Écouter le culte :
On estime à plus de cent milliards le nombre d'étoiles qui composent notre galaxie et à cent milliards le nombre de galaxies dans l'univers que nous connaissons. Dans cette immensité composée de milliards de milliards d'étoiles, une toute petite planète, notre planète, une planète unique dans l'état actuel de nos connaissances. La vie existe-t-elle ailleurs dans l'univers ?
Nous ne le savons pas. Selon un astrophysicien vietnamien, sans un réglage extrêmement précis des conditions initiales de l’univers, les étoiles n’auraient pas pu naître et sans étoiles, il n'y a pas d’éléments lourds et donc pas de vie ! On peut comparer la précision stupéfiante du réglage de la densité initiale de l’univers à celle dont devrait faire preuve un archer pour planter une flèche dans une cible minuscule, de 1 cm de côté, qui serait placée aux confins de l’univers.
Et pour que la vie survienne sur la terre, il a encore fallu que de nombreuses conditions soient réunies : pas de planète gazeuse, pas de bombardements incessants de météorites, des températures qui permettent la présence d'eau liquide, etc.
Que l'on croie au seul hasard ou que l'on croie en une volonté créatrice au départ de l'univers et de la vie, nous voici, les uns et les autres, invités à l'émerveillement et au respect. «Se tenir sur la lune et regarder la terre est une expérience extraordinaire», a dit un jour l'astronaute Neil Armstrong. Et il ajoutait : «J'ai été impressionné de voir à quel point la terre était belle. Mais aussi à quel point elle était petite. Comme une île minuscule dans un océan infini: la seule île – à notre connaissance – qui soit habitable par l'être humain. Jamais auparavant je n'avais eu conscience avec une telle acuité à quel point il était important de faire en sorte que cette île reste habitable, de la préserver et de la protéger non pas contre des agresseurs, mais contre nous-mêmes, les humains. J'ai levé mon pouce et fermé un œil : mon pouce avait effacé ce minuscule petit pois si beau, si bleu qu'est la terre. Alors, je ne me suis pas senti grand comme un géant. Je me suis senti petit, très petit.»
Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La première phrase de la Bible est remarquable par sa concision. Au départ du monde, elle renvoie à un acteur, un acteur unique: Dieu. Ça signifie : ici, une volonté créatrice est à l'oeuvre, un dynamisme qui ne vient pas de nous. Or la terre était un chaos. Quelque chose se trouvait là au départ : l'hébreu parle d'un tohu-bohu. Une terre « chaotique » ou bien «informe et vide» selon d'autres traductions, des eaux et des ténèbres : telle est décrite la réalité première. C'est une réalité mystérieuse, dont il n'est pas dit d'où elle vient. Elle est simplement là, sans explication.
Le récit biblique de la création du monde commence donc en présentant, en quelque sorte, la toile de fond sur laquelle le monde de Dieu, inattendu et merveilleux, va survenir, alors que rien ne le prépare. Cette toile de fond est une réalité hostile à la vie : les ténèbres sont liées au malheur et à la mort dans la Bible et les eaux représentent un élément toujours dangereux, contenu certes, mais qui menace toujours à nouveau de venir submerger l’espace des humains.
A cette réalité hostile, Dieu dit non, mais cela ne veut pas dire qu'elle ne puisse pas réapparaître. Le créé peut retourner au chaos. L’existence ne va pas de soi. C’est ce qui nous est dit ici et c’est aussi ce qui nous est dit dans le récit du déluge. Les deux récits – celui de la création et celui du déluge – sont à mettre en lien l'un avec l'autre. La création est un chef d’œuvre qui peut être remis en question. Aujourd'hui, avec les divers problèmes environnementaux que nous connaissons, nous prenons à nouveau conscience de ce risque.
Cette conscience de la fragilité de l'existence était présente aux origines de l'humanité: nous savons aujourd'hui, que la préoccupation première, à ce moment-là, n’était pas de savoir comment le monde avait été créé. Ce qui comptait, ce n’était pas le passé, mais le présent et le futur. La préoccupation principale était de conserver le monde et de préserver l’existence. L’être humain se savait fragile, il se savait menacé par son environnement. C’est pourquoi les récits de la création du monde et de l’être humain étaient racontés lors d’événements particuliers, par exemple au moment de l’accouchement ou de la fête du Nouvel An.
En racontant ces récits, on appelait la divinité qui avait fait surgir la vie à maintenir et à renouveler celle-ci dans le présent et dans l'avenir. Dans les versets qui suivent l'évocation de cette toile de fond initiale, l'activité créatrice de Dieu est racontée positivement, au cours d'étapes successives. Dieu dit. Dieu crée d'abord en parlant. Aucun combat n'a lieu ici, contrairement à d'autres récits de création du monde, mais au début de chaque journée Dieu dit et la chose survient. Pour l'auteur, tout ce qui se passe trouve son origine dans la parole de Dieu.
Et c'est même à travers toute la Bible que la parole de Dieu est vue comme une parole qui initie les événements, qui agit, qui fait surgir des choses nouvelles, transforme, relève, met en marche. Il en ira ainsi avec Abraham, que Dieu appelle à quitter son pays, avec Moïse que Dieu envoie vers le pharaon, avec les prophètes que Dieu appelle à parler en son nom, puis bien plus tard avec Jésus dont la venue est annoncée à Marie à travers les paroles d'un ange.
Dieu aurait pu créer par la pensée, mais on pense seul, alors qu'on ne parle pas à rien ou dans le vide. On parle à quelqu'un ou à quelque chose. Dieu parle ici à la réalité initiale, il l'invite à changer, à devenir jour et nuit, terre et eau, végétal et animal. Si Dieu se taisait, rien ne se passerait. Le chaos l'entend et lui obéit. Aujourd'hui encore, la parole divine appelle et elle attend une réponse. La réponse humaine. Une réponse qui manifeste du respect à l'égard de celui qui offre et à l'égard de ce qui est offert.
Le sixième jour, c'est la création de tous les animaux qui vivent sur la terre ferme puis c'est celle de l'être humain. On a souvent considéré celle-ci comme le couronnement de la création. Il y a du vrai dans cette affirmation. On voit que la création de l'être humain est mise en évidence de manière particulière par des répétitions: Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, mâle et femelle il les créa. L'être humain est aussi mis en évidence par la mission qui lui est confiée, ce qui n'est pas le cas des autres êtres vivants.
Mais il faut aussi relever que la création de l'être humain ne se passe pas au cours d'un jour qui lui est réservé. Il est créé le même jour que les animaux terrestres. Et dans la seconde partie de ce 6ème jour, on voit que, comme les bêtes sauvages, les oiseaux et tout ce qui rampe sur le sol, l'être humain reçoit sa nourriture de Dieu. Ainsi, même s'il apparaît comme un être unique au sein de la création, il n'est pas mis sur un piédestal. En dépit de la place particulière qu'il occupe, il reste proche et solidaire des animaux, dépendant comme eux de Dieu et de son environnement pour se nourrir et pour vivre. Et finalement, ce n'est pas avec la création de l'être humain que le récit se termine. La finale est constituée par le 7ème jour.
En accentuant fortement le caractère unique de l'être humain, nous avons en grande partie oublié la profonde solidarité qui l'unit aux animaux. La disparition de nombreuses espèces animales due à la destruction de leur habitat, doit nous rendre attentifs à la menace que nous faisons peser sur notre propre espèce. L'eau, la terre fertile, les végétaux producteurs d'oxygène sont autant d'éléments indispensables à la vie humaine et animale. Si on considère l'être humain comme le sommet de la pyramide on ne doit pas oublier que la pointe n'est rien sans la base qui la soutient. Ainsi, la forêt, pour prendre cet élément vital, peut vivre sans l'être humain, mais l'être humain, comme les animaux, ne peut pas vivre sans elle.
Une des choses qui frappent dans le texte de Genèse 1, ce sont les formules à répétition: il y eut un soir, il y eut un matin, Dieu vit que cela était bon, il en fut ainsi, Dieu dit. Ces formules répétitives résonnent comme des refrains qui donnent au texte une régularité majestueuse. Celui-ci résonne comme un chant, un chant construit de manière méticuleuse. Cette construction longuement réfléchie apparaît, par exemple, dans l'intérêt particulier pour le chiffre 7 : «Il en fut ainsi», « Dieu vit que cela était bon» se retrouvent 7 fois, le verbe bara, qui signifie créer et qui a uniquement Dieu pour sujet, se retrouve aussi 7 fois. Le premier verset compte 7 mots. La création est insérée dans un cadre de 7 jours. Le 7ème jour est mis à part.
Les termes ont été choisis avec soin et chaque élément posé à sa place. La création est vue positivement. Elle correspond au projet de Dieu. Cette vision, qui ne correspond pas entièrement à notre expérience et nous place face à un certain nombre d'énigmes, ne veut pas être uniquement une vision uniquement passée, mais aussi une vision d'avenir et d'espérance. L'auteur ne se situe pas face à la création du monde comme quelqu'un qui sait. Il affiche plutôt une distance respectueuse, comme quelqu'un qui se trouve face à un immense mystère.
Qui est celui qui est chanté dans ce poème solennel ? Ce n'est pas l'être humain. C'est le tout Autre, celui que nous nommons « Dieu ». La réponse à ce qu'il fait et à ce qu'il offre, c'est l'émerveillement, le respect, la louange. Louer Dieu, ça veut dire l’applaudir, lui dire notre admiration, lui faire de la place, le laisser être ce qu’il est, lui accorder la première place. En faisant de Dieu le personnage central, l'auteur nous invite à nous défaire du savoir et du pouvoir. Quand nous louons Dieu, ce ne sont pas nos connaissances, nos compétences, nos découvertes, que nous élevons et plaçons au-dessus de tout, ce n'est pas non plus la science, la technologie ou le pouvoir de l'argent.
C’est un Autre, sa volonté, son projet, son regard que nous mettons en valeur. Quand nous louons Dieu, nous nous mettons en retrait. Cela ne veut pas dire que la louange nous amoindrisse. Elle nous remet simplement à notre place. En nous tournant vers un Autre, elle nous décentre de nous-mêmes, nous redresse et nous allège. La louange se limiterait-elle à des paroles ? Ne concerne-t-elle pas notre être tout entier, n'englobe-t-elle pas également nos faits et gestes, tout au long du jour ? Célébrez le Seigneur, chantez pour lui, méditez sur toutes ses merveilles, souvenez-vous de tous ses prodiges. Amen !