Écouter le culte :
Le texte sur lequel nous allons nous arrêter, celui d'Esaïe, commence de suite par donner le ton : « Consolez, consolez mon peuple » (réconfortez, réconfortez mon peuple dans d'autres traductions). Nous ouvrons, avec ce chapitre 40, le deuxième rouleau d’Isaïe. Un rouleau de 15 chapitres de bonnes nouvelles ; les 39 chapitres du premier rouleau laissaient une grande place au jugement, à la condamnation, eh bien maintenant, toute la place est accordée à la consolation.
La consolation… dans la tradition juive, le Messie tant attendu, c'est le consolateur, c'est le Menahem qui deviendra dans sa traduction grecque le paraclet. Ça vous dit quelque chose, le paraclet, le Saint-Esprit consolateur de l'évangile de Jean, le Saint-Esprit de Pentecôte...
Cette nouvelle année doit nous apporter un changement d'esprit - un esprit consolateur - et nous en avons bien besoin, parce qu'il y a toujours plus de tristesses à consoler, plus d'inquiétudes à dépasser, et que malheureusement, année après année, après la fulgurance de l'Avent, nous retrouvons très vite le désespoir de nos multiples plaintes. Pourquoi les choses ne pourraient-elles pas changer, pourquoi cette année ne serait pas votre année, celle où la consolation est enfin acquise ? Alors, nous allons essayer ce matin de vivre de suffisamment près la prophétie d'Esaïe pour garder notre consolation toute l'année.
Cette prophétie n'est pas autre chose que l'annonce de la grâce parfaite de Dieu, et s'il y a encore quelques vraies oreilles protestantes à l'écoute, je ne voudrais pas vous faire l'injure de vous rappeler que l'annonce de la Grâce parfaite de Dieu c'est notre « marque de fabrique ». Esaïe n'y va pas avec le dos de la cuillère. Pour que nous le comprenions bien, Esaïe nous annonce un pardon qui, pour être sûr de ne rien négliger, est de deux fois le prix de nos fautes ! Afin que nos comptes ne puissent en douter, Dieu rajoute le double du prix pour racheter nos fautes ! Dieu ne fait pas de comptes d’apothicaires, il offre deux fois plus de grâce qu'il n'y a de fautes. Et donc, au moment où vous commencez à vous poser la question : « Est-ce que je mérite cette grâce ? », n'y allez pas de votre calculette en additionnant tout ce qui vous semble vous séparer de lui : égoïsme + médisance + mensonge + jugement des autres + difficulté d'aimer + absence dans l'église + indifférence aux souffrances des autres + colère + mépris et plus... plus… plus ...
Il a pris le soin d'apporter le double de grâce pour payer cette addition de malheur. Eh oui, Dieu ne vous récompense pas, il vous pardonne !
Et j'entends déjà monter, comme une sourde rumeur, le terrible moralisme qui assomme toute notre espérance moderne et dont les apôtres sont légion aujourd'hui et dont la voix est aussi présente parfois en moi et contre laquelle je dois forcément lutter : « C'est trop facile, trop facile de croire que Dieu peut tellement aimer le monde qu'il pardonne et pardonne même à double ! Trop facile de se laver, de se justifier gratis, simplement en reconnaissant ce pardon si parfait. » Eh bien, prédicateur moraliste de tout poil, et toi Marc le premier, rappelle-toi que tu n'es pas chargé d'annoncer ton évangile avec les limites de ce que tu peux croire, mais bien l'Évangile de Jésus Christ, dans ce qu'il te dit lui.
Et aujourd'hui, précédé de son prophète Esaïe, cet Évangile, c'est l'annonce de la grâce parfaite de Dieu. Il ne te demande pas de rajouter des : mais voilà... mais seulement si... Non. Dieu fait grâce. « Consolez, consolez mon peuple. Rassurez Jérusalem et proclamez à son adresse que sa corvée est remplie, que son châtiment est accompli, qu’elle a reçu de la main du Seigneur deux fois le prix de toutes ses fautes. » Sans oublier, bien entendu, d'ajouter qu'il s'agit du pardon de son peuple, de sa Jérusalem, et que peut-être il faut dès lors savoir si nous faisons partie de son peuple ou si nous avons choisi d'appartenir à une autre famille, si son peuple se limite au peuple d'Israël ou si son peuple s'est élargi à tous ceux qui croient en lui. Mais ce n'est pas tant notre sujet aujourd'hui...
Moi je voudrais m'attacher ce matin surtout aux paroles suivantes d'Esaïe :
« Dans le désert, dégagez un chemin pour le Seigneur, nivelez dans la steppe une chaussée pour notre Dieu. Que tout vallon soit relevé, que toute montagne et toute colline soient rabaissées, que le pic devienne une plaine et les chaînes, une trouée. »
Vous reconnaissez bien là les paroles du précurseur, le baptiste incarne ce rôle de bulldozer pour préparer le chemin du Seigneur. Aplanissez ses sentiers… C’est une parole bien difficile à recevoir chez nous, ici, dans un pays qui choisit souvent de s’identifier à ses montagnes. Pour le monde entier, la Suisse, ce sont les montagnes et essentiellement les Alpes. Nous en faisons un motif publicitaire, notre hymne fédéral commence par ces mots « Sur nos monts, quand le soleil… » et nous en sommes très fiers.
La géographie biblique du salut, je suis dans le regret de devoir nous le dire, place toujours les terres promises dans les plaines. Vous l’entendez chez Esaïe même dans l’acte précurseur de niveler, d’araser les montagnes. En règle générale, la montagne biblique, qui d’ailleurs n’a rien à voir avec les altitudes vertigineuses de nos Alpes, est un lieu de révélation mais pas de salut. Moïse, les prophètes et Jésus y ont des rendez-vous personnels, mystérieux et essentiels, mais les promesses de Dieu pour nous, les terres de salut sont toutes des plaines ou coulent le lait et le miel.
La montagne est un obstacle, une difficulté, un lieu dangereux et inhospitalier, ce qui ne lui ôte pas le fait qu’elle soit belle, impressionnante, et que depuis toujours elle fascine nos imaginations, mais c’est peut-être pour cela d’ailleurs, parce que nous aurions tôt fait de lui rendre un culte pour sa grandeur et ses mystères, que Dieu choisit la plaine comme promesse de lieu de salut, car là notre regard peut se porter vers l’horizon infini, et l’horizon infini, c’est Lui.
Peut-être nous faut-il dès lors donner plus de force symbolique dans notre pays au Seeland, à la Broye et à toutes ses plaines qui abritent d’ailleurs l’immense majorité de la population de notre pays. La force symbolique du message d’Esaïe et donc du baptiste, c’est sans doute de nous exhorter à être des forces capables, comme le dira Jésus, de déplacer des montagnes, d’ôter les barrières qui ne cessent d’empoisonner la vie de l’humanité qui veut se diriger vers lui. Ces montagnes, ces murs de séparation dont vous connaissez tous les noms : jugement, haine, jalousies, égoïsme, intégrisme et je vous laisse le soin d’en continuer la liste…
Amen.