Accueillir l’impossible de Dieu

image

Écouter le culte :

« Il est né de la vierge Marie », répondent au texte de Luc les Crédos et Confessions de foi. Je vous invite à faire un bout de chemin avec Marie, jeune Juive, dans un pays aux fortes attentes.
Israël, qui sous les règnes de David et Salomon était un peuple puissant, devait au Ier siècle de notre ère faire le dos rond devant l’armée d’occupation. Mais intérieurement, les Juifs ne pensaient qu’à renverser les Romains. C’est normal, quand on est dominé, on rêve de liberté !
Les Juifs gardaient en mémoire les paroles des prophètes, rappelées chaque sabbat dans les synagogues. Surtout celles qui promettaient un libérateur. Un Messie, comme ils disaient. Un homme revêtu de l’Esprit de Dieu et de puissance, qui chasserait les oppresseurs et redorerait le blason du pays.
Au sujet de ce Messie, on devenait précis, car les prophéties étaient décortiquées : parmi ses ancêtres, on devrait retrouver David, et comme lui, ce héros devait naître à Bethléem. Dans la bourgade, les mamans, quand elles berçaient leur nouveau-né, rêvaient que ça pourrait être lui. Mais personne ne le disait!
Loin de Bethléem, dans l’arrière-pays, Marie, solide jeune fille pleine de bon sens, vivait encore chez ses parents. Son mariage, comme pour la plupart de celles de son âge, avait été arrangé par sa famille : elle était promise à Joseph. Joseph était un homme bien. Pas riche, mais un bon artisan, sérieux, honnête, avec d’évidentes qualités de cœur. Comme elle, il était de la tribu de Juda. De plus, de la même lignée familiale, celle de David. Pourquoi ces gens avaient-ils migré dans les collines de Galilée ? On ne le sait pas.
Même si c’était un mariage arrangé, Marie savait qu’il l’aimait. Elle aussi l’aimait. Souvent, elle rêvait : dans une année ou deux, c’est pour Joseph qu’elle arrangerait leur propre maison. Avec lui, elle aurait des enfants ! Si possible un fils!
Marie était occupée aux travaux ménagers quand elle a vu l’ange. Il avait passé la porte comme un homme ordinaire, cependant son visage reflétait une sérénité et une autorité particulières. Mais surtout, au lieu du Shalom habituel, il lui dit « Réjouis-toi ! ». Puis : « Le Seigneur t’a accordé une grande faveur, Il est avec toi ! »
Quelle faveur ? Que veut dire : « Le Seigneur avec toi» ?
Mais l’ange ne laisse pas longtemps Marie dans le mystère :
- « N’aie pas peur ! Bientôt tu seras enceinte, puis tu mettras au monde un fils que tu nommeras Jésus. Il sera grand et on l’appellera le Fils du Dieu très-haut… Son règne n’aura point de fin.
Ce que l’ange dit au sujet du Messie n’est pas nouveau pour Marie. Elle l’a entendu tant de fois à la synagogue. Ce qui est renversant, c’est cette révélation : « La mère du Messie, ce sera toi ! »
Marie aurait pu exploser de joie ! Mais elle n’est pas quelqu’un qui s’emballe facilement. Sans naïveté, elle questionne sur le « comment », alors que le mariage n’est pas pour demain. L’ange va-t-il lui dire que Joseph va avancer le mariage ?
- « Non ! tu seras enceinte par la seule puissance de Dieu ! »
Marie comprend ce que cela veut dire, mais en même temps, elle n’est pas sûre d’avoir bien saisi. Aussi l’ange insiste :
- « Marie, rien n’est impossible à Dieu ! La preuve : ce qui vient d’arriver il y a six mois à ta vieille cousine Elisabeth: enceinte alors qu’elle était stérile, et qu’elle n’a depuis longtemps plus l’âge d’accoucher».
***
« Rien n’est impossible à Dieu !» : quand Dieu intervient, il peut chambouler les programmes, les attentes normales, et même bouleverser les lois de la nature. Jésus les a d’ailleurs constamment dépassées, quand il a fait voir des aveugles, marcher des paralysés, revivre des morts.
Chamboulement donc pour Marie : ses projets de mariage, puis d’avoir des enfants sont inversés.
Chamboulement aussi pour Israël : les Juifs attendaient un Messie qui, comme David, lèverait une troupe d’élites qui gagnerait du terrain. Celui que Dieu envoie est au contraire un homme humble qui s’intéresse aux lépreux, aux pauvres et aux étrangers.
Un Dieu tout autre envoie quelqu’un de tout autre. En faisant naître son Fils de façon miraculeuse, Dieu donne en quelque sorte un signe, un message : celui que vous attendez ne sera pas celui de votre imagination, de vos projets, de vos lois. Car je suis Dieu et libre d’agir comme je veux !
Pourtant Dieu n’est pas insensible à la soif de liberté d’Israël. Mais il voit plus profond : la soif individuelle de liberté intérieure, le besoin d’être libéré du péché et de ses effets collatéraux, de faire revivre ce qui est intérieurement mort. «L’Esprit du Seigneur est sur moi, dira Jésus, parce que Dieu m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé » (Luc 4.18).
Il voit aussi plus loin qu’Israël : les besoins du monde entier.
« Tout est possible à Dieu ». Cette affirmation ne revient que deux fois dans le Nouveau Testament : ici, dans la bouche de Gabriel, et une autre fois dans celle de Jésus, en réponse à une question de ses disciples : « Qui peut être sauvé ? » C’est-à-dire : comment être admis en présence de Dieu, dans le paradis ? Jésus répond alors :
- « Aux hommes, cela est impossible, mais à Dieu tout est possible !» (Mt.19.26).
L’impensable est alors mis en route pour notre salut
- « J’envoie, dit Dieu, mon propre Fils vivre au milieu de vous. Il ne fera que du bien, mais mourra comme un malfrat, en portant les fautes, les péchés du monde entier, afin que quiconque croit en lui soit sauvé ».
C’est ce que Paul, l’apôtre, appelle « la folie de Dieu » (1Co.1.25), ajoutant qu’elle est plus élevée que la sagesse des hommes.
***
Les idées de Marie continuent de s’entrechoquer : un enfant hors mariage ! Même si c’est possible à Dieu, que dira Joseph ? Et les parents. Et mes amies ? Et les autorités, si intransigeantes en ce cas. Etre la mère du Messie, oui, mais pas de cette façon !
Marie est une femme libre de ses mouvements. Peut-elle refuser ? Oui. C’est pourquoi l’ange Gabriel ne vient pas seulement annoncer ce qui doit arriver, mais obtenir encore le libre consentement de Marie.
La jeune fille réfléchit. Peu à peu, elle lâche prise sur ses projets. Puis articule, certainement avec tremblement, cette réponse de foi :
- « Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi comme tu l’as dit ».
Marie a accepté. L’ange alors a fini sa mission. Il peut repartir vers celui qui l’a envoyé.
***
« Que tout se passe pour moi comme tu l’as dit ». Marie ne s’écrase pas devant Dieu. Elle manifeste au contraire une foi responsable.
La foi, pour moi, n’est ni une piété particulière, ni un sentiment. C’est une action : un lâcher prise, sur le contrôle total de ma vie. Elle ne signifie pas renoncer à réfléchir, mais renoncer à enfermer Dieu dans mes projets, mes concepts, mes propres limites.
Lâcher prise, est-ce difficile ? Oui, c’est difficile ! C’est souvent marcher avec des questions sans réponses. Comment vivre quand les moyens financiers fondent ? Comment vivre avec des injustices qui révoltent ? Quand des blessures intérieures continuent de nous tarauder. Ces questions sont comme des cailloux dans les chaussures, avec lesquelles on doit néanmoins marcher.
Bien des questions ont dû accompagner Marie au cours de sa vie. Quand le vieux Siméon lui déclare, alors que Jésus avait huit jours : « Cet enfant provoquera la contradiction et toi-même, une épée te transpercera l’âme ».(Luc 2.34). Quand Marie pense que son fils perd le sens et le fait chercher, et qu’elle s’entend dire : « Ma mère, mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique » (Luc 8.21). Et qui dira les questions de Marie devant la croix, transpercée par les épouvantables et injustes souffrances de son fils.
Et pourtant Marie, qui aurait pu cent fois se perdre en question au point de perdre la foi, on la retrouve, au début du livre des Actes, priant et adorant Dieu avec les autres croyants.
L’expérience de Marie rejoint celle de nombreux croyants encore aujourd'hui, qui gardent confiance et paix, sur un chemin qui bouscule, heurte, parfois fâche, mais que nous sommes invités à considérer comme un chemin de confiance...
Je pense à un de mes amis, dont la vie a été chahutée par la perte de ses proches, puis la perte définitive de sa santé au moment d’entrer dans sa retraite, qui me disait: « Oui, je suis en paix ! ». Je pense aussi à des chrétiens rencontrés à l’Est du Congo. Victimes de la guerre, ils ont tout perdu, sauf la vie et la foi. Et qui, mus par cette foi, rebondissent pour reconstruire leur vie, leurs écoles, leurs églises.
Confiance et paix humainement inappropriées, et pourtant pas vides de sens. Elles se fondent, comme pour Marie, sur des paroles divines : « N’aie pas peur !... Le Seigneur est avec toi ! »
Dieu avec nous, c’est la promesse qui ouvre l’Evangile de Matthieu. Dans le premier chapitre, un ange s’adresse à Joseph, le fiancé bousculé de Marie :
- « Ce fils de Marie, on l’appellera Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous ! », Dieu pour nous, Dieu de notre côté !
Elle conclut aussi cet Evangile, avec ces derniers mots de Jésus :
- « Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Mt.28.20).
Fort de cette promesse, notre lâcher prise peut alors devenir confiance et paix, sur nos chemins de vie heureuse ou difficile, mais toujours à considérer comme un chemin de confiance.
Amen.

Prédications de la même personne

Aucun résultat.

Détails

Avec la participation de
Le pasteur Jacques André, Jacques Villegas, Martine Thorens et Elisabeth Cretegny
Orgue
Ruth Chollet
Musique
Joël Dupertuis au Saxophone, Daniel Buèche,au piano et chant, Caroline Bancal à la flûte traversière, ainsi qu'une chorale formée pour la circonstance, sous la direction de Catherine Meyer