Culte de Pentecôte

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Écouter le culte :

A celui ou celle qui entre dans une église, pour vivre un culte, une messe, on demande d’éteindre son natel, de couper son portable. Pour ne pas troubler la célébration ? Oui ! Mais, par ce geste, qui n’est pas facile, parce qu’en permanence on ressent le besoin d’être relié « Et si quelqu’un m’appelait ? » Par ce simple geste, on comprend que, pour être rejoint, pour s’ouvrir à une autre dimension, il faut absolument arrêter quelque chose. Ton téléphone ne sonne plus. Tu l’a mis sur silencieux. Et toi aussi, tu t’es mis sur le mode : « silence ». Alors, autre chose peut commencer.
La semaine dernière, nous avons passé 4 jours de préparation à la confirmation, en Alsace, avec les catéchumènes. Et pour ces jeunes, la règle de vie la plus difficile à respecter, ce n’était pas de se taire dans les dortoirs à partir de minuit ou d’écouter sagement le pasteur. Ce qui était presque une souffrance, une punition, c’était d’être privés de leur i-phone, de leur blackberry, de leur smartphone. De tous ces téléphones portables qui permettent d’être connecté à Internet, mais aussi d’aller sur Twitter, sur Facebook, sur les réseaux sociaux, d’écouter de la musique, de participer à des groupes de conversation, de jouer, d’être connecté avec les amis et, accessoirement, de téléphoner !
Aujourd’hui, allez dire à des jeunes que, pendant 4 jours, ils n’auront plus leurs téléphones ! Parce que nous, les adultes, les catéchètes, on pense que c’est une nécessité pour la vie du groupe. Que ça leur permettra d’être véritablement présents les uns aux autres. Et qu’ainsi, ils pourront participer pleinement aux activités, sans avoir les yeux, les oreilles, ou l’esprit ailleurs ! Oui ! Dites ça à des jeunes !
« Plus de natel ! » Vous savez ce qu’ils vous répondent ? « Je ne peux pas me passer de mon téléphone. Pour moi, c’est vital ! » Ça s’appelle « téléphone sans fil », ça a des airs de liberté, mais en fait, ce n’est pas un fil qui vous lie au téléphone. C’est une chaîne. Un assujettissement. On devient totalement dépendants ! Pour nos jeunes, des jeunes d’aujourd’hui tout à fait normaux, c’est si compliqué de déconnecter que, pendant cette retraite en Alsace, on a dû transiger ! Chaque jour, pendant deux heures, on leur a rendu leurs téléphones.
Alors, je n’accuse pas du tout les jeunes. Parce que : ces nouveaux moyens de communication, on leur a mis entre les mains. Ils sont nés avec. Les parents les leur ont achetés. D’ailleurs, quel parent ne rêve pas d’avoir son fils ou sa fille joignable à chaque instant – pour se rassurer, pour le contrôler. Pour être sûr qu’il est là où il doit être et qu’il ou elle ne raconte pas d’histoires ?
Ces téléphones sont un excellent moyen de localisation, de surveillance ! Et d’appel en permanence. On le dit : « Tu dois être joignable !». Et le fait d’être toujours relié accentue, au moins chez les adultes, la tension, l’angoisse, le sentiment de trop plein.

On ne se sent jamais totalement libres ! Il y a toujours un fil qui nous rappelle à nos obligations, à nos devoirs, à notre travail. Il n’y a plus un seul instant où tu ne puisses être appelé. Comme ça ferait du bien de pouvoir débrancher ! Mon téléphone sonne… ! Pardon ! Il y a mon natel qui sonne. « Allo ? Oui, désolé ! Je ne peux pas te répondre. Je suis au culte avec les confirmands et leurs familles. »
Je disais : les jeunes n’y sont pour rien, parce que la société marchande, la publicité et la pression sociale, tout les oblige à avoir le moyen de communication le plus performant. C’est presque impossible de résister. Et il y en a qui font beaucoup d’argent avec ça.
Mais si on prend un peu de recul, on voit bien qu’on les trompe, les jeunes et nous tous en faisant passer de la communication pour de la relation. Ce dont les jeunes ont besoin, comme d’ailleurs chacun d’entre nous, c’est, d’abord et surtout de relation ! Rien ne remplace et ne remplacera jamais un contact personnel. Rien ne peut remplacer une rencontre. Une visite. Un échange. Un moment partagé, passé ensemble, à s’écouter, à se regarder, à se donner la main, que sais-je ? A manifester de l’affection, de la tendresse, de la bienveillance.
Les moyens de communication les plus actuels ne suppriment pas les distances. On se parle de loin. On s’envoie des messages. Mais ce dont on a besoin, c’est de se rapprocher. De se côtoyer. D’être dans un véritable cœur à cœur. Par exemple, si tu ne peux pas te déplacer, tu écoutes le culte à la radio. Mais aller à la paroisse, retrouver d’autres chrétiens bien vivants, bien présents et ensemble, faire communauté et à la sortie, échanger ne serait-ce que quelques mots et voir l’officiant dans toute sa densité humaine quand c’est possible, c’est quand même beaucoup mieux !

Avec nos téléphones portables, nous avons accès à : tout un monde virtuel. Nous pouvons communiquer à distance, recevoir une foule d’informations, envoyer un message à notre grand-mère, qui elle aussi a enfin un natel, parce que les grand-mères d’aujourd’hui sont modernes ! Bref, nous pouvons communiquer les uns avec les autres et ça peut nous donner l’impression que c’est suffisant.
Pourtant, ce qui compte vraiment, ce n’est pas de s’envoyer des mails, des sms, de se téléphoner, ou de visiter le blog de ta cousine. Ce qui nous constitue en tant qu’êtres humains, c’est « l’être ensemble ». Or, tout le temps qu’on passe à communiquer à distance, on ne le passe plus à être présents les uns pour les autres, les uns avec les autres.
En tant que pasteur, j’en fait l’amère expérience. Ce sont des heures que je dois consacrer à répondre à des messages, à parler au téléphone. Et pendant ce temps passé au bout du fil ou, même s’il n’y a plus de fil, lié dans mon bureau, j’ai de moins en moins de temps pour aller voir mes paroissiens, surtout les plus âgés, les isolés, les malades. Ceux qui attendent d’être visités, espèrent être rencontrés.
Alors, le monde virtuel, qui n’est pas la réalité, est tellement présent qu’on peut penser être quitte du moment qu’on a envoyé à l’autre un petit message. Certes, c’est déjà mieux que rien. Mais si tu ne t’approches pas de l’autre : tu es resté à la surface des choses. Tu es passé à côté de l’essentiel. Car c’est de toi. C’est de ton visage, c’est de ton rayonnement, c’est de ta présence réelle dont l’autre a besoin !

Nos liens sont donc d’abord, fondamentalement interpersonnels. Liens du dialogue, de la rencontre, liens de la communion, de la convivialité, de la reconnaissance mutuelle. « J’ai besoin d’être écoutée » nous disait tout à l’heure Séverine. Alors, je le dis aux confirmands, comme je le dis à moi-même et à chacun d’entre nous : Rencontrons-nous les uns les autres. « Relationnons » les uns avec les autres – je sais que le mot n’existe pas, mais il faut l’inventer et le vivre.
Privilégions les liens directs, les contacts de personne à personne. Passons plus de temps à nous voir. Ne nous laissons pas fasciner par des sons et des images, des écrans et des vidéos : tous ces faux-semblants qui nous éloignent de la vie réelle, de la vie en Dieu. Et si on regarde du côté du Christ. Il nous montre cet essentiel.
Qu’a-t-il fait, Jésus ? Il n’a pas cessé d’aller vers les autres. Mangeant avec eux, marchant avec eux. Leur parlant, les écoutant, leur tendant la main, les aimant. Vous savez tout ça ! Il a été vivant !
Alors, toi aussi : Ne te satisfais pas d’une communication artificielle, éphémère. Va à la rencontre de ton prochain. Va voir tes grands parents, tu les rendras heureux. Sois attentif à ton conjoint, à tes enfants, à tes amis, à tes collègues, à la vie et aux besoins des autres. Deviens et demeure le prochain de ton frère. Non pas un prochain virtuel sauf si ton fils est à l’autre bout du monde. Là, tu es bien content d’avoir à disposition un téléphone ou internet.
Mais autrement : privilégie toujours la communion, la présence vivante au lieu de tout ce qui, finalement, maintient un écart, une distance entre vous. Car l’Evangile ne dit pas : Tu communiqueras avec ton lointain, mais : Tu aimeras ton prochain. Tu te rapprocheras de celui qui est au loin jusqu’à abolir tout ce qui vous éloigne.
Enfin, dans l’Evangile qu’on a lu à 2 reprises, il est précisé que Jésus est ligoté, entravé, attaché avec des cordes pieds et poings liés. Il n’est plus libre d’aller où il veut. Cette ligature de Jésus rappelle toutes nos dépendances, tous nos emprisonnements. Elle dit aussi la tentation des Eglises qui cherchent à se lier le Christ, à se l’arroger.
Vous savez, quand elles prétendent être la véritable Eglise. Entièrement fidèle. Expliquant ce que Jésus pense et veut aujourd’hui. Toutes ces manières qu’on a de s’approprier Jésus de confisquer sa parole. Jésus lié ! D’ailleurs, descendu de la croix, on enserrera son corps avec des bandelettes, pour l’enfermer encore davantage dans une mort éternelle.
Mais Jésus ne s’est laissé enfermer ni par la vie, ni par la mort. Ni par les autorités religieuses. Ni par tout ce qu’on pouvait dire et penser de lui. Sur ce point aussi, nous pouvons suivre son exemple. Pour vivre, non plus ligotés par les convenances, contraints par le jugement des autres, influencés par les modes et le formalisme de la société, qui demande de toujours faire comme tout le monde. Car si nous sommes liés au Christ, nous pouvons approcher : la liberté. Celle de croire ou de ne pas croire, d’espérer ou de renoncer, de vivre en communion ou de nous isoler.

Oui, catéchumènes, confirmands, parents, femmes et hommes en recherche, comme l’apôtre Pierre, nous avons la liberté de nous lier à Jésus-Christ ou de nous en délier. Comme Pierre, nous pouvons dire : Ce Jésus, mais, je ne le connais pas ! Cette Eglise ? Est-ce la mienne ? Cette paroisse, pourquoi ? Le culte, à quoi ça sert ?
Par le Christ, nous avons reçu toute liberté. Y compris celle de renier. Rejeter ce qu’on a reçu. Changer de trottoir quand on rencontre le pasteur. Avoir honte d’être protestant. Regarder la Bible comme un livre d’histoires. Mais c’est pour te libérer que le Christ s’est approché et qu’il a voulu se lier à toi.
C’est pour t’affranchir qu’il t’a donné un lien : le seul lien qui compte : le lien de l’amour. Ce lien par lequel Dieu : Père, Fils et Saint-Esprit, te garde dans la relation avec les autres, et dans la communion avec lui, pour toujours.

Amen !

Détails

Avec la participation de
Pierre-Alain Mischler, Martine Gross, Nathalie Capo-Reverdin, et Lionel Kessi
Orgue
Musique
Sophie MUDRY, accordéon
Gregory SCALESIA, guitare
Léonard MULLER, clarinette