Mettre Dieu au défi ?

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Pour ce second dimanche consacré aux tentations du Christ, revisitons la définition du mot tentation : c’est l’attrait vers une chose défendue, et ce par une loi morale ou religieuse. Cela nous amène à considérer que nous ne pouvons être tentés que par quelque chose d’interdit, et cet interdit nous amène au début de la Bible, au commencement du monde que l’Eternel a voulu, a créé.

Nous retrouvons un homme et une femme. Deux êtres qui, sous le regard de Dieu, ont une existence paradisiaque, du fait qu’ils vivent dans un jardin représentatif du Paradis. Mais il faut croire qu’à ce moment-là déjà, l’histoire du long fleuve tranquille ne correspondait pas à l’humain. Sous la forme du serpent apparaît le Mal, ou le Malin, comme vous le souhaitez. Le serpent connaît les faiblesses de la femme, mais celles de l’homme également. A travers le reptile, c’est Satan qui se manifeste et qui change la liberté conditionnelle de l’homme, accordée par Dieu, en une voie de tentation.

En engageant avec le serpent venu en tentateur une conversation apologétique, Eve accepte que Satan viole la loi du royaume de Dieu, où toutes les choses visibles à portée de main, à portée de tout, avaient été placées sous la domination de l’homme. Pour un instant, elle cède à l’autorité du Malin, ou plus spécifiquement, elle cède à la tentation.

Mais pourquoi Eve tombe-t-elle dans le piège de Satan ? Pourquoi parle-t-elle de Dieu non pas comme un témoin fidèle, mais comme un juge autonome ? Parce qu’Eve, dès cet instant, se trouve séduite par la possibilité de devenir pareille à Dieu et accepte le fait que ni elle ni Adam ne mourront, parole de Satan. « Non seulement vous ne mourrez pas, dit le serpent, mais vous aurez accès à la connaissance du bien et du mal ». Des paroles qui, pour nous, ont une portée inimaginable. La femme est séduite par cette perspective. Il lui suffit maintenant de gravir l’échelle qui accède à la condition divine. « Tu seras pareil à Dieu… » dit le serpent, une perspective des plus réjouissantes aux yeux de la femme. Etre des dieux, c’est-à-dire gérer le monde et surtout sa vie, ne plus vivre dans la crainte d’une mort à venir.

Dans ce début de contact avec le diable, on peut constater que la femme, et l’homme également, ont cédé à l’appel de la tentation, à l’appel du pouvoir et de la domination. Il y a dans cette chute l’avenir de l’humanité qui se joue. Eve tombe et fait tomber son mari par la même occasion. Tous deux, par leur désobéissance, font entrer le péché dans le monde, et par là même la mort pour tous les hommes. Ils se virent nus, mais surtout nus de l’intérieur, leur âme dépouillée de la gloire de sa sainteté.

Depuis le Jardin d’Eden, nombre d’hommes et de femmes se sont laissés tenter et ont succombé au mal, au vice, à la haine, à la destruction. L’homme est faible, et cependant un homme a résisté à toutes les tentations : Le Christ. Mais pourquoi cet homme venu de Nazareth, cet homme qui se proclame fils de Dieu, prophète parmi les prophètes, ne serait-il pas aussi enclin à succomber ? Porté par l’Esprit, nous dit-on, il est au désert. Déjà tenté par la faim, il se trouve maintenant appelé à mettre Dieu au défi de l’aimer. En un mot, il devrait mettre Dieu à l’épreuve, et cela est inconcevable pour Jésus. Bien entendu, il peut se jeter du haut de temple, risquer sa vie tout en appelant Dieu à l’aide. Car s’il est vraiment le fils de ce Dieu, il ne peut mourir sans que Celui-ci ne réagisse et envoie ses anges le secourir.

« Allez , dit Satan, juste un petit miracle, montre-nous que tu es le plus fort, que pour toi rien n’est impossible. Lance-toi dans les airs et atterris porté par des anges. Quel spectacle ! et là, je t’assure, la foule sera en délire et s’inclinera à coup sûr devant toi. Bref, tu seras le meilleur. » Et c’est vrai. Si à ce moment-là le Christ avait succombé, s’il avait voulu épater et Satan et les hommes, il aurait fonctionné ou dysfonctionné à votre choix, ainsi. Car l’homme est attiré non seulement par ce qui brille, mais par ce qui épate, ce qui fascine. Nous avons besoin de surnaturel, de fantastique, de magie et de miraculeux.

Nous sommes en admiration devant celles et ceux qui, contrairement à nous, ne connaissent pas les limites fixées par la mort et jouent avec leur vie. Regardez les sports de l’extrême, les personnes qui pratiquent le wingsuit, c’est-à-dire qui se lancent d’un hélicoptère, vêtus d’une combinaison aux manches en forme d’ailes et qui volent pendant un certain temps, défiant tous les dangers, n’ouvrant leur parachute qu’au dernier moment. Ces personnes se prennent un instant, un bref instant, pour des dieux ; elles volent, et l’adrénaline qu’elles déclenchent à ce moment-là vaut pour elles de défier tous les dangers. Oui, c’est le prix que mettent ces sportifs afin de vivre une expérience hors norme. Et le prix est parfois bien lourd à payer, si nous prenons le décès de ce jeune Neuchâtelois qui s’est écrasé sur les rochers et gît à l’heure actuelle sous une couche de neige. Pourtant, malgré le drame, les foules à travers internet, les réseaux sociaux et autres, restent en admiration. Il faut du sensationnel, il faut que nous pensions que nous sommes à moitié dieux et non pas de simples créatures humaines.

Ceci est un exemple, mais il y en a tant d’autres au niveau du surréalisme, au niveau de la recherche du miracle. Prenez le fait de devenir immortel. Combien de chercheurs travaillent sur des projets censés remplacer quasi tous les organes humains. Dans quel but ? Celui d’arriver à vivre toujours plus longtemps, dans l’espoir que ce soit jusqu’à la fin des temps. Et en attendant, nous cherchons à maintenir la jeunesse éternelle. On ne veut plus paraître son âge, on veut que les rides, et tous les inconvénients qui vont avec, s’estompent de nos vies. On veut être beau le plus longtemps possible. Pour cela, les portes sont ouvertes aux charlatans de toutes sortes qui promettent, pour peu que l’on puisse débourser, la cure de jouvence ou la prolongation des ans. Et pour ces manipulateurs, combien voient en eux les nouveaux dieux ? Prenez les médecins qui font qu’une femme de 60 ans devienne mère, ne se prennent-ils pas un moment donné pour des créateurs ? Et tout cela parce que les hommes ne peuvent se contenter de ce qu’ils sont, il faut toujours plus et mieux, pense-t-on.

Il faut que l’on puisse se référer à ce qui brille, ce qui fait envie, nous avons besoin de pouvoir nous identifier à des hommes et à des femmes qui nous offrent de l’irréel, du rêve, du jamais vu, et alors une fois que nous avons trouvé celui ou celle par qui le miraculeux arrive, alors là c’est le bonheur.

Devant ces nouvelles idoles, on s’incline, que ce soit celles du sport - et nous avons été servis ces derniers temps avec les JO - que ce soit dans le cinéma, la chanson, la médecine et j’en passe. On trouve de tout et pour tous les goûts. Est-ce étonnant ? Certainement pas, car si nous pensons au passage de l’Exode et à l’envie du peuple d’Israël - alors que Moise les a quittés depuis à peine 6 semaines - l’envie, disais-je, d’avoir un dieu visible, un dieu que l’on peut toucher, admirer, adorer… et on le sait, ce dieu, le peuple se l’est créé.

Le temps des idoles dans les temples nous semble parfois éloigné, mais peut-être pas autant que nous voulons bien le croire. A travers ces faux dieux, ces sportifs émérites, ces déesses du cinéma, ces médecins faiseurs d’enfants et de jeunesse, n’est-ce pas Dieu lui-même que nous mettons au défi ? au défi de nous prouver son existence ? Pourtant, à trop vouloir être le plus fort, le plus beau, le plus courageux, avons-nous encore un peu de temps à consacrer à Dieu, à Celui qui nous a donné la vie ? à Celui qui nous connaît depuis le ventre de notre mère ?

Du temps, nous en avons de moins en moins, car de plus en plus de personnes vous argumentent les même théories : si Dieu existait, il n’y aurait pas de guerre, pas de famine, pas de cancer. Oui, on attend de Dieu qu’il réponde présent dans nos vies et à nos demandes. On voudrait qu’aussitôt le malheur entré dans nos demeures, à la première prière tout s’arrange. Finis les soucis, les maladies, les conflits, Dieu est passé par là et le miracle a eu lieu. Comme cela se passe rarement de cette façon, on choisit tout bonnement de ne pas ou de ne plus croire en lui. Vu qu’il ne fait rien de concret, autant le laisser là où il est. Et c’est ce qui arrive.

Et pourtant, Dieu est là. Il entend nos demandes et y répond plus souvent que l’on croit, mais tout simplement pas de la façon dont on voudrait. Combien de fois dans nos vies nos chemins se sont-ils orientés autrement, afin que nous ayons quelque chose de mieux à vivre ? Ce n’était peut-être pas à la minute même où nous l’avons voulu, ce n’était peut-être pas comme nous l’aurions désiré, mais c’est arrivé. Dieu a des desseins qui ne sont pas connus de l’humain et Lui seul peut les mettre à exécution.

A trop vouloir être des demi-dieux, nous avons tendance à croire que Celui-ci est en ligne directe avec nous et que son natel est à notre disposition. Remettons donc l’église au milieu du village. Remettons surtout Dieu à sa place, avec tout le respect et l’amour que cela implique. Arrêtons de vouloir en faire le responsable de nos maux et souvenons-nous. Souvenons-nous de Jésus et de ce que Celui-ci a fait pour nous. Souvenons-nous de Golgotha et de la croix. Et à travers l’amour du Fils envers l’humanité souffrante et pécheresse, à travers cet amour et au nom de ce Jésus, adressons-nous avec humilité à Celui qui nous offre la gratuité de sa grâce divine, grâce qui nous est accordée par faveur, ne dépendant nullement de nos œuvres. Que cette grâce nous incite et nous enseigne à vivre selon la sagesse, la justice et la foi en Celui qui s’est donné lui-même pour nous afin de nous racheter de toute iniquité.

Amen.

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L'existence humaine se trouve engagée entre la tentation de mettre Dieu à sa disposition, dans l'immédiateté, avec les effets pervers que cela suppose, et l'invitation à être totalement disponible pour Dieu, dans ce que l'on nomme aujourd'hui le "lâcher prise".

Gilda Morand propose de méditer le récit des tentations du Christ dans l'évangile de Mathieu, qui illustre la tentation de mettre Dieu au défi de prouver sa toute puissance par un miracle.

Détails

Avec la participation de
Jean-Denis Kraege et Simone Auberson.
Orgue
Claire-Lise Mérillat
Musique
Choeur mixte de Bavois, sous la direction de Jean-Marc Poulin

En collaboration avec