Vivre et porter la bénédiction et la paix

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Écouter le culte :

« Vivre ensemble » : la paroisse du Val-de-Travers a choisi de placer sous ce titre les trois cultes radiodiffusés qu’elle accueille aujourd’hui et les deux dimanches à venir.

Vivre devant Dieu, vivre en réponse au Dieu de la Vie et créateur de la vie, on peut imaginer que c’est bien naturel en Église. Et l’Église, ce mot vient du grec « ἐκκλησία » [ekklesia] qui veut dire l’assemblée, la réunion. Nous avons ici la base du vivre ensemble. De là à penser que l’Église est bien placée pour donner des leçons de vivre ensemble, certains font ce pas.

Ma lecture de l’Évangile d’aujourd’hui me demande d’être prudent à ce sujet. Je n’ai pas à imaginer que je suis porteur du jugement sur les habitants qui rejettent le message que viens de transmettre. Si je me mets à les condamner moi-même, ce que je vais découvrir au lieu du vivre ensemble cela risque bien d’être la solitude et le désespoir. Je n’ai pas à porter ce jugement.

Jésus a des paroles sévères dans cet épisode. Mais elles ne font pas partie du message qu’il demande de porter. Ces mots durs, il les dit alors qu’il s’adresse à ses envoyés. Et il faudrait sûrement un peu de temps pour bien comprendre ce qu’il entend par là. Ce que Jésus demande de transmettre figure dans le texte comme trois citations. Jésus donne sa consigne : « Dites-leur… »

Dites-leur ceci :
1. Paix à cette maison.
2. Le Royaume de Dieu s’est approché de vous.
3. Et si cela devait mal se passer avec les personnes rencontrées : nous secouons contre vous la poussière même de votre ville qui s’est attachée à nos pieds. Pourtant, sachez bien ceci : le Royaume de Dieu s’est approché de vous.

Et même dans la troisième qui doit tenir compte de difficultés d’accueil et de vivre ensemble, il reste une promesse de vie, un rappel : « le Royaume de Dieu s’est approché de vous. » C’est avec un souhait de paix et une promesse de vie que les envoyés prennent la route. Nous voilà avec deux ou trois problèmes quand nous lisons ces mots dans la situation qui est la nôtre.

D’abord, nous sommes des sédentaires ici en Suisse. La route, nous la prenons provisoirement, pour les vacances, ou brièvement pour nos activités de loisirs pour rendre visite à la famille et aux amis. Du coup, nous semblons plutôt concernés par la manière d’accueillir les personnes qui viennent chez nous que par le souci d’être bien ou mal accueilli ailleurs. Dans l’Évangile, Jésus envoie les disciples avec une mission particulière et nous, nous attendons plutôt de recevoir le message et la bénédiction. Voilà un problème devant ces paroles.

Un autre problème est lié à notre méfiance de l’autre. La première parole que propose Jésus est une parole de paix. « Dites : ‘Paix à cette maison.’ » Et notre souci, dans la rencontre est de ne pas être dérangés et de préserver nos ressources. Nous avons appris à voir l’autre comme une menace pour nos biens, nos ressources, nos revenus ou notre tranquillité.
Aujourd’hui dans ce culte, la Bible évoque deux fois des personnes qui sont porteuses de belles choses : Abraham est porteur de bénédiction. Les disciples envoyés par Jésus sont porteurs de paix et de l’annonce du Royaume de Dieu.

Verrons-nous aussi l’autre, le migrant, la nouvelle arrivée, le nouveau collègue de travail, la nouvelle compagne du fils comme porteurs de bénédiction et de paix au lieu d’empêchements à la tranquillité ? Ou resteront-elles des personnes avec je n’ai ni envie ni intérêt à partager quoi que ce soit ?

Je nous trouve bien durs et bien timides dans la rencontre avec l’autre. Si elle est porteuse de la paix et de l’annonce que le Royaume de Dieu s’est approché, pourquoi en aurais-je peur ? S’il est prêt à repartir en me laissant même la poussière de chez moi du moment que nous ne nous entendons pas, pourquoi aurais-je peur de perdre face à lui ? Et ce n’est même pas de l’angélisme naïf. Dans les mots de Jésus, il y a déjà le constat que la relation ne marche pas à tous les coups. La compréhension réciproque mène parfois à de belles rencontres et est d’autres fois tout simplement impossible. Et je laisse Jésus juger lui-même de la malédiction ou de la bénédiction : dans le texte, c’est lui qui le dit. Quand il m’envoie, encore une fois, il m’invite à porter la paix et l’annonce que le Royaume de Dieu s’est approché. Alors, nous les sédentaires, apprenons l’accueil et l’écoute de celles et ceux qui viennent à nous.

Ils peuvent être porteurs de la paix et de la promesse. Ce sont des richesses dont nous manquons parfois à l’intérieur de nous-mêmes et de nos maisons. Ces richesses, les exilés d’aujourd’hui ne pensent pas non plus les porter en eux, bien souvent. Ils ont supporté la malédiction de la violence, de la guerre, de la rupture, de la pauvreté ou de la catastrophe. Ils ne savent plus les richesses qu’ils ont en eux. Dans un premier temps, ils savent plutôt ce qu’ils ont perdu que ce dont ils sont porteurs en matière de beauté et de partage. Ce sera peut-être parce que nous aurons su les rencontrer dans la paix et dans la confiance qu’ils sauront aussi donner ce qu’ils ont à partager de l’intérieur d’eux-mêmes.

Oser la confiance pour vivre ensemble la rencontre et le partage. Oser la confiance pour voir émerger les richesses de l’autre. Oser la confiance pour dépoussiérer nos richesses. Nos richesses intérieures sont souvent recouvertes de la poussière de celles et ceux qui ont souhaité la paix sur nous et nos maisons et que nous avons préféré renvoyer.

Nous autres croyants, nous voilà aussi envoyés à notre tour. Nous vivons devant Dieu une confiance qu’une Vie plus grande que nous est offerte. Nous avons bénéficié d’un regard de paix sur nous. Nous avons reçu une bénédiction. Nous en voilà porteurs à notre tour. Nous voilà envoyés dans un voyage vers l’inconnu du vivre ensemble. C’est un inconnu à découvrir parce que la force de la paix et de la bénédiction sont appelées à renouveler notre façon d’être avec nos proches et renouveler le vivre ensemble avec eux.

Je nous invite à recevoir les textes d’aujourd’hui comme un envoi qui nous est fait. Je nous invite à considérer ce jour comme un départ vers le reste de notre vie. Personne ne reste sur place. Abraham entend le Seigneur lui dire « pars ». Abraham se met en route sans que le récit évoque ses états d’âme ni ses convictions.

Aujourd’hui, vous êtes en route. Vous avez pris un départ. Abraham est devenu une figure, même discutée, des origines de la famille humaine. Par Abraham, les familles de la terre seront bénies, dit le texte.

La mise en route que vous vivez aujourd’hui, je prie qu’elle vous mène sur un chemin où vous pourrez dire un jour qu’elle vous a fait approfondir votre humanité.

Je prie que ce départ vous mène sur une route et sur une terre où vous vivrez vous-aussi de la bénédiction promise à Abraham.

Vous l’avez peut-être remarqué, ce texte qui évoque le départ d’Abraham n’évoque pas sa confiance ou sa foi. Cet élément vient plus tard dans le récit. La foi d’Abraham peut être décrite comme une forme de relecture après coup de ce qui s’est passé. Vous n’êtes pas en route parce que vous avez la foi, que vous soyez croyant ou non. Vous êtes en route parce que vous êtes vivants. A la manière d’Abraham, porteur de bénédiction et de promesse, à la manière des disciples, porteurs de paix et de promesse, allons, nous aussi !

Quels que soient votre entourage ou votre solitude, vous avez l’occasion de vivre ensemble. La prière, le chant et l’écoute de la radio nous mettent en lien aujourd’hui. Quand nous prierons le Notre Père dans quelques instants et quand nous partagerons le pain et le vin de la communion, nous serons aussi en train d’expérimenter un vivre ensemble qui nous relie à toutes celles et ceux qui vivent cela dans le monde et qui l’ont vécu au-travers de l’histoire.

Que ces expériences de vivre ensemble nous renouvellent, même mises en difficulté par les différences et toutes sortes de défis.

Paix à cette maison. Recevez la paix. Portez la paix et la bénédiction.

Amen.



Bénédiction

Vous êtes maintenant ici au temple de Travers, ou à l’écoute d’Espace 2, vous êtes chez vous, en route, ou encore en séjour ici ou ailleurs.

Que le chemin s’ouvre sous vos pas.
Que le vent vous pousse en avant.
Que le soleil rayonne sa chaleur sur votre visage.
Que les pluies tombent avec douceur sur vos champs.
Et jusqu’à notre prochaine rencontre, que Dieu vous garde dans la paume de sa main.
Il est Père, Fils et Saint-Esprit.

Amen.

Aujourd’hui, le "vivre ensemble" semble menacé. Les exclusions se multiplient et le même recherche le même. Les grandes figures croyantes, comme Abraham dans la Genèse ou les disciples dans l’Évangile selon Luc, sont pourtant envoyées au-devant de l’autre dans toute sa différence. Le "vivre ensemble", c’est aussi le défi d’une cohabitation en bonne intelligence entre des personnes qui ne se ressemblent pas et qui ne partagent pas toutes leurs valeurs.

Détails

Avec la participation de
Denise Lambercier
Orgue
Jean-Samuel Bucher
Musique