Suivre une étoile et se laisser emporter par la joie... Facile?

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Écouter le culte :

« A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie. » (Matthieu 2, 10)

En regardant certains petits-enfants, j’ai parfois l’impression que cette émotion, peut surgir à tout moment. Tous les enfants ne sont pas en permanence joyeux, mais certains l’expriment avec des grandes exclamations, lors de retrouvailles, lorsque les mêmes jeux de surprises sont répétés un nombre incalculable de fois, lorsqu’ils courent partout en criant, ou qu’ils s’associent à la musique pour chanter et danser.

Cela semble si facile de se laisser saisir par la joie en les regardant. Et pourtant… la joie n’est pas le lot quotidien de bien des personnes et des peuples. Les soucis, les responsabilités qui pèsent sur nos épaules ou les mauvaises expériences qui nous rappellent que mieux vaut ne pas trop se réjouir sinon nous serons déçus, reprennent vite le dessus.

La joie… c’est une émotion difficile à appréhender, à comprendre. Souvent elle surgit, elle me saisit hors de moi-même, elle m’élargit et m’ouvre. La joie est comme un événement inattendu, insaisissable, mais bien présent.

Alors quand éprouve-t-on alors cette joie ?

En entendant le commentaire de certains sportifs, ceux-ci pourraient être ces jeunes qui viendront pour les Jeux Olympiques de la jeunesse, ils ont vécu cette joie comme une forme d’accomplissement pour tout le travail et les sacrifices fournis.

Mais l’émerveillement devant une scène de la vie, un paysage, une musique peut également nous y conduire.

Peut-être la joie est réservée, comme une grâce, à certaines personnes uniquement ? Des personnes qui savent être ouvertes, attentives aux signes, à la vie ?

On n’associe pas souvent le christianisme à la joie. Et pourtant le texte de ce matin nous y convie et affirme avec force que la source de notre joie est le Christ. Mais la joie n’est pas réservée aux chrétiens et chrétiennes ! Le texte de Matthieu rapporte justement la joie aux mages, ces étrangers venus de loin.

Revenons sur ce récit : « A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie. »

Cette fabuleuse histoire semble sortir d’un rêve et notre imaginaire y contribue. L’astre, par exemple, y prend une moins grande place que ce que nous avons l’habitude de lui donner. Il est apparu à l’Orient mais n’a pas tout de suite guidé les mages. C’est grâce à leur savoir, leur croyance, leur sagesse et leur expérience que ces mages ont conclu qu’il était le signe de la naissance du roi des Juifs. Quoi de plus normal pour eux d’aller se renseigner à Jérusalem au palais du roi de ce peuple ?

Alors lorsque cet astre du ciel, qu’ils ont scruté des nuits, qui a déclenché tout leur voyage réapparaît ; ils éprouvent une très grande joie.

Cela peut être difficile de se laisser saisir par la joie et le personnage d'Hérode le montre bien dans ce récit. Selon la posture que nous adoptons, la joie se fraye un chemin vers notre cœur.

Les mages et Hérode présentent deux attitudes contrastées. Alors que les mages sont dans une posture d’ouverture, d’attention et d’humilité, Hérode, lui, veut garder la mainmise sur les événements.

Ces savants venus d’Orient ont accueilli une nouvelle qui les a mis en route. Ils ont repéré un signe dans le ciel, et ont cheminé dans le but de rendre hommage à un roi. Un roi d’une autre contrée, d’un autre peuple, d’une autre religion. Un roi qui n’a rien à voir avec eux. Quelle ouverture !

Hérode, quant à lui, est pris entre deux feux. Roi vassal de Rome, il est dans une posture difficile entre un peuple à gouverner et les intérêts de Rome à garder. Il vit dans la crainte de perdre le pouvoir et il est troublé par cette annonce d’un nouveau roi. Pourtant c’est lui qui reconnaît le premier le lien entre ce roi des Juifs, un roi politique, annoncé par les mages, et le Messie, figure religieuse tant attendue à cette époque. Finalement l’histoire montrera qu’il choisit la partie sombre, avec le massacre des innocents.

Il opte donc pour une posture de méfiance. Il veut garder le pouvoir pour lui tout seul et construit une machination dans le dos des mages. En filtrant les réponses des uns et des autres, il obtient des renseignements sur le lieu de naissance du Messie, et demande aux mages de lui rapporter les informations complémentaires. Cette attitude le ferme à la dynamique de la joie.

« A la vue de l’astre, ils éprouvèrent une très grande joie. »

Les mages ont laissé la place à la joie dans leur vie, et la réapparition de l’astre les y a aidé. Mais l’événement paraît un peu faible pour expliquer cette si grande joie des savants. Car cette joie est si grande dans le récit, que l’adjectif « grand » n’a pas suffi pour la décrire. Cette joie n’est pas juste « grande », elle est littéralement « grande fortement ».

Ici la joie décrite n’est pas cette petite joie qui me fait sourire. Non ! Elle est si forte qu’elle me saisit, me transporte et m’oblige d’une manière ou d’une autre à l’extérioriser, tellement il est difficile de la contenir en moi-même. Une joie qui semble venir de l’extérieur, d’une grâce offerte par Dieu.

Pour moi cette joie est non seulement reliée à l’astre rayonnant, mais surtout à cette indication précise à laquelle il renvoie dans le texte. L’étoile s’est arrêtée au-dessus de l’endroit où était l’enfant. La joie ne découle pas uniquement d’une satisfaction personnelle : « nous avions raison, l’étoile est bien un signe. » Non : la joie, ici, témoigne de l’événement qui est en train de se vivre.

Dieu se révèle dans cet enfant. Il se fait proche et se laisse approcher. Il s’offre comme un don. Dieu devient lui-même le signe. Ésaïe l’avait annoncé « la lumière de Jérusalem arrive. » Et pour appuyer ce changement, l’astre disparaît; il n’est plus nécessaire au récit, car c’est le Christ qui prend sa place. Oui, c’est le Christ désormais qui est l’astre lumineux qui guide notre vie, l'Étoile brillante du matin que nous avons justement chanté tout à l’heure.

La joie de vivre un tel événement de révélation ne peut se garder pour soi. Elle demande à être extériorisée. Pour les mages cela se fait en offrant des présents humains, précieux à leurs yeux : l’or, l’encens et la myrrhe.

Ésaïe nous livre un autre témoignage des effets de la joie sur Jérusalem, avec des termes si forts et si beaux : « Alors tu verras, tu seras rayonnante, ton cœur frémira et se dilatera. »

La joie qui ouvre, dilate le cœur, et qui permet même de devenir acteurs et actrices, puisque les gens des diverses contrées se feront les messagers des louanges du SEIGNEUR.

Et nous ? Est-ce que nous nous laissons transformer par la joie du Christ dans notre vie ? La joie, nous l’avons vu, est une émotion difficile à appréhender. Une émotion qu’une posture d’ouverture et d’humilité comme les mages peut favoriser.

Pas si facile… cela demande de se dépouiller de ses craintes, de rester ouvert à l’inattendu, d’être attentif aux signes, de faire le choix de la confiance, de prendre le risque de vivre simplement, comme un enfant !

Par son récit Matthieu nous a également amené à comprendre le Christ lui-même comme cette étoile qui nous guide et nous conduit. Dans notre quotidien nous pouvons vivre des hauts et des bas, des temps d’épreuves et de souffrances, comme de réjouissance, par le Christ. Dieu nous offre cette constance de la joie. Car il se laisse rencontrer dans cet enfant. Il peut ainsi devenir notre joie. Une joie dont nous n’avons rien à craindre, une joie qui ouvre à la vie en plénitude, une joie qui nous est offerte comme une grâce. C’est le don qu’il nous fait en ce jour de l'Épiphanie.

Alors laissons-nous saisir par cette joie !

Laissons-nous mettre en mouvement par ce don de Dieu !

Habités et illuminés par sa présence dans notre vie, nous pourrons à notre tour offrir notre joie au monde et rayonner de cette lumière qui nous habite intérieurement, l'Étoile brillante du matin, Jésus notre joie !

Amen

Entre Bizet, Händel et Mendelssohn, le chant et l’orgue guideront les auditeurs et auditrices vers la crèche. C'est le lieu où, en ce jour de l’épiphanie, Dieu se révèle à des savants venus de loin. Ce culte célébré au temple de Lutry se veut festif et tourné vers l’offrande et le don. Un don de ce Dieu qui vient nous rejoindre mais aussi de toute l’humanité, symbolisée par la figure des rois mages vers cet enfant: Jésus.

Détails

Avec la participation de
Pierre Bonjour
Orgue
Dominique Creux
Musique
Charlotte Müller-Perrier, soliste