Écouter le culte :
« Donnez-leur vous-même à manger ! »
Chers Ami-e-s,
Devant la foule affamée, les disciples désemparés attendent du Christ ou de Dieu qu'il fasse quelque chose ! Et Jésus les renvoie à leurs propres responsabilités. Il ne leur dit pas : « Débrouillez-vous. » Son message est : « Vous le pouvez ! Vous le pouvez, parce que vous n'êtes pas seuls. Je suis avec vous. Dieu est avec vous. Je vous fais confiance ! » Et en effet, personne ce jour-là ne restera sur sa faim.
Au sixième jour de la Création, l'être humain reçoit une bénédiction qui dit la même confiance : « Soyez féconds, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les habitants des mers, du ciel et de la terre ferme. »
Mais comment comprendre notre rôle, avec ces mots très forts : dominer, soumettre ?
Bien sûr que ces mots prêtent au malentendu ! Bien sûr qu'ils ont souvent été utilisés pour justifier le pire, la tyrannie des humains sur la création.
Le récit de la Genèse nous montre Dieu en ce sixième jour, créant d'abord les animaux terrestres. Puis vient la fameuse phrase, comme un refrain : « Dieu vit que cela était bon. »
Curieusement, les humains créés juste après, n'auront pas droit à ce refrain ! Par contre, ils recevront une bénédiction, alors que Dieu, dans le récit, n'a pas béni les animaux terrestres. Il avait pourtant béni les poissons et les oiseaux.
Comme pour nous dire qu'il y a un rapport inégal entre les humains et les animaux terrestres. Ils occupent le même espace, la terre ferme, il s'agira donc de régler leur relation.
Dieu voit les animaux comme bons, mais il n'est pas sûr qu'ils pourront prospérer, qu'ils seront bénis. Quant aux humains, ils sont bénis, mais il n'est pas sûr qu'ils seront bons!
Cela dépendra d’eux. Cela dépendra de leur manière de comprendre la mission que Dieu leur confie. Quelques générations plus tard, Dieu ne les trouvera pas bons du tout – et ce sera le Déluge !
Mais comment dominer la terre, comment soumettre les animaux ?
La clé est dans le récit lui-même : l'être humain est créé homme et femme, l’être humain est créé à l'image de Dieu. L'être humain ne peut donc dominer qu'à la manière de Dieu, sinon il ne serait pas à son image.
Mais alors, comment Dieu domine-t-il ? Là aussi, la réponse est dans le récit : Dieu domine en bénissant. Dieu domine en donnant à chacun sa nourriture. Pas question de tyrannie ! Pas question d'arbitraire !
Dominer, selon Dieu, c'est aimer et prendre soin: «Donnez-leur vous-même à manger!»
Dominer c'est cela. Avoir une attitude souveraine.
En français, comme en latin, dominer se rapporte à domus, la maison, le domicile. Ce n'est pas pour rien que nous appelons Dieu notre Dominus : il est en quelque sorte le Maître de la maison, la maison « terre habitée ». Et il nous demande d’être nous aussi, là où nous sommes, des maîtres de maison.
Au lieu de soumettre les animaux, on pourrait parler de les domestiquer ou de les dompter. Et pour la terre, la dominer pourrait simplement signifier la cultiver, avec respect.
Dominer n’est pas exploiter, dominer n’est pas mépriser.
La domination à l'image de Dieu, c'est une relation dont le moteur n'est pas le profit mais l'affection et la reconnaissance. Respecter la création, soigner sa relation avec les autres créatures.
Ce n'est pas tout de s’émerveiller devant un beau paysage ! Respecter la création c'est refuser que les êtres vivants n'existent que comme des produits à vendre ou à acheter. C'est trouver choquant que le blé soit considéré comme une « matière première », objet de spéculations à la bourse. Le blé, c’est le pain ! Le blé, c'est la vie ! S'il est trop cher, des gens meurent de ne pouvoir l'acheter.
La logique économique dématérialise la réalité et la rend abstraite. On croit que ce ne sont que des chiffres. On croit qu'il n'y a pas de lien entre ce que nous consommons et l'état de la planète. Or la logique économique contredit la logique de la Création. Elle ne voit le monde que comme une réserve de ressources à exploiter, à notre disposition pour produire des biens.
L'homme économique renverse le rapport originel. C’est lui qui crée Dieu à son image, l'image d'un tyran qui veut toujours plus. Ce dieu-là n'est pas celui auquel nous croyons. Cet être humain non plus ! Dieu n'est pas un dictateur. Ne laissons pas les humains tyranniser la planète. Ne la tyrannisons pas non plus nous-mêmes !
Continuons de réfléchir à notre place dans la Création ! Soyons nous-mêmes créatifs, à l’image de Dieu. Reconstruisons les équilibres fondamentaux. Donnons l'exemple !
Et quand quelqu'un a faim, donnons-lui nous-mêmes à manger !
Amen
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Veuillez noter que cette prédication est pour la paroisse de l'Eglise française de Berne la troisième d’une série sur le thème de la Création.
La deuxième prédication était prononcée lors du culte radio du 13 septembre, que vous retrouverez sur ce site.
En bonus, le premier sermon de la série, non diffusé à la radio, est publié à la suite du texte du 13 septembre.