace Briantchaninov qui a vécu au 19ème siècle donne une belle définition de la vigilance : « La vigilance est inséparable de la prière : la première naît de la seconde et l’engendre à son tour… La vigilance s’acquiert progressivement. Elle naît principalement de la lecture et de la prière attentives, de l’habitude de veiller sur soi-même, d’être éveillé, de peser chaque parole que l’on prononce et de réfléchir à chaque action que l’on entreprend, d’être attentif à toutes ses pensées et à tous ses sentiments… »
Saint Hésychius, un moine du 5ème siècle, nous donne une belle image qui résume ce qui vient d’être dit : « La vigilance est un contrôle persévérant de l’Esprit montant la garde à la porte du cœur ; elle permet de voir les pensées qui s’en approchent. » La vigilance serait comme un soldat qui veille à la porte de notre cœur. Une sentinelle envoyée par l’Esprit saint pour trier ce qui entre dans notre cœur.
Plus profondément, la vigilance est une question de confiance et d’espérance bien placées, fondées en Dieu. Toujours selon l’Evêque Ignace : La vigilance est la vie selon l’esprit ; elle est un mode de vie céleste ; elle est la vraie humilité qui place toute son espérance en Dieu, et qui refuse toute confiance en soi et toute espérance fondée sur les hommes. Clochette !

« L’esprit est plein d’ardeur, mais la chair est faible. »
L’esprit et la chair ne désignent pas deux parties de l’homme, mais plutôt deux attitudes, deux manières d’être. L’esprit est bien disposé, plein d’ardeur. Oui nous sommes désireux de servir, d’aimer, de donner, de prier pour, de faire la volonté de Dieu, d’être loyal et honnête.
Mais la chair est faible… Nous sommes moins prompts à réaliser ce que nous désirons. Notre bonne volonté a souvent une longueur d’avance sur notre capacité à agir. Nos ressources manquent au moment de l’action ! La lutte est là, avec nous-mêmes. Le tentateur le sait bien, il connaît en particulier nos points faibles. Il saura introduire les pensées et les raisonnements qui nous détournent de ce que nous savons bon et juste. Il va nous apprendre à nous justifier, à relativiser la réalité, à replacer les choses dans une autre échelle de valeurs.
« L’esprit est plein d’ardeur, mais la chair est faible. »
Quand Jésus pose se constat, il ne juge pas les disciples. Il ne leur fait pas la morale. Il les enseigne, il continue leur formation jusqu’à la dernière minute. Il veut leur montrer qu’ils ne peuvent s’engager seuls dans cette lutte. Avec eux, nous devons accepter d’être aidés, d’être transformés pour que nos bonnes intentions deviennent volonté du Père ! Clochette !

2. Quels sont les partenaires de ce combat ? Les frères et sœurs, le St-Esprit.
Voilà ma seconde découverte : le combat spirituelle est une affaire communautaire ! Christ ne s’engage pas seul dans ce dernier combat de Gethsémani. Il part avec ses disciples. Puis, il invite les plus intimes : Pierre, Jacques et Jean. C’est à eux qu’il confie son angoisse et sa tristesse, c’est à eux qu’il demande de veiller et prier. Quelle leçon d’humilité !
Jésus aurait pu prier seul. Il connaissait la faiblesse de ses amis, il savait la proche trahison de Pierre et la fuite des autres. Il aurait pu dire : à quoi bon ! Non. Dans ce combat contre le tentateur, Jésus sollicite le soutien de ses frères dans la foi. Comme Jésus et plus encore, nous avons besoin d’être épaulés, encouragés, accompagnés.
Apprenons à nous ouvrir aux autres. Apprenons à partager nos frayeurs, nos tristesses, nos tentations. Nos partenaires de prière n’ont pas besoin de tout savoir, juste ce qu’il faut pour orienter leur intercession. Il est aussi bon de revenir vers eux de temps en temps, pour leur donner des nouvelles. C’est une manière de les inviter à rester éveillés.
Les savoir « en pensée » ou « en prière » est déjà bon. Peut-être qu’un mot, une réflexion de l’un d’entre eux sera stimulant, réconfortant ou apportera une bribe de réponse.
Si vous ne pouvez vous déplacer, si votre ami, amie est éloigné(e), le téléphone, internet permettent de rester en lien. Personnellement, depuis quelques années, j’ai rejoint un groupe d’amis que je rencontre une fois par semaine. Parmi eux, je ne suis pas le pasteur, mais un frère parmi d’autres frères. Nous échangeons au sujet de ce que nous vivons professionnellement, familialement ; nous nous interpellons mutuellement avec liberté et respect ; nous lisons un texte biblique et nous prions. Tout cela sans ordre préétabli. Quelle richesse, quel encouragement de voir comment Dieu nous fait évoluer et grandir dans cette dynamique communautaire !
Maintenant, nous savons que nos partenaires de prière sont limités et faillibles. Ils ne sont pas toujours là au bon moment, ils ont leurs propres préoccupations ou alors ils somnolent, et nous n’avons pas l’impression d’être écoutés. C’est pour cela que Dieu en personne nous vient en aide. Il nous fait un immense cadeau !
Clochette !

Excusez-moi, je sonne avec insistance, car je rappelle ici une parole de Paul aux Romains qu’il faut absolument enregistrer : « L'Esprit Saint nous vient en aide, parce que nous sommes faibles. En effet, nous ne savons pas prier comme il faut ; mais l'Esprit lui–même prie Dieu en notre faveur… » L’Esprit Saint nous vient en aide ! C’est magnifique ! Jésus lui-même y fait recours ! Il prie en disant : « Abba, Père …» Il utilise l’expression intime pour parler à Dieu : « Papa » ! Cette manière de parler est un don de l’Esprit. C’est l’Esprit qui murmure à nos oreilles ces mots.
Dans ce même chapitre de la lettre aux Romains, il est dit : « C’est l’Esprit Saint qui fait de vous des enfants de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu : « Abba, ô mon Père ! » C’est là, au cœur de cette prière intime murmurée par l’Esprit que le combat est gagné, sur la terre comme au ciel, dans nos cœurs, comme dans le cœur du Père.
Quand l’Esprit intercède pour nous, auprès du Père, il demande ce qui est bon pour nous. Il intercède selon la volonté de Dieu. Alors, nos frayeurs, nos angoisses et nos tristesses disparaissent ; nos demandes biaisées, nos envies sans issues sont démasquées. Nous devenons capables de discerner le projet de Dieu. Nous arrêtons de dire à Dieu ce qu’il a à faire et nous pouvons prier : Que ta volonté soit faite !
C’est l’expérience de Jésus à Gethsémani. Le combat de la passion et de la croix est gagné au moment précis, où l’Esprit permet à Jésus de formuler cette prière : « Abba, Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe ! Pourtant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » Ainsi, quand Juda et les soldats se présentent, quand les disciples se réveillent réellement, quand le chemin de la passion s’ouvre, Jésus est prêt, il est équipé et serein.
Clochette !

Chers amis, amies, Dieu connaît nos luttes intérieures, avec nos pensées, avec nos sentiments, nos envies, nos loyautés tiraillées, nos projets contradictoires, nos luttes avec les autres, avec les circonstances plus ou moins accidentelles. Il connaît tout cela. Il nous appelle à une vigilance de chaque instant, une vigilance envers nous-mêmes d’abord : veilliez et priez !
Cette vigilance est plus belle et plus forte encore, quand elle est partagée. Quand nous osons nous ouvrir à un ami, une amie pour solliciter « une veille partagée ». Maintenant, si nos partenaires de veille sont absents ou endormis ou quand nous faiblissons, l’Esprit vient nous soutenir. Il nous aide à dire « Papa ». Il nous donne accès à l’intimité du cœur de Dieu. L’Esprit nous ouvre mystérieusement et véritablement à la volonté du Père. Alors la nuit se dissipe petit à petit, la lumière du Christ nous habite, le combat est gagné ! Nous pouvons dire avec le Christ : « non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » Amen ! Clochette !

Détails

Avec la participation de
Orgue
Anne-Lise Vuilleumier Luy
Musique
Antoine Schneider, violon; Florence de Saussure, violon et flûte; Hedi della Casa, flûte à bec; Rose-Marie Girschweiler, chant

Organiste : 079 672 02 03