Écouter le culte :
Quand j’ai raconté l’histoire de Jésus qui marche sur la mer au culte de l’enfance, une fille m’a demandé : pourquoi nous ne pouvons pas marcher sur la mer ? Bonne question. Est-ce que Jésus a vraiment marché sur la mer ? Et Pierre ? Et pourquoi pas nous ? Peut-être la question n’est-elle pas si bonne que cela ! Oui, sans doute, Jésus a fait des choses extraordinaires, des choses que nous avons de la peine à expliquer. Mais ce n’est pas cela qui compte.
Ce qui compte, c’est que ces histoires nous parlent d’une réalité qui nous surpasse à tel point que les simples mots ne suffisent pas. Nous avons besoin d’images, comme celles qui se trouvent dans la Bible. Et si nous réfléchissons à ce que cela pourrait dire pour notre vie d’aujourd’hui, nous allons constater que nous aussi, nous sommes capables de marcher sur la mer. Si seulement nous arrivons à y croire.
Voici le tableau qui se présente devant nous. Les disciples sont dans leur barque, au milieu du lac de Tibériade. Jésus n’est pas avec eux. Il fait nuit. Le vent est fort. Pas vraiment une tempête, plutôt un vent contraire qui empêche les disciples de regagner la terre ferme.
Des vents contraires, est-ce que vous en avez fait l’expérience ? Et là, je ne parle pas de la bise sur le Léman qui nous empêche d’atteindre Lausanne. Je parle des moments qui arrivent dans chaque vie humaine. Des moments où rien ne va, des moments où tout nous échappe. La maladie qui frappe. La faillite. La trahison. Dans de tels moments, la barque de notre vie devient une coquille de noix laissée à la merci des vagues. Nous ne savons pas de quoi demain sera fait, si nous pourrons un jour regagner la terre ferme. Et nous avons peur. Jésus s’approche de la barque en marchant sur les vagues. Les disciples croient voir un fantôme.
Quand notre vie bascule, quand nous sommes troublés et angoissés, Il se peut que l’ancre de la foi se présente à nos yeux. Mais au lieu de le saisir, nous disons : un fantôme. Une illusion. Je suis seul, je resterai seul et rien n’y personne y changera quelque chose.
Ce n’est pas un fantôme. C’est Jésus. Il parle. « N’ayez pas peur, c’est moi. » N’ayez pas peur : c’est la parole que Dieu prononce toujours au milieu de l’angoisse humaine. Si seulement nous arrivions à l’entendre… Les disciples l’entendent et un premier soulagement pourrait se faire remarquer parmi eux. Mais ce n’est pas gagné. Le doute a la vie dure.
Voici Pierre qui dit : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux… » Seigneur, si c’est bien toi… Il n’est pas encore rassuré. Jésus joue le jeu. Il fait preuve de patience. Il le fait toujours, car il connaît notre faiblesse humaine. Nos hésitations. Notre foi chancelante. Jésus dit seulement : « Viens ! » Et Pierre vient. Il se jette à l’eau. Non, il marche sur l’eau. Un pas. Un deuxième. Un troisième. Et l’eau porte.
Si seulement, il n’y avait pas ces vagues. Si seulement, il n’y avait pas ce vent. Pierre a peur. Il commence à se poser des questions. Les mauvaises questions. Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Ce n’est pas normal ! On ne peut pas marcher sur l’eau. L’eau ne porte pas, tout le monde le sait. Et, en effet, l’eau ne porte pas. Plus précisément : l’eau ne porte plus. Pierre coule.
Parfois, il vaut mieux pas trop réfléchir. Vous en avez peut-être fait l’expérience lors d’une randonnée en montagne : il y a des moments ou nous avançons d’un pas sûr sur des passages vertigineux. Et tout d’un coup nous risquons un regard vers le bas. C’est l’horreur. Les jambes tremblent, le cœur bat à la chamade. Mais qu’est-ce que je suis en train de faire ? Et si je mettais le pied un brin plus à droite, un brin plus à gauche, c’est l’abîme.
Il y a plein de situations comme ça. Nous voulons faire quelque chose qui nous fait peur. Nous hésitons, nous nous posons des questions, nous doutons. Nous prenons notre courage à deux mains et nous nous lançons. Et tout d’un coup, la peur que nous croyions avoir vaincue revient. Mais qu’est-ce que je suis en train de faire ? C’est la folie. Et l’énergie dont nous avions besoin pour mener à bien notre affaire se perd dans le cauchemar de toutes les horreurs qui pourraient arriver.
Jésus dit à un autre endroit : «Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n'est pas fait pour le Royaume de Dieu.» (Luc 9, 62). La foi est une aventure. Un risque. Parfois, il vaut mieux pas trop réfléchir. Parfois, il faut se jeter à l’eau et voir si elle porte.
Tout ce qui reste à faire pour Pierre, c’est de crier au secours : « Seigneur, sauve-moi ! » Dans les moments de détresse, quand nous coulons, quand nous plongeons, nous ne pouvons pas nous en sortir tous seuls. Nous avons besoin d’aide. Et l’aide arrive.
Jésus tend la main et sort Pierre de l’eau. « Homme de peu de foi ! Pourquoi as-tu douté ? » On y entend la résignation. Ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière fois. Dans les Evangiles, les disciples sont rarement à la hauteur des événements. Et Pierre ne fait pas exception. Oui, après ce sauvetage, les disciples se prosternent et disent : vraiment, tu es le fils de Dieu. Pour cette fois-ci, c’est gagné. Mais ce ne sera pas durable. D’autres épreuves attendent. Et d’autres noyades. Un vendredi, tout semble perdu. Mais le troisième jour, Jésus ressuscite des morts. Et cela, c’est bien plus difficile que de marcher sur l’eau.
Mais peut-être Pierre a-t-il quand même appris quelque chose dans cette aventure : l’eau porte. Vraiment. Si je fais confiance que l’eau porte. Peut-être est-il même un peu fier de lui : J’ai réussi l’impossible. J’ai marché sur l’eau. Peu importe que je ne sois pas arrivé à terme. Je ferai mieux la prochaine fois.
Pour moi, il est encourageant de trouver cette histoire dans la Bible. J’aime aussi l’histoire de la femme syro-phénicienne que vous avez entendue dimanche passé. J’admire sa présence d’esprit et sa confiance inconditionnelle que Jésus puisse guérir sa fille. Mais je ne serais pas capable de faire comme elle. Elle représente un idéal vers lequel nous pouvons tendre, mais qui est difficile d’atteindre.
L’histoire de Jésus qui marche sur la mer ne parle pas d’un idéal, mais de la réalité humaine. Pierre connaît Jésus, il devrait savoir de quoi il est capable. Nous devrions savoir, avec tous les enseignements que nous avons reçus de quoi Jésus, de quoi Dieu est capable. Nous devrions savoir que rien n’est impossible pour Dieu. Mais quand nous croyons apercevoir sa présence, quelque chose en nous a vite peur de voir un fantôme. Nous nous lançons dans l’aventure de la foi et l’eau porte. Mais tout d’un coup nous commençons à penser : ce n’est pas possible. Nous coulons, et il ne reste plus qu’à crier : Seigneur, sauve-moi ! Mais notre prière sera entendue. Nous aurons notre deuxième chance. Et notre troisième, et notre quatrième.
Pierre, cet homme de petite foi, est la pierre sur laquelle Jésus va bâtir son Eglise. L’église est faite d’hommes et de femmes de petite foi. Nous croyons, nous doutons, nous chancelons, nous nous noyons. Mais nous pourrons continuer sur notre route. Croître dans la foi. Faire de plus en plus confiance. Marcher de mieux en mieux sur l’eau. Parce que quelqu’un est à nos côtés, il nous tient la main et nous relève en disant : « N’aie pas peur. C’est moi. » Amen !