Amours humaines, amour divin

image

Écouter le culte :

Première partie
Dans ce passage du prophète Osée, le Dieu d’Israël se présente comme un époux trompé qui veut reconquérir le cœur de son épouse volage. Etonnante allégorie ! Et pourtant, si notre relation avec Dieu était vraiment une relation passionnelle, alors n’aurait-il pas légitimement le droit de se plaindre de nos infidélités, de notre indifférence, de notre oubli de ses dons pourtant omniprésents ?

Car ne nous y trompons pas, Israël est à l’image de tous les croyants. L’infidélité n’est pas réservée aux temps anciens et à un seul peuple. Par le Christ, nous sommes reliés à cette histoire et à ce peuple d’Israël, nous y sommes reliés de manière indissoluble. Oui, cette histoire est aussi la nôtre. Et c’est une histoire de trahison. Mon grand-père priait encore tous les jours, à chaque repas en reprenant le Psaume 103 : « Mon âme bénit l’Eternel et n’oublie aucun de ses bienfaits ». Mais il me semble que nous avons perdu cette mémoire, il me semble que les chemins de l’amour que nos ancêtres ont encore arpentés avec celui qui était leur compagnon de route quotidien ont disparu sous la broussaille de nos éparpillements, de nos soucis si pesants, de notre arrogance aussi, sans doute. De nombreux amants cherchent à nous séduire… pour mieux dominer nos vies. Ils veulent devenir nos maîtres, nos baals, leurs noms sont nombreux, mais nous les connaissons bien : réussite sociales, confort du corps et de l’esprit, plaisirs fugaces, argent facile, pensées prémâchées, j’en passe et des meilleurs.

Quelle route suivons-nous ? Le savons-nous seulement ? Quelqu’un nous appelle à suivre celle de l’amour avec lui, où sommes-nous ? Sur quelle autoroute roulons-nous ? La vitesse est de notre côté, mais à quoi bon si nous allons dans la mauvaise direction ? Savons-nous encore faire la part de ce que nous avons reçu et de ce que nous avons bâti par nous-même ? Honnêtement, ce que nous avons construit est bien peu de chose et si fragile… Une crise, un événement imprévu, une maladie et que reste-t-il ?

L’Ecriture nous le dit : il reste le souvenir d’un amour indéfectible, d’une fidélité sans faille susceptible de donner un sens à nos vies en les ramenant à l’essentiel. Le poète cherche les chemins perdus des amours passées sans les trouver, mais le souvenir nourrit encore le présent et la nostalgie des bonheurs anciens laisse entrevoir la possibilité de retrouver la joie de vivre. Une ouverture sur la lumière se dessine dans la grisaille du présent et l’on pressent qu’une chance s’offre à nous de pouvoir nous retrouver en retrouvant l’Autre.

Nous écoutons « Les chemins de l’amour », un texte de Jean Anouilh mis en musique par Francis Poulenc.

Deuxième partie
Pourquoi l’infidélité ? Pourquoi nous laissons-nous séduire si facilement ? Est-ce l’ennui ? Car nous nous lassons de tout, même de ce qui nous a fait vibrer si profondément. Ces valeurs, cette foi, cet amour qui était les nôtres étaient si forts, si beaux, si vifs et voilà qu’inexorablement ils s’usent, ils s’étiolent, se fanent. Tout cela a-t-il un sens ? A quoi bon ? Et si l’on se trompait ? On doute. Mais une voix nous murmure au fond de nous : rien ne se fane, si ce n’est dans ton regard désenchanté.

L’amour est fraîcheur, spontanéité, énergie et tu en as fait une routine, une commodité, un rempart, même une prison. Pas étonnant que tu vois l’amour se dissoudre peu à peu. Change ton regard ! Retrouve le goût de la vie, du risque, des relations authentiques ! Dieu t’ennuie ? Mais quel Dieu ? Celui que tu t’es inventé, le vieux papi qui dort dans des églises, qui se complait dans les vapeurs d’encens, qui exige une pratique normée. Change ton regard ! Le Dieu qui t’aime et qui veux renouer avec toi, te reconquérir est jeune et fougueux, il aime la fête, il veut te redonner une vigne pour que tu en fasses du vin de fête. Il te veut libre, joyeux, ouvert. Il veut t’offrir tout cela et le partager avec toi, comme des amants partagent la même couche pour exalter la vie.

Paul Valéry dans un texte mis en musique par Francis Poulenc évoque une rose mourante pour décrire une femme aimée. Dans son regard, la flamme est éteinte, sa compagne se rebiffe et exprime une vérité intemporelle : « Que me compares-tu à quelque rose fanée ? L’amour n’a de vertu que fraîche et spontanée. »

Troisième partie
On le pressent soudain, l’amour que Dieu nous propose ne se vivra pas dans une routine conjugale, dans un train-train confortable. Ecoutons ses paroles en Osée 2 : « Je vais donc la reconquérir et la reconduire au désert, et je retrouverai sa confiance. De là, je lui rendrai ses vignes ; la sinistre vallée d'Akor deviendra pour elle une porte ouvrant sur l'espérance. Elle m'y suivra volontiers, comme lorsqu'elle était jeune, comme au temps de la sortie d'Égypte. »

Il s’agit de renouer avec des temps certes intenses, mais difficiles, dangereux même. Le désert, c’est en effet le lieu de la révélation, de la rencontre avec Dieu, mais c’est aussi celui de l’épreuve, de l’errance. L’absence de sécurité oblige à la confiance et c’est là que la vraie relation se noue, dans la certitude que l’autre est à mes côtés dans l’épreuve. Alors, même les sinistres vallées ne font plus peur et l’on peut s’y engager en suivant celui en qui l’on a mis sa confiance, celui qui donne la vie et la préserve, celui qui nous aime et que nous aimons à nouveau.

Pourquoi ce retournement ? Pourquoi ne pas continuer à fréquenter les anciens amants ? Le texte dévoile la véritable raison de la séduction : les amants donnent un salaire et exigent des sacrifices, ils établissent une relation de dépendance. Ainsi, ils nous dominent. Or, passé le temps de la première passion où ils apparaissent séduisants et offrants de nouveaux plaisirs, on se rend compte que tout cela a un prix, celui de la dépendance. Or, nous ne pouvons être véritablement heureux que dans la liberté. Seul Dieu, l’époux respectueux, nous l’offre car il n’exige pas de contrepartie, si ce n’est notre amour. Ici rien de matériel, rien d’économique. Mais qui dit liberté, dit choix, risques, aventures. Cet amour met en marche et nous invite à fuir vers une vie plus belle, plus intense, délivrée des contraintes de la société, de la bienséance même.

Pensons à François d’Assise, se présentant nu devant l’Evêque pour signifier son désir de renoncer à la richesse et à l’héritage paternel ! Pensons aux paroles décapantes de Jésus, comme par exemple en Luc 12 : 49 : « C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Oui, notre Dieu veut embraser nos vies d’amour, nous inciter à aller de l’avant en nous libérant de tout ce qui nous empêche d’être vraiment libres. Oui c’est risqué, oui c’est fou, mais c’est la promesse d’une vie pleine d’amour et de sens. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’évangile vivra. » dit Jésus. Dieu nous invite à renouer avec lui pour vivre en liberté et en paix. Il nous attend, sommes-nous prêts à la rejoindre ?

Théophile Gauthier raconte cette folie de l’amour, cette prise de risque pour atteindre le bonheur dans son poème « La fuite » mis en musique par Henri Duparc.

Ah l’amour ! Le plus puissant des sentiments humains paraît de prime abord étranger aux préoccupations spirituelles. Et s’il en allait autrement? Un parcours musical et théologique sur l’amour.

Détails

Avec la participation de
François Friedli
Orgue
Musique
Duo Lyrique "Oxybar", avec Isabelle Gueissaz, soprano et Jacques Chételat, basse, et Paul-Henri Chomez au piano