Écouter le culte :
Chères paroissiennes, chers paroissiens,
L’Évangile de ce dimanche nous raconte une journée dans la vie de Jésus. Il commence le matin du sabbat et finit autour du dimanche matin. C’est un des rares moments où l’on suit ainsi une journée, la deuxième fois sera évidemment tout à la fin de l’Évangile de Marc, quand il nous raconte les derniers instants de la vie de Jésus : le dernier repas, l’arrestation, la condamnation, la crucifixion, la mort, la mise au tombeau, puis la résurrection. Pour le récit de la passion on comprend bien qu’il nous soit raconté heure après heure, parce que c’est important et ce récit est le cœur de notre foi, mais qu’en est-il de la journée qui nous est racontée aujourd’hui ? Elle n’a pas du tout la même intensité ou la même force que le récit de la passion. Alors qu’y a-t-il de si important dans cette journée à Capharnaüm pour qu’elle nous soit raconté dans tant de détails ? C’est là, la première question que je voudrais soulever dans cette prédication.
Rappelons-nous ce qui s’était passé : ce matin-là, Jésus était allé avec ses tout nouveaux disciples à la synagogue de Capharnaüm, il y avait enseigné avec autorité et chassé un démon et maintenant ils veulent aller manger dans la maison de Pierre, mais voici que sa belle-mère est malade. Jésus la guérit, bien que c’était le Sabbat et qu’à l’époque, il y a tout un débat pour savoir s’il faut guérir ou non pendant ce jour de repos important. Une fois guérie, la belle-mère se met à les servir. Les autres malades attendent le coucher du soleil et ainsi la fin du sabbat, pour demander leur guérison et la libération des démons et Jésus les exauce, mais il ne veut pas être reconnu dans son identité de Messie et de Dieu le Fils, alors il fait taire les démons. Le lendemain, il se lève tôt et sort du village dans le désert pour prier. Puis il part ailleurs annoncer l’Évangile.
Dans ce texte, la mission de Jésus est décrite dans sa globalité. Dans une histoire toute simple dans un village de Galilée, nous devenons témoins du salut, de l’œuvre du Christ et de l’irruption de Dieu dans le monde.
Jésus agit en effet de trois façons :
- Il guérit les malades.
- Il chasse les démons.
- Il annonce le royaume.
Par ces trois interventions, il intervient dans les trois sphères de l’existence humaine : il guérit le corps touché par la maladie, il libère l’âme assaillie par un mal qui la dépasse et qu’on appelle « les démons » et sauve l’esprit tourmenté par les fausses idées et le désespoir.
Là où il est présent, Jésus transmet la guérison à l’être humain dans toutes ses dimensions. Sa présence à Capharnaüm est source de salut, vraiment comme l’image de la source d’eau, de lui coule un amour, une espérance et une confiance, qui guérissent ceux et celles qui s’approchent de lui.
Pour les corps, on comprend assez facilement : la belle-mère de Pierre avait de la fièvre et ensuite elle n’en a plus. Mais quand l’Évangile nous parle de « chasser les démons » c’est un peu plus complexe. Il nous est dit par là que l’existence humaine dépasse juste le bien-être du corps, qu’il existe une dimension plus profonde de l’existence dans laquelle d’autres forces agissent, des forces qui nous élèvent et qui nous font du bien, mais aussi des forces qui nous tourmentent et nous font peur. Dans cette dimension qu’on appelle la dimension surnaturelle, l’identité de Jésus est visible : son unité avec Dieu y est évidente. Dans cette dimension, sa puissance est aussi réelle, si bien qu’il peut libérer ceux et celles qui sont captifs de toutes ces forces, qui emprisonnent et avilissent l’être humain. Bien sûr, les hommes ne peuvent pas voir cette dimension, mais Jésus y agit.
Jésus intervient dans notre monde pour annoncer dans nos vies, dans nos corps, dans nos âmes et nos esprits, que nous sommes guéris, non pas sains et bien portants, mais guéris. Il connaît nos blessures, nos manquements et nos maladies, il ne les nie pas, mais il est venu les porter et nous en libérer. Voilà la partie « annonce de l’Évangile ».
En annonçant l’Évangile, Jésus nous apprend que nous sommes les enfants aimés de Dieu, que nous sommes aimés et que nous allons vers la vie et non vers la mort. L’Évangile nous annonce que nous ne sommes pas faits pour mourir, que la maladie n’a pas le dernier mot, mais pour être guéris, pour entrer à travers nos blessures dans la résurrection. Parce que Jésus n’a pas peur des blessures des hommes, il n’a pas peur de nos maladies, il ne se met pas à l’écart de cela. Au contraire, c’est par ses blessures qu’il nous a ouvert le ciel et la vie. Il répond ainsi à ce qui nous angoisse et qui nous détourne de ce qui est beau, juste et vrai. Parce que nous avons peur de ne pas pouvoir être aimé, parce que nous sommes blessés, malades et que nous avons peur. Car nous avons soif d’être aimé et soif d’être accepté et souvent cela nous empêche de voir l’autre, nous ne nous voyons plus que nous-mêmes et nos besoins : notre besoin d’être entouré, aimé, entendu et compris, nous empêche de voir l’autre.
Mais quand nous sommes guéris, alors nous voyons l’autre et ce dont il a besoin : c’est pour cela que la belle-mère de Pierre se met à servir : elle n’est plus préoccupée par elle-même. Jésus a vu son problème et en a pris soin, maintenant elle aussi est libre de prendre soin des autres. Elle ne sert pas parce qu’elle a renoncé ou qu’elle s’écrase, ça ne lui coute pas de servir, mais parce que Jésus s’est mis à son service et l’a guérie. Le service qu’elle rend ne l’humilie pas mais l’humanise.
Être guéri, c’est être libre, c’est-à-dire avoir l’espace dans lequel, je peux être moi. Réfléchissez-y : quand est-ce que vous sentez libres ? Moi je me sens libre quand j’ai le droit d’exister et d’être moi-même. Et ce qui nous est dit dans cet Évangile, c’est qu’être soi-même, c’est très riche.
Ça a trois dimensions : le vivre son corps, vivre son âme et vivre son esprit et les trois sont appelés à une mission ou un rôle : être enfant de Dieu, se mettre au service des autres, se réjouir de l’existence, aimer et vivre.
Pour trouver cela, nous avons besoin d’entendre le « oui » de Dieu, bien sûr nous l’avons reçu le jour de notre baptême, mais il faut le rendre présent chaque jour. Jésus est le Fils de Dieu, il a donc cette relation inscrite au cœur de son corps, de son âme et de son esprit et néanmoins, il avait besoin de l’entretenir : voilà pourquoi il sort dans le désert pour prier. En faisant cela, il nous donne une clef pour nous dire comment retrouver cette verticale qui nous donne un centre : sortir ! Il nous faut sortir de nos occupations quotidiennes et prier.
Notre vie est comme un mobile complexe : nous avons toutes ces tâches que nous devons gérer, mais aussi tous ces hommes, ces femmes et ces enfants avec lesquels nous sommes en lien. Et plus ils sont proches de nous, plus nous sommes touchés quand ils ne vont pas bien. Alors pour donner de la stabilité à ce mobile, nous avons besoin d’être fermement ancrés en Dieu, dans la verticale et dans le ciel. Il est le centre dans lequel nous sommes ancrés et si nous sommes ancrés dans cette relation, alors nous sommes stables et pouvons prendre soin des autres quand ils tanguent. Si nous n’avons pas cet ancrage nous sommes emportés par tout ce qui passe. Quand rien ne va, laissons-nous porter, non pas par ce que nous avons amassé à nos pieds pour nous donner de la stabilité – ce n’est que du sable – mais laissons-nous porter par ce fil qui nous raccroche fermement dans le ciel.
Quand nous tanguons, ne comptons pas seulement sur les autres, au risque de les emporter dans la tourmente, mais comptons sur Dieu qui nous tient et qui nous dit : « Je ne te lâcherai pas. » Et c’est dans la prière que cette assurance nous est donnée. Alors quand tout semble se dérober et que nous semblons perdus, quand nous avons besoin de guérison : tournons-nous vers Dieu. Lui sait prendre soin de nos corps, de nos âmes et de nos esprits.
Amen.